Lu par Alys

Mauvais poil

Résidence d’artiste (vue de l’auteur)

Halte-là, Benoît
Lu par Alys
Mauvais poil
Résidence d’artiste (vue de l’auteur)
Halte-là, Benoît
Editions Gallimard
Lu par David
Autant vous le dire : je suis de bien mauvais poil aujourd’hui. Pour ma première critique Virilo et pour mon premier livre acheté dans les rayons d’une (vraie) librairie, il a fallu que je tombe sur la plus belle arnaque de la rentrée. Attention : critique méchant !
Au Paradis de la Moustache…
La couverture beige et rugueuse, qui m’avait tant de fois invité au royaume sacré des révélations littéraires, annonçait une belle promesse. Ma courte vie de lecteur m’avait laissé pantois devant Proust, ébahi avec Albert Cohen et bouleversé après Jonathan Littell. Qu’allait me faire vivre l’éminent Benoît Duteurtre, pensionnaire de la sublime collection ?
Le désenchantement…
Pour le dire gentiment, L’ordinateur du Paradis est aussi soporifique qu’inutile. Benoît Duteurtre évite soigneusement à son lecteur tout ce qui fait le plaisir de lire : l’étonnement, l’évasion, le questionnement et même la simple identification. Ne reste qu’un goût amer, un chat dans la gorge, un poil dans l’œil…
Et s’il pâtit fortement des comparaisons précédentes et brise violemment ma propre chaîne lumineuse, Benoît Duteurtre n’en a pas moins commis un mauvais livre, un texte sans style ni fond, atrocement beige et rugueux.
Un détail en apparence anodin aurait pourtant dû me mettre la puce à l’oreille : comment un écrivain sérieux (et contemporain) peut-il encore, sans second degré, utiliser dans son titre, le vilain mot d’ordinateur ?
Bien plus kitch que racoleur, ce péché originel dénote un décalage flagrant entre l’auteur et son ambition. Décalage qu’on retrouvera dans son personnage principal tout au long du livre et dont il semble d’ailleurs tristement conscient : « J’avais traversé le monde en m’y intéressant, mais sans m’y fondre vraiment ».
Voilà tout le problème. A l’évidence l’auteur s’intéresse sincèrement à nos enjeux contemporains, il croît même avoir percé à jour les schizophrénies de nos sociétés glacées et connectées, et veut à tout prix nous les restituer et afficher sa morne lucidité. Avec une seule obsession lourdement rabâchée : c’était mieux avant ! Du Houellebecq pour les nuls, Finkelkraut déguisé en Marc Levy (oups… double point godwin de la critique littéraire atteint).
On est ainsi prisonniers d’un article sans fin sur des sujets sans fond : conflit de générations, limitation des libertés, frontière public / privé, dangers du web tout-puissant, uniformisation du monde, décrépitude urbaine, vacuité des médias, etc. Tout y passe. A-t-il seulement oublié que la couverture NRF proscrit rigoureusement la couverture des informations ?
La littérature, celle qui donne à sentir, celle qui crée le hiatus, qui interpelle le lecteur à plusieurs niveaux, est malheureusement absente de ce laborieux essai sur les dérives de notre monde moderne…
Pour nous faire vivre ses convictions, Benoît Duteurtre s’efforce de créer des situations et des personnages censés illustrer les turpitudes de notre temps. Dans une avalanche de clichés, on a ainsi droit à l’anti-héros grotesque (le garant des bonnes mœurs pris au piège de ses vices intimes), au syndrome Nabila (les gamins de banlieues propulsés people du jour au lendemain), à la défaite de la pensée (le lycée John Lennon) et à la métaphore ultime de la fin des temps (le Cloud omniscient dans le rôle de Dieu himself…).
Qu’est-ce qu’il y connaît aux moustache, Benoît D. ?
Entre autres techniques éculées, l’auteur s’amuse à reprendre une organisation existante et à la renommer pour tenter de créer à moindre frais un « effet de réel ». TF1 devient CityChannel, Ni putes, ni soumises se nomme plus sobrement Nous, en tant que femmes. Notons que Nous, en tant qu’hommes, sa réponse masculine et riante aux excès du féminisme, est à l’évidence un mauvais plagiat de notre sémillant Prix Virilo. On pressent ici les limites des ressources créatives et stylistiques du monsieur… A force de paresse, en exagérant des scénarios qui se sont déjà produits, l’auteur nous laisse sur le bas-côté, plus intéressés par Jennifer Lawrence et le CelebGate du monde réel que par son Simon Laroche (pas très sexy) et son Grand Dérèglement (pas très crédible).
Et c’est sans évoquer l’intrigue parallèle, qui nous mène (tenez-vous bien) dans l’au-delà… En mal d’imagination, Benoît Duteurtre fait simplement du royaume des cieux un double bancal et appauvri de notre société. Là où la bonne science-fiction tente de construire un système rigoureux et complexe, la « fantaisie » littéraire de notre écrivain reconnu semble prendre ces questions à la légère. Résultat : tous ses effets tombent à l’eau. Ce qui devrait nous effrayer ou tout au moins nous faire penser devient source de ricanements et de WTF incrédules.
Au final, on obtient un tableau naïf du réel et un monde imaginaire incohérent… La barbe !
Ah j’oubliais : Benoît Duteurtre a placé son livre dans la liste des « Goncourables » 2014.
La quatrième de couverture explique sans rire que dans L’ordinateur du Paradis « le réalisme se mêle à l’imagination pour mieux éclairer notre présent ». Le seul présent que Benoît Duteurtre éclaire, c’est la triste habitude qu’ont pris les jurys littéraires de ne pas lire les livres qu’ils encensent… Mr Duteurtre a sans doute de gentils amis et un joli curriculum; il n’empêche que rien ne justifie, devant ce bouquin-là, la plus petite courbette.
Et si cette critique ne m’aura pas soulagé, elle aura le mérite de me conforter dans ma décision : dans le cercle des prix littéraires, le Prix Virilo a son mot à dire.
PS : Oui, j’ai un peu forcé sur l’utilisation du mot moustache, mais en tant que jeune premier je me devais d’honorer mon prix d’adoption.
Grasset
Lu par… François H-L
Arrière petit-fils de René Coty (ascendance qu’il se plaît à rappeler), Benoît Duteurte explore un nouveau registre littéraire avec ce qu’on peine à nommer roman.
S’intéressant aux années 50 et au contexte politique général de l’époque il décrit et analyse la scandaleuse affaire des ballets roses; scandale de mœurs, des parties fines dont certaines « invitées » étaient mineures au moment des faits, et scandale politique, un des participants est le Le Troquer, président du Sénat.
Animé d’une volonté d’exhaustivité, l’auteur brosse un portrait intéressant de la France des années 50 mais oublie un peu la dimension romanesque des faits qu’il relate. A noter toutefois une réflexion pertinente sur le temps et l’Histoire comme ressorts de la construction d’une culture donc des identités (voir la fin de l’ouvrage).
En somme ce très bon témoignage captive sans pour autant mériter sa place sur la liste d’un prix récompensant un roman.
Les poilus parlent aux poilus