Trois visites à Charenton, de Benoît Damon

27 Sep

Duvet sans tête

Editions Champ Vallon

Lu par Philippe

Monologue du monomane 

Titre pas swag

Un très bon trois moustaches. A la fin de sa carrière, Géricault se plonge dans des toiles d’aliénés. « Exécute le portrait » dit la quatrième de couverture. C’est un jeu de mot car pendant trois séances de pose, le peintre écoute un « fou » : le « monomane de la guillotine ». Tel est le pitch alléchant de ce livre au  titre tout pourri -« Trois visites à Charenton ». Nous sommes embarqués pour 240 pages de monologue monomaniaque autour de la guillotine, de la révolution, de la Terreur ; ça va gicler dans les chaumières.

Attention chérie ça va couper

Si vous vous attendez au  « Mentalist » version Restauration, vous allez être déçus. L’hurluberlu qui jacte sans fin est né de la Terreur mais ce n’est pas un tueur en série. D’une faconde prodigieuse, il va raconter Marie-Antoinette sur l’échafaud, la fumée, les odeurs, les cris des suppliciés, le muscle du bourreau. L’esprit malade de conversation vous parle d’une langue riche, joyeusement descriptive, sonore.

« Et pourtant, voici surgies d’un brouillard jusque-là protecteur qui maintenant s’effiloche, les colonnes dépenaillées des fantassins de l’an II. (…) La forteresse de Mabeuge est délivrée. Vive la République! mort aux tyrans! et rlan, rlan, rlan, rantanplan! patata! pataplan!…           Changeons de spectacle. Quittons le désastre du champ de bataille, ses chevaux morts ou blessés, les agonisants ou les cadavres à enterrer. (…) A là même heure ce jour-là, Dame Guillot reçoit, au minuscule salon du dernier bal des têtes en l’air, Marie-Antoinette en déshabillé blanc. »

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Les saillies du fou sont cocasses, mais dépeignent des faits terribles et bien réels. De cet écart naît le malaise que l’on peut avoir en écoutant un vétéran de massacre. Il parle avec légèreté d’horreurs que l’on voudrait sacraliser. Tout imprégné des théories révolutionnaires, il débourbonnise à grand coup d’Être suprême.

« Charentonnais de bonne famille, je parle raison, non galimatias. Je repousse fatrasie, à peu près et charabia. (…) J’entretiens les jardins de mon esprit. (…) J’apprécie les lignes équilibrées, les espacements contrebalancés, les agencements symétriques : Le Nôtre est le mien. »

« Ils n’ont plus de romans ? Qu’ils mangent du monologue ! » Marie-Antoinette

Tout cela serait formidable si le pari n’était pas aussi éprouvant pour le lecteur.

« (Géricault,) Vous me rétorquerez peut-être : les mots font la chanson, et votre grelot sonne trop haut pour les oreilles ordinaires. Eh!… Que nous importent les oreilles ordinaires – n’est-ce pas à vous seul que je m’adresse ? »

Ah… Oui… Ben justement c’est peut-être le problème. Ecouter un fou brillamment divaguer est un pari magistral mais éreintant. Peut-être est-ce dû à la fatigue de la rentrée littéraire, j’ai eu bien du mal à terminer le livre. Mes oreilles ordinaires sans doute. Un manque de suspens peut-être aussi. Gageons donc qu’il faut lire ce livre lentement, sans chercher à le dévorer. Et laisser faire le grelot fou du possédé.

« Ces années de tempête furent celles de la jeunesse, des illusions de nos pères ; elles nous menèrent aveuglément jusqu’à la chute de l’Empire. Et sans doute sommes-nous morts d’y être nés. »

2 Réponses vers “Trois visites à Charenton, de Benoît Damon”

  1. DF 3 octobre 2012 à 13 h 43 min #

    Ah, vous êtes dur, là! Certes, le début m’a paru un peu sage; mais la suite ne m’a pas du tout barbé, il y a des choses bien trouvées. Vous avez sans doute reconnu le profil de la lame de la guillotine au détour d’une page…

    • Prix Virilo 3 octobre 2012 à 15 h 14 min #

      C’est vrai. Le style de B. Damon est magnifique mais je l’ai trouvé vraiment éreintant. je n’ai pas pu entrer dans le livre. Et c’est d’autant plus dommage quand on lit son calligramme où certains passages enfin limpide.
      Philippe

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