Lu par Paul
Seuil
Une rentrée littéraire, c’est comme une rentrée des classes : il y a une foule de nouveaux, on est un peu intimidé au début et puis on se rend compte que comme chaque année, des profils se distinguent assez rapidement.
Il y a les paresseux, les médiocres, ou encore ceux qui font du mieux qu’ils peuvent et qui pourtant n’arrivent à satisfaire que leurs parents.
Comme toujours, Pluyette figure dans la catégorie des premiers de la classe. Mais alors des premiers de la classe emmerdants. Ceux qui s’ennuient en cours, n’en font qu’à leur tête, dissipent leurs camarades quand ils ont terminé l’exercice. Cette année, à la Villa Médicis où il était pensionnaire, on imagine volontiers que ça a dû être un beau bordel.
C’est une histoire de romance et d’innocence entre un homme, Hercule, et une femme, Angélique. Ils sont purs, ils se veulent, mais ils vont être confrontés au monde individualiste et à l’industrie du désir moderne, cette broyeuse peuplée d’actrices porno et de serviettes de bain -quand il faisait pourtant si bon coucher nu sur l’herbe verte. Adam et Ève vont donc se retrouver dans une sorte de costa croisière de l’amour : le Magnifique.
Vous vous souvenez de La traversée du Mozambique par temps calme ? Sans prévenir, les protagonistes passaient de la banquise à la forêt amazonienne en empruntant un tunnel. Hop-là ! Retournement comique ! Cette fois-ci, Pluyette parodie encore davantage le style romanesque, en l’affranchissant d’à peu près toutes ses conventions – du moment que c’est cocasse et que ça surprend le lecteur. Les personnages changent d’identité en cours de route, les époques s’entrechoquent, la narration se mord la queue gaiement. C’est un bel effort, mais lorsque l’auteur en vient au calembour, on s’interroge sur sa démarche plus qu’on ne se gausse.
« Hercule mettra plus de temps (…), dira qu’il eût souhaité le savoir mais l’essentiel sur le moment était qu’elles le sussent ». (p. 91)
Bref, on a envie de le recadrer un petit peu, cet élève prometteur. De lui faire prendre exemple sur le petit Chevillard, qui bachote consciencieusement dans son coin sans se laisser distraire. De lui dire que c’est un peu dommage de sacrifier son talent sur l’autel du LOL.
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Lu par François H-L
La critique précédente dit l’essentiel. Le « style Pluyette » est à l’œuvre dans ce roman, c’est amusant, inventif, parfois caustique, souvent absurde. Pourtant ce qui était une totale réussite avec La traversée du Mozambique par temps calme, parodie de roman d’aventure, atteint dans ce roman ses limites.
Si la première partie du roman apporte en effet de vrais moments de joie littéraire grâce à sa dimension pastiche : de roman d’amour à la Arlequin mais également de roman champêtre voire régionaliste, la seconde partie du roman déçoit voire agace. Hercule devient Jean-Claude mais la narration tourne à vide. Ca reste mordant mais Pluyette n’évite pas l’écueil du catalogue ou plutôt du zapping… Ce qui semble plutôt paradoxal au regard de son propos (l’auteur dénonce en effet la façon donc la société contemporaine pressurise et formate nos désirs) : on comprend que les énumérations, la rapidité de la plume puissent être des choix littéraires au service du fond mais là… on y croit pas, c’est un peu bancal.
En refermant le livre on reste sur sa faim. On aurait aimé que la folie douce de Pluyette ne s’essouffle pas de la sorte mais, après tout, son œuvre est suffisamment originale et détonante pour admettre quelques coups de mou de temps à autre. Le Virilo ne t’en veut pas Patrice.
en fait, je crois que je viens seulement de comprendre le jeu de mots (graveleux) du titre…