Lu par Bérénice

Moustaches surréalistes
Tardigrade, de Pierre Barrault, est un tout petit livre : il se lit donc le temps d’un trajet de métro et peut se perdre facilement, un peu comme son personnage principal. Il est jaune, et donc beau, ce qui est un plus.
Qu’est-ce ?
Depuis l’avènement du gif, tout le monde connaît le tardigrade, également appelé « ourson d’eau » pour une raison vraiment mystérieuse.

Tardigrade imberbe, fig. 1
Taxon extrêmophile – c’est aussi comme ça que j’aime appeler Manuel Valls –, le tardigrade est microscopique et quasi impossible à tuer. Pierre Barrault en fait le héros de son ouvrage, mi-animal mi-humain, angoissé par sa nature et évoluant dans une société qui ressemble beaucoup à la nôtre. Le tardigrade, dans ce livre qui s’égrène en douze parties, fait face à des accidents récurrents (ses amis tombent du balcon, ce qui aurait pu être évité s’ils n’avaient pas regardé à l’extérieur, par exemple) et doit fréquemment faire appel à l’assistance technique (qui n’a pas souhaité le faire en constatant que les bancs de sa rue étaient en panne, faute d’installation ?).
Manifeste fabulo-absurde
L’identité du narrateur, constant questionnement, ses relations à l’altérité, qu’il s’agisse de sa femme, son voisin, les passants ou même son appartement puisque les immeubles et les objets ne sont pas ici moins soumis à changement que les personnes, en font un carnet touchant. Peut-être se répète-t-il un pouième, tourne-t-il en rond légèrement, aurait-il mérité d’être un petit peu plus contestataire.
Le journal du tardigrade est un roman particulier, très au-delà de l’échelle de l’étrange (et se regardant peut-être un peu écrire). Revenant régulièrement aux premières définitions scientifiques que l’on peut trouver de cet animal singulier, le premier roman de Pierre Barrault se situe à mi-chemin entre les fables d’Esope, les comédies d’Aristophane et le mouvement Dada.
Les poilus parlent aux poilus