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La chance de leur vie, d’Agnès Desarthe

28 Août

Lu par… Gaël

Trois moustaches tendres

 

 

 

Hector, Sylvie et Lester partent vivre un an aux États-Unis, dans une université moyenne de la côte est où Hector s’est vu octroyer un poste de professeur invité. Là, ils se révèlent à eux-mêmes, chacun d’une manière différente : Hector se réinvente en Don Juan, Lester en gourou pour adolescents, Sylvie va au bout de son expérience du non-agir zen (et se met à la poterie).

L’histoire tient donc en quelques lignes, d’ailleurs la quatrième de couverture dit à peu près tout. L’intérêt du livre ne tient pas dans son scénario ou dans les rebondissements, plutôt dans le portrait psychologique très fin des deux cabossés de la vie que sont Sylvie et Lester, personnages trop intelligents pour leur propre bien et qui ont choisi de tracer leur voie dans la dissimulation et la discrétion. On mesure la radicalité de ce choix à l’heure des mantras de l’affirmation de soi. La figure d’Hector, qui est explorée plus en creux et qui apparaît au départ comme un imposant philosophe et poète, au surplus séducteur sur le tard, en ressort également changée.

C’est donc un beau livre, subtil, original et empathique, sur des figures étranges, qui ont choisi d’être en marge du monde sans en faire un étendard, et qui pourtant n’en ressortent pas méprisables ou anodines. Sylvie, exploratrice du vide antérieur – au point parfois d’en devenir angoissante ; Lester, apôtre de la bonté cachée et de l’attention à l’autre non revendiquée ; Hector, imperturbable pilier qui pourtant ne peut tenir debout sans l’amour de sa femme si étrange.

Si on se limite à trois moustaches, ce n’est pas par manque d’intérêt, plutôt parce que le choix du mezzo vocce permanent, tant sur le fond que sur la forme, n’est pas exactement entraînant et qu’on peut rester un peu extérieur au livre.

 

Et lu aussi par… Anne

4 moustaches satisfaites

 

 

 

Revisitant le genre anglo-saxon du Campus novel, Agnès Desarthe franchit l’Atlantique pour mieux observer le couple et la famille française. Lorsqu’Hector est nommé professeur dans une université américaine, sa femme Sylvie et son fils Lester le suivent pour vivre ensemble cette expérience unique. Hector devient très vite la coqueluche de la faculté, tandis que Lester traverse à l’insu de ses parents une crise mystique d’une rare intensité mais dont il semble tirer une grande satisfaction et un véritable épanouissement. Seule Sylvie éprouve des difficultés à prendre ses marques dans un pays dont elle parle mal la langue et dans une société pétrie de contradictions qui s’apprête à élire un président orange tout droit sorti de la trash tv. Pour résumer, elle s’ennuie ferme, rencontre des francophiles (d)étonnants, se lance dans la poterie. Elle en est là. Du fait de la distance et d’un état légèrement dépressif, les attentats qui frappent la France en cette année 2015 prennent une teinte particulière, aussi terrifiante qu’irréelle.

Mais lorsque l’infidélité d’Hector devient patente, Sylvie choisit d’avoir confiance en la solidité des liens qui l’unissent à son mari. Eh puis bon, c’est pas comme si elle-même était blanc-bleu, on est dans une famille bourgeoise, on a tous nos petits secrets,  depuis quand n’a-t-on plus le droit de coucher avec le petit personnel, surtout quand il porte le nom d’un éminent joueur de foot suédo-bosniaque ayant officié au Paris-Saint-Germain puis au Manchester United, considéré comme l’un des avants-centres les plus complets au monde et l’un des meilleurs attaquants de l’histoire du football, malgré un tempérament de chiotte, mais ça fait vendre l’Équipe, alors on lui pardonne (vous l’avez ou je continue à recopier Wikipedia ?).

Le talent d’Agnès Desarthe réside principalement dans sa capacité à camper des personnages d’une grande justesse, sans excès de psychologisme. Le beau personnage de Lester, qui se fait appeler Absalom Absalom dans la secte qu’il crée pour libérer les adolescents d’une société violente, inégalitaire et consumériste, vacille entre exaltation et lucidité.  Sylvie semble quant à elle en permanence au bord  de la rupture sans jamais sombrer dans une hystérie facile, et matérialise son sentiment d’abandon et de décrépitude dans les objets en terre cuite qu’elle fabrique.

Alors qu’en cette rentrée littéraire, nombre de ses collègues romanciers semblent mettre les pieds dans le plat en abordant frontalement la question sensible des attentats que la France a connus, ces beaux personnages et la distance géographique permettent à Agnès Desarthe de traiter cette période avec pudeur et concision, sans parti pris socio-politico-grotesque. La Chance de leur Vie est un roman qui se situerait finalement davantage dans les Açores : suspendu au-dessus de l’Atlantique, tourné vers l’Amérique mais plus proche de l’Europe.

Bravo

Une Partie de Chasse, d’Agnès Desarthe

3 Oct

Pan! le duvet

Editions de l’Olivier

Lu par Anne

Ce matin, un lapin a tué un lecteur…

Pan ! le Panpan

Commençons toutefois par tempérer cette exergue mue davantage par l’amour du LOL que par un ressenti sincère : Une partie de Chasse n’a rien de fatalement ennuyeux, vous échouerez à trucider belle-maman en le lui mettant entre les mains.

