Beatriz Preciado, disciple de Jacques Derrida, est l’auteur du Manifeste contra-sexuel (Balland, Paris, 2000), et est à la pointe de la » théorie Queer « . Ceci est le récit des prises, durant 236 jours, de doses de testostérone. Ce n’est pas de l’auto-fiction, mais la description du « protocole d’empoisonnement » suivi par l’auteur, dans un but de « bioterrorisme ».
Ce n’est pas simplement une lecture élargie de l’habeas corpus que voilà, mais bien une attaque en règle de la distinction entre les sexes. Sans entrer dans le détail du corpus de Beatriz, celle-ci s’appuie sur les théories Foucaldiennes pour décrire une société où les normes sexuelles sont définies par l’industrie pharmaceutique (viagra, …) et pornographique. Soit. Il s’agit donc de faire un peu de biopolitique pour faire bouger les lignes. Prenons donc un peu de testostérone. Reprenons donc un peu de testostérone. Reprenons donc un peu de testostérone. Et nous pourrions en écrire 236 lignes, entrecoupées d’analyses sociologiques, philosophiques, politiques, et alternées de descriptions crues de pratiques sexuelles.
Ambitieux sur le plan formel et la maîtrise des concepts (nous parlons d’une philosophe/sociologue), ce livre tient cependant également de l’happening intellectuel, et du récit des pratiques sexuelles. Il s’agit pour l’auteur de rendre les modifications physiques palpables (sans mauvais jeu de mot, ou plutôt si, avec) mais aussi de témoigner des modifications psychiques, des sensations, des pratiques et des désirs.
On peut se désintéresser du voyeurisme inhérent au projet. On peut également s’agacer du « protocole » pas très scientifique au delà de la valeur de témoignage… On pourra également trouver que cela sent trop « l’universitaire » : on ne coupe pas au jargon de sociologue (grosse utilisation du couple « prescripteur/prescriptif »), jusque dans les scènes les plus crues, ce qui donne parfois un effet hilarant certainement non voulu. Cela reste en tout cas une performance très intelligemment commentée, et aucun des membres du jury ne prendrait de toute manière le risque de venir chercher Beatriz Preciado sur le sujet.
On se perd avec intérêt dans l’idéologie de l’auteur, athée de la différenciation sexuelle (elle n’y croit pas). Elle va même jusqu’à plaider pour un retournement des pratiques de domination, digne du Femina… Les femmes doivent devenir «macho d’élite ou roi de la sodomie». Elles doivent rendre les hommes «Economiquement dépendants et les traiter sexuellement comme une pute ou comme une reine, mais toujours de manière aléatoire, uniquement en fonction de [vos] propres désirs.»
On espère être dans la blague éducative pour ces dernières citations…
La lecture croisée de « Enculée » de Pierre Bisiou est évidemment savoureuse et éclairante tant les ambitions de l’essai répondent aux craintes et doutes du roman. Le Prix Trop Virilo souhaite féliciter la plus vivace poussée de testostérone dans les livres de l’année. Nous remercions Beatriz Preciado d’avoir su si littéralement répondre à notre appel.
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