Tag Archives: 2012

L’herbe des nuits, de Patrick Modiano

17 Oct

Rasoir nocturne

Gallimard

Lu par Alys

Un roman qui commence par « Pourtant, je n’ai pas rêvé« . Un roman aux allures de songe, qui se déroule majoritairement la nuit, on l’a compris. Le narrateur déambule dans un quartier rarement exploité du Paris littéraire : « l’arrière-Montparnasse ». Il marche, son petit carnet plein de notes à la main, et il tente de se souvenir de son premier amour, il y a 30 ans. Un premier amour qui a duré 4 mois, et à la suite duquel la belle a disparu.

Mouais mouais mouais

Modiano commun

Il y a 30 ans, Tristan Corbière rencontre Dannie R. à la cafétéria de la Cité Universitaire : lui, il est un peu nigaud, et ne fait pas grand chose de sa vie à part noter tout un tas de détails étranges dans un carnet « pour se souvenir » : l’emplacement des bancs, les petites annonces collées sur les murs, les noms des gens qu’il rencontre.
Elle, elle est belle comme un camion, elle a de mauvaises fréquentations, habite, à l’Unic Hotel, dans le quartier de Montparnasse. Avec sa bande, elle semble se livrer à des petits trafics que Tristan Corbière ne comprend pas. D’ailleurs, il ne comprend pas grand chose cet anti-héros frêle et timide, de cet amour jaune (Big up poète éponyme).

Quitte à lire Corbière, autant lire le moustachu (comme d’hab’)

Il tombe amoureux, elle lui ment sur son identité et sur un tas d’autres choses qui n’ont aucune importance quand on est amoureux. Et puis un jour, elle disparaît, et lui, il ne s’en remettra jamais. L’histoire aurait pu s’arrêter là, et P. Modiano n’aurait peut-être pas eu à en faire un livre. Sauf que voilà, un jour un flic vient chercher notre héros dans le cadre d’une enquête sur un meurtre, et il découvre enfin qui étaient Dannie et les loubards de l’Unic Hotel.

Le ventre mou de Modiano

Le roman de P. Modiano est un bon compagnon de voyage, il se lit vite et sans passion. C’est le genre de livre qu’on oublie au bout d’une semaine. Une ambiance et des noms à la Marcel Carné, une histoire un peu bateau, des regrets éternels d’un amour déçu. Le ventre mou de la rentrée littéraire, en quelque sorte.

Tous les diamants du ciel, de Claro

16 Oct

Bacchantes planantes

Actes sud

Lu par Lina

Avant, je ne lisais que des romans ordinaires, à la fin extrêmement aciiiiide… j’étais pas terrible… Puis un jour j’ai découvert la douceur de Tous les diamants du ciel, et  mon visage s’est transformé…

Ce livre n’est pas parmi les finalistes des autres prix …

Tous les diamants du ciel ce n’est pas juste un roman, c’est LE roman de la rentrée littéraire.

Claro est le plus grand des voleurs

Claro nous fait suivre la vie de deux personnages un peu paumés dans les années 60 et 70.

–      Antoine jeune mitron dans le petit village de Pont Saint Esprit, village qui va connaître une épidémie un peu curieuse où tous les habitants seront victimes d’hallucinations. Comme les autres, Antoine sera interné et gardera toute sa vie trace de cet épisode difficile…

–      Lucy claque un jour la porte de la maison parentale et part découvrir New York, où elle sombrera petit à petit dans l’univers de la drogue…

Ce n’est là que le début du roman, je préfère ne pas dévoiler l’intrigue pour que vous puissiez vous aussi prendre plaisir à découvrir cette histoire. La force du roman réside principalement sur deux éléments : une narration très forte où l’on est plongé dans la tête et les pensées des personnages de manière abrupte et une écriture précise, violente, réaliste, intense où chaque mot est pensé et choisi.

Attention Jérôme Ferrari, je pense que tu as trouvé là un compétiteur de talent…

_________________________________________________

Bacchantes planantes

Lu par Stéphane

« OH… », de Philippe Djian

11 Oct

Moustache surprise

Gallimard
Lu par Alys

Deus ex sodomie

Titre casse-gueule

Un drôle de titre, entre l’exclamation d’un enfant apercevant une merveille, et le son de celui qu’on dérange. Le « oh » de l’étonnement, de la curiosité. Connaissant le père Djian, le « oh » de l’orgasme, aussi, probablement. Si à premier abord le titre en dit peu sur le contenu du roman, il n’en symbolise pas moins un nouveau style d’écriture qu’étrenne ici Djian.
Le livre s’ouvre sur une scène étrange, une personne, qu’on imagine de sexe masculin tout comme son auteur, est allongé par terre dans son salon. Il/elle vient de subir une agression. La scène est posée, l’auteur ne nous en dit pas plus, en tout cas pas tout de suite. Alors, on fait ses suppositions, on se trompe, on change d’avis, et l’auteur s’amuse à nous perdre, à nous retrouver pour mieux renforcer les mystères qui jalonnent son histoire. Grâce à une écriture très maîtrisée, l’auteur distribue des clés, quelques mots disposés ça et là comme des indices.