Il relate l’histoire du jeune Tristan, dadais empathique, que sa sculpturale épouse a envoyé à la chasse en compagnie des hommes du cru autant pour l’aguerrir que pour l’intégrer à la communauté d’autochtones. Tristan refuse le meurtre et empoche le lapin assommé qu’il ne peut se résigner à tuer. Celui-ci, pas rancunier pour deux sous ou sérieusement pervers, va s’attacher à commenter les actes et les pensées de Tristan. Mais pas comme Léon Zitrone devant Intervilles, ce qui aurait pu être rigolo, plutôt comme une version chamanique et lapinesque de Candide, le Nanabozo de Yakari (on a les références qu’on peut). Le problème, c’est que l’opposition nature-culture trop appliquée évoque davantage un essai de khâgneux (bon niveau, hein, soyons juste) qu’un conte philosophique sous les auspices de Giono.

U r talkin’ to me ?

On aimerait souffrir avec Tristan qui a quand même vu sa mère mourir du SIDA devant ses yeux, le pauvre petit. Mais rien. On aimerait avec lui répugner à quitter les terres de l’enfance, du rêve, de l’empathie, pour celles, cruelles, de la virilité martiale. Sauf que pas. Peut-être cela tient-il à l’écriture d’Agnès Desarthes, sèche comme un coup de trique sur le postérieur desséché d’une rombière en mal d’amour.  Peut-être est-ce aussi dû au fait que l’auteur ne semble pas parvenir à choisir une voie, quelque part entre le drame social, la fable et le roman d’initiation. Peut-être enfin parce que dépeindre la façon dont les hommes naissent à la virilité aurait demandé plus que 150 pages ?

Dans la nuit brune, d’Agnès Desarthe

14 Oct

L’Olivier

Lu par Marine

J’ai été un poil (de moustache) de lisser avec amour les pages de ce roman. Et il y eut le poil de trop, celui qui rompt le charme du favori installé si bien dans un visage qu’il semblerait qu’il y ait toujours officié. En l’occurrence, il y eut les vingt dernières pages (approximativement), qui, je trouve, sont une offense au lecteur, tellement toutes les autres étaient bonnes. Alors quoi ? On ralenti la course avant la ligne d’arrivée, si sûre de soi ? Je ne suis pas dupe, ce n’est pas qu’Agnès Desarthe ait tout à coup ressenti un poil lui pousser dans sa paume. Non, il est au contraire clair que cette fin calamiteuse (de mon point de vue) était voulue. Car à la fin (désolée pour le suspens), comme dans plein de livres actuellement, on découvre avec stupeur que les nazis ont assassiné des juifs (pourtant nous disposons d’un indice formidable dans le titre). Incroyable. Surtout que, franchement, cela ne résout absolument pas l’énigme du roman, qui, elle, passe à la trappe par un tour de passe-passe mesquin. D’ailleurs, qu’est-ce que ce fatras vient foutre là, nom d’un pelage hirsute ? Tout était parfait dans cette histoire, l’ambiance mystérieuse (voire surnaturelle), l’émotion si bien distillée, les rapports entre humains excellemment décrits, l’écriture limpide et en fusion totale avec le propos qu’elle soutient et l’humour (oui, j’ai ri aussi)… Snif. Pourquoi ? Hein, pourquoi ??

Le remplaçant, d’Agnès Desarthe

13 Oct

L’Olivier

Lu par Sophie

Avec Le remplaçant, Agnès Desarthe livre un roman léger et drôle sur son grand-père de substitution, Boris, être singulier, modeste héros, personnage commun et fantasque à la fois.

Bien des qualités structurent ce récit libre qui fait partager l’émerveillement de la petite-fille et l’attendrissement de l’adulte grâce au merveilleux talent de conteur d’Agnès Desarthe, héritage familial vraisemblablement. Appel à la rêverie, l’histoire de « Triple B » est composée d’une mosaïque de digressions savoureuses car drôles, poétiques et touchantes. On regrette simplement l’histoire – rompant avec l’esprit du roman – de la genèse de ce livre qui devait à l’origine porter sur le pédagogue Janusz Korzack, directeur d’un orphelinat du ghetto de Varsovie.

Lu par Marine

Ceci est une critique énervée, comme celle que l’on réserve à ce bon élève qui se sabote tout seul pour une obscure raison, ce qui laisse généralement son entourage pantois et interrogatif.  Voyez plutôt. Le sujet du livre est plaisant (une femme cherche à comprendre un homme qui n’est pas son grand-père biologique mais son grand-père quand même, s’étant remarié avec sa grand-mère en remplacement, donc, du « vrai ») et la langue est drôle, piquante, vive. Mais, patatras, la structure doit être soit inexistante, soit très maladroite (ou alors tellement subtile qu’elle en est devenue incompréhensible) parce que malgré seulement 87 petites pages le livre m’a paru très très long. Il n’est pas aisé de bien comprendre où elle veut en venir et tout cela traîne, donc.

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