Lu par… Anne

Bacchantes épanouies
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Il n’aura pas échappé à la vigilance du lecteur attentif que le jury du Virilo a cette année retenu dans sa sélection un livre qui ne devrait a priori pas s’y trouver, puisqu’il est publié par les très sérieuses Presses Universitaires de France (dites PUF, ou Pupuf pour les intimes). « Quoi ?! Comment ?! C’est un scandale !!! Un essai dans la sélection du Virilo ?! Mais de qui se moque-t-on ?! », entends-je d’ici les plus puristes s’écrier.
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La réponse, chers amis, est plus complexe, car si le livre est en effet publié dans la collection « Perspectives critiques » (dont je ne vous dirai rien, faute d’en savoir davantage), il s’agit bel et bien d’une fiction — comme tout objet littéraire, me répondrez-vous avec un petit rire cuistre et satisfait. Pour autant, ça n’est pas un roman, même si l’on peut en faire le résumé que voici :
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A la suite d’un changement cataclysmique, baptisé Grand Fracas par ses survivants, le monde que nous connaissons a disparu pour laisser place à une société nomade. L’un de ces groupes parvient jusqu’au Lotissement Grand Siècle du titre, supposément situé sur la commune de Versailles. Banlieue-dortoir haut de gamme dans toute sa splendeur, elle se compose de plusieurs centaines de pavillons quasiment identiques, tristement répartis autour d’axes de circulation. Les nouveaux arrivants vont explorer et tenter de comprendre cette curiosité urbanistique et la société qui a pu l’engendrer, grâce à leurs propres observations et suppositions ainsi qu’à l’aide de documents retrouvés dans les ruines.
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A travers cette exploration qui prend des tournures aussi diverses que plaisantes (description des lieux, éloge du parpaing, rapport de détective privé, etc.), c’est tout un mode de vie individualiste, productiviste, hypocrite et forcément délétère que Fanny Taillandier dénonce. Mais elle le fait avec finesse, humour et de beaux morceaux de style.
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Ce livre est une fiction car tout ce qu’elle y décrit est à l’évidence complètement mythonné, quoique bien évidemment inspiré de la réalité ; ça n’est pas un roman car tous les codes du genre (personnages, narration – ressortez vos Annabac sur le sujet et complétez vous-mêmes) y font défaut, mais il y a assurément là plus de littérature que dans la plupart des livres que l’on peut trouver dans la catégorie « 1 Moustache » de notre prix. Si en de rares moments, on peut déplorer un léger manque de chair, d’incarnation, on en ressort pas moins ébloui par ce tour de force et sans doute un peu moins con.
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Emmanuel (Carrère), accroche-toi à tes bretelles, la relève est en marche, et elle a un sacré talent.
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Cette rentrée littéraire réservait finalement quelques belles surprises
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