On doute que cela fonctionne pendant les premières pages, surtout parce que le narrateur se trouve être une narratrice, contrairement à l’habitude de l’auteur. Comment Philippe Djian, spécialiste unanimement reconnu des ambiances « bières chaudes et moiteur de l’entrejambe », va-t-il réussir à pénétrer la psyché féminine ? La solution s’impose au lecteur à la 3e page. Par un viol, tout simplement. Avec sodomie.

Pas d’érection pointant sous le jean brut

La violence est très présente : une violence sourde, permanente. Dans les relations que l’héroïne entretient avec ses proches, dans les mots. On ne comprend pas bien cette violence, d’ailleurs. Elle est insupportable avec son fils, son ex-mari, sa mère. Et puis petit à petit, Philippe Djian nous explique.

Spoiler, le violeur est tatoué

On est un peu frustré de ne pas retrouver tout d’abord ce qui fait le charme des romans de P.Djian : l’érection qui pointe sous le jean brut, les filles qui ne portent pas de sous-vêtements, le lieu toujours indéterminé (qu’on imagine en Californie ou au Texas), les pratiques sexuelles étranges (comme la danse de l’œuf, qui consiste pour une acrobate à s’insérer un œuf dans le vagin au moyen d’un grand écart).

Ici, on est en banlieue, la banlieue chic des pavillons, et c’est l’hiver, donc il faudra repasser pour la moiteur. On se dit qu’il a vieilli, qu’il s’est embourgeoisé et qu’il ne baise plus. Erreur. Philippe Djian est bien là, plus subtil peut-être, mais tant mieux, son héroïne n’en est que plus crédible. Quelques interventions valent d’être soulignées : quand l’agresseur envoie à l’héroïne un texto pour le moins clair : « Je t’ai trouvé très étroite, pour une femme de ton âge. Mais bon« . Ou quand ladite héroïne, surprise par une visite de son amant sur son lieu de travail, raconte : « Il ouvre sa braguette et me dit que je peux le caresser. « Dans ce cas, mets-toi au dessus de la corbeille » dis-je « .

On regrette de lui enlever une moustache, mais on lui reproche une ligne, la dernière. Dommage d’avoir voulu terminer en justifiant le titre, c’était loin d’être nécessaire, bien au contraire. En résumé, Philippe Djian signe ici un beau roman, sensible et féminin, mais réalise aussi une petite performance : nous convaincre que les femmes aiment parfois se faire brutaliser. A défaut donc de candidater pour le Prix Trop Virilo, voici un quatre moustaches.

_______________________________________________

Toupet ah?

Lu par Philippe

Mon premier Djian. Avec un titre qui fait très « je lis du Djian dans le métro, moi ». Je suis bien content.

« Je saigne un peu… »

C’est agréable à lire… L’écriture est maîtrisée, la narratrice a une voix crédible, ce qui constitue un vrai tour de force… Je fus surpris également par la pudeur face aux scènes décrites. Exemple : Viol avec sodomie donc, et bien « Je saigne un peu mais ça va« . Djian ne s’éternise pas avec des lunettes d’entomologistes comme d’autres passent trois pages sur une fellation au jambon (n’est-ce pas madame Angot). Cette retenue est au cœur du livre. Cette retenue, c’est l’héroïne, véritable bloc de pierre lézardé mais vaillant puis jouant avec ses failles. Une héroïne franchement sympathique, qui nous pousse à nous penser un peu plus libre. L’histoire est extrêmement casse-gueule et Djian donne à voir avec une une sensibilité psychologique et une économie d’esbroufe rare.

Je saigne too much ?

Mais j’ai fini par être un peu agacé par le côté too much. La bio de l’héroïne, too much, quand tu la résumes ça en devient risible. Les twists de scénario, carrément too much, je ne parle pas de la fin tellement c’est LOL. Les relations sexuelles, les petits-enfants, même les dîners familiaux sont too much… Djian a dû s’amuser comme un fou, mais cela sape en partie la projection du lecteur. Ce n’était pas la peine de faire un scénario aussi dopé. Ce n’est pas un problème pour un roman de gare, mais cela ramène cette histoire à une anecdote trop bien écrite dont on reste le spectateur amusé. Un livre pulp, agréable, qui montre des gens se vautrer en tentant d’être libres.

%d blogueurs aiment cette page :