Lu par… Anne-Sophie

Moustaches glacées d’effroi (façon Hibernatus)
Le roman s’ouvre sur une scène dont l’horreur tient en quelques mots : « le bébé est mort ». Et c’est la nounou qui l’a tué. Autant vous dire que dès le départ, on se sent un peu tendu du string.
Les deux premières pages n’augurent rien de bon : on s’attend à une version papier des Experts à Miami et autres Cold Case : scène de crime / flash-back / polar à la mords-moi-le-nœud. Ou au script d’un vieux Columbo, puisqu’en l’occurrence on connaît déjà l’identité du coupable.
Mais cette Chanson douce s’avère beaucoup plus intelligente que ça.
Le récit se concentre sur la vie des Massé et plus particulièrement sur celle de Myriam, wanabee-mère parfaite qui, comme il se doit, a parfois envie de défenestrer sa progéniture. Plutôt que d’en venir à de telles extrémités, Myriam se dit qu’elle a bien le droit, elle aussi, de faire passer sa carrière avant ses enfants. Donc la famille Massé engage une nounou.
La nounou en question, c’est Louise, fée du logis qui comble bien vite parents et enfants en aménageant pour les premiers une maison qui sent bon (« Il faut qu’elle ait des pouvoirs magiques pour avoir transformé cet appartement étouffant, exigu, en un lieu paisible et clair. Louise a poussé les murs. »), et pour les seconds, un monde imaginaire peuplé de jeux plus ou moins inquiétants.
En ouvrant son roman de cette manière, Leïla Slimani fait planer l’ombre menaçante de la scène finale sur le quotidien banal d’une famille parisienne. Car si l’histoire du couple carriériste noyé sous les to-do lists est plutôt bien vue, il ne s’agit que d’une toile de fond, tandis que l’essence du roman tend à répondre à une question subtile : mais pourquoi donc la nounou parfaite (cette pute) a-t-elle tué les enfants ?!!
On y vient.
Le temps passe dans l’appartement des Massé, au rythme des jeux, des devoirs, des travaux ménagers ; mais quand Louise rentre chez elle, son appartement est intact, à l’image de son visage de poupée et de son éternel et immaculé col Claudine. Le temps semble sur elle ne jamais s’écouler. Seule, sans eux, elle tourne en rond en attendant la fin du weekend et se remémore les dimanches interminables en compagnie de sa fille (qu’elle ne voit plus) et de son mari (décédé).
Peu à peu, le masque de Louise craquelle sous le poids de son passé et d’un présent qui lui échappe. Et le lecteur s’enfonce avec elle dans cette trajectoire qui le terrorise mais lui interdit également de décrocher le nez du roman.
C’est brillamment et implacablement mené.
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Pour vous changer un peu les idées, le jury vous recommande le tout nouveau Prix Virilo des Maternelles (& crèches)
Mais aussi lu par… Alys et Bérénice

Fade duvet
L’histoire est racontée plus haut, on ne va donc pas s’attarder. Deux parents, deux enfants, une nounou. Une relation qui part en vrille, et la nounou bute les gosses (c’est pas un spoiler, ça commence par ça). Bon, pourquoi pas. Mais le résultat casse pas des briques, principalement parce que :
1- il y a beaucoup de clichés : les bobos du 10e qui ne voient jamais leurs enfants et sont bourrés de condescendance pour leurs employées de maison. Lesdites employées de maison sont toutes d’origine étrangère, et sont toutes plus conviviales et plus maternelles que les mères qui osent sacrifier le temps qu’elles pourraient passer avec leurs enfants pour se consacrer à leur carrière. Sérieusement ? Et ces gamins bobos, alors, qui grandissent baignés de l’affection généreuse de ces femmes, et qui une fois ados ne leur disent même pas bonjour dans la rue car ils ont honte d’elle. Sérieusement ?
2/ les personnages sont un peu plats. La nounou d’abord, une personnalité psycho-rigide avec son chignon parfait et ses petits cols Claudine, mais tout de même si douée avec les enfants. Elle est à la fois attirante et frigide, elle a toujours adoré les gosses des autres mais pas la sienne, elle était mariée avant et maintenant elle est quasi asexuée. Elle s’habille glamour mais sobre mais chic quand même et habite en banlieue dans un studio. Elle n’a pas un rond mais gagne un salaire et ne dépense rien (ou alors c’est peut être les fringues ? On sait pas c’est pas mentionné). La mère, d’origine maghrébine, culpabilise de prendre une nounou maghrébine (sérieusement ? Et même, elle préfèrerait ne pas. Sérieusement ?). Elle est ambitieuse et aime son métier. Donc quelque part hein tout ça c’est quand même surtout de sa faute (rhaaa sérieusement ?). Et puis le mari, parce qu’il est surtout mari dans l’histoire avant d’être père. C’est pas trop de sa faute à lui tout ca hein. Du coup il est plutôt sympa, un poil libidineux (et à la limite vu le nombre de clichés on préférerait qu’il se la fasse, la nounou) et un peu gland.
3/ l’histoire est difficile à croire. On voit bien le mécanisme lent du déraillement vers la folie qui se met en place mais on ne comprend pas vraiment pourquoi elle déraille cette nounou, ni pourquoi elle continue à dérailler. Elle a eu d’autres gosses avant. Pourquoi ceux là ? C’est pas vraiment expliqué, du coup c’est pas vraiment crédible. Ah, elle est mélancolique délirante, du coup ça explique tout, parfait ce diagnostic médical qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Sérieusement ?

On n’en reprendra pas, merci
Les poilus parlent aux poilus