Le Terroriste noir, de Tierno Monénembo

20 Oct

Toupet des Vosges

Seuil

Lu par Gaël

Plus connu comme « Le Théoriste noir »

Les noirs sont tous des tirailleurs sénégalais

Hélas, hélas ! Seulement deux moustaches pour ce terroriste noir qui avait pourtant tout pour faire un héros bien membré. Le livre raconte un épisode de la vie d’un tirailleur sénégalais (pas plus sénégalais que vous et moi, il est né en Guinée et a grandi en Touraine, mais à l’époque tout soldat noir était irréfragablement présumé sénégalais, et tirailleur au demeurant), Addi Bâ, personnage historique qui présente l’intéressante particularité de s’être, après la débâcle du printemps 1940, installé dans les Vosges où il a créa un maquis.

Ce pitch présente tout ce qu’il faut pour plaire : la seconde guerre mondiale, des nazis, un double exotisme (un noir, mais aussi et surtout des Vosgiens) qui promettait des épisodes truculents, et un héros qualifié à de nombreuses reprises d’homme à femmes. Hélas, le livre échoue largement, sans doute à cause de son parti-pris littéraire. Ce dernier est courageux, car un style classiquement narratif et une construction linéaire auraient sans doute suffi à bâtir sur ce canevas séduisant un livre d’aventures plaisant.

Y’a pas très bon…

Le terroriste noir : des nazis, de l’exotisme, des arbres.

Mais tout est compliqué, sans doute inutilement : d’abord par la construction, puisque le récit se place 60 ans après la fin de la guerre, quand une habitante du village vosgien où s’est déroulé l’essentiel des aventures d’Addi accueille ses descendants venus inaugurer une plaque à sa mémoire. Elle s’adresse à eux, fantômes dont on ne saura rien, mettant en abyme le lecteur dans un « vous » superflu qui fait perdre le fil, mélangeant les époques de la narration là aussi sans but précis.

Ensuite, par le style. Je connais trop mal les antécédents de Monénembo pour en faire plus qu’une hypothèse mais on a la sensation d’assister à une tentative d’hybridation entre folklore et patois vosgien, d’une part, et narration inspirée du conte africain, de l’autre. En tout cas cela fait un peu trop de purin sur les semelles, et voir tous les personnages affublés d’un article défini, voire pour les plus chanceux d’un surnom bouseux en bonne et due forme (« L’Etienne », « La Pinéguette », …), sent un peu trop sa guerre des boutons pour ne pas être rapidement fatiguant.

Des pitchs qu’on noie

Mais surtout le livre passe largement à côté de son sujet. Rabattant toutes les aventures d’Addi Bâ sur la vie de ce petit coin des Vosges, ses dissensions multiséculaires entre familles et l’ignorance de la narratrice (qui, enfant au moment des faits, admet ne pas savoir trop de ce qui s’est passé), il n’en raconte au final pas grand-chose. On nous dit que le personnage a été un grand résistant, qu’il a séduit toutes les femmes du coin, qu’il était fier, séduisant et drôle, mais jamais cela n’est raconté. On a l’impression d’assister à un projet de déconstruction d’Eric Chevillard, mais inintentionnel, ce qui est peu troublant : « j’aurais pu vous raconter les aventures romanesques d’un tirailleur sénégalais perdu dans un coin des Vosges, mais en fait je vais plutôt vous parler de rien ». C’est qu’en réalité, le projet était sans doute plutôt un travail sur l’assimilation de la mémoire et la construction d’un folklore, ce que j’admets, mais qui m’a ennuyé, surtout avec un thème romanesque aussi prometteur.

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