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Avant que j’oublie, de Anne Pauly

26 Sep

Lu par… Bérénice

Très mouillées

 

 

 

Avant que j’oublie est le récit du deuil d’un père. C’est l’histoire, le compte-rendu, du lent travail d’acceptation et de construction personnelle que la mort de son père, ancien alcoolique, humain touchant et plein d’humour mais aussi créateurs des brumes d’une enfance vécue dans la peur, ayant passé toute sa vie à Carrière-sous-Poissy, provoque. C’est aussi l’histoire de l’intimité du deuil, et de comment, au sein même d’une fratrie, on s’accroche ou non à différents souvenirs et de ce qu’on choisit de construire et de garder, lorsque cela est encore possible.

De subtils mots se posent sur l’ahurissement de ce deuil et sur l’injonction à « le faire », et vite si possible, passer à autre chose enfin. Ces mots là s’inscrivent avec douceur, même dans les accès de rage, et décrivent le besoin de pause quand tout avance, et quand bien même on continue, aussi, à mener ses combats (la résistance et la lutte contre les tombereaux de merde générés par les réactionnaires de tout bord dans le cadre des débats du mariage pour tous).

« Pourtant, seule, je ne l’étais pas : il y avait ma fiancée, si joyeuse, et le cercle apaisant de mes amis sincères qui, pour certains, avaient tout de même tendance à oublier qu’on ne se relève pas de ça aussi vite qu’une grippe. Je ne leur en voulais pas : ils souhaitaient que j’aille mieux, mais je ne pouvais pas aller plus vite. »

En parallèle, l’absurdité de la mort et de ses laquais, comme l’obligation légale de la présence d’un représentant de l’Etat lors de la fermeture du cercueil, prête au fou-rire et au décentrement.

C’est cet écartèlement entre l’humour qui est partout et la mort, qui elle aussi est partout, qu’Anne Pauly transmet avec justesse et émotion.

Le saviez-vous ? Deux maires successifs de Carrières-sous-Poissy ont admirablement porté la moustache. Ici le millésime 1947.

Le tri des tiroirs d’une maison vide et le vertige que provoque la fin d’une vie est palpable. Alors que pourtant je n’ai rien à trier, et que je n’ai pas non plus vécu d’enfance en banlieue parisienne effarée par un père alcoolique, j’ai beaucoup pleuré en lisant Avant que j’oublie. Mon père est décédé il y a un mois et, en toute autre circonstance, j’aurais aimé ce livre, beaucoup (et pas seulement parce qu’il est publié chez Verdier). Là, il m’a en plus chuchoté à l’oreille une compréhension de mon intimité que je n’ai retrouvé chez personne. Et j’ai pleuré de lire qu’on pouvait transcrire aussi bien l’émotion ressentie à une phrase si grossière et maladroite que « Je vous en prie, Mademoiselle, perdre son papa ça n’est pas rien. » et à la si grande délicatesse de la lettre de Juliette, amie d’enfance du père, que je ne citerai pas ici pour offrir l’émotion de pouvoir la lire pour la première fois à la page 111.

Si je ne mets que 4 moustaches, bien que frisées sous l’effet de l’humidité, c’est qu’il faut bien même dans la peine être une indécrottable snob : j’en ai ma claque des citations de Bartleby et je me suis laissée le droit d’être agacée, I would rather not to, même traduit ça me hérisse, gnagnagna Melville ohlala quel écrivain regardez je l’ai lu, haha incroyable non. Mais comme une toute petite phrase ne devrait pas systématiquement valoir une coupe aussi franche (quoique…), l’honnêteté m’oblige à avouer que je ne suis tout simplement pas sûre de pouvoir décerner la moustache maximale en cette saison 2019.

Et voici le millésime 1959. A vos votes pour désigner votre préféré (tapez 1 en commentaire pour le premier ou 2 pour le second)

 

Une certaine fatigue, de Christian Authier

28 Août

Appendice facial fatigué

Éditions Stock

Lu par Claire

Je ressens une certaine fatigue au moment fatidique de rédiger cette critique. Oui, parler de fatigue fatigue, tout comme regarder les J.O donne des courbatures, voilà une vérité vraie. Vlan.

Proposition de bundle en librairie

Pour ceux qui auraient la flemme de lire la critique en entier, ci-joint un condensé express anti-fatigue : concept de base ok, début ok, développement et fin ko. Pratique, c’est symétrique.

En fait, une fatigue certaine

Patrick, la quarantaine bien tassée, architecte reconnu d’une ville de province, heureux mari et père de deux ados, se rend compte à la mort de son propre père que le temps passe. Alors qu’il commence à se poser quelques questions existentielles un tantinet gênantes, le médecin lui annonce qu’il est frappé d’une leucémie foudroyante et qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. Paradoxalement, Patrick s’attache à organiser sa mort avec un détachement et une application qui frisent à la maniaquerie, éprouvant même jusqu’à un plaisir coupable à faire le tri et le ménage dans sa vie. Alors le jour où le praticien ravi lui annonce qu’il y a eu une erreur de diagnostic et qu’il n’est pas près de sucrer les fraises, Patrick tombe dans ce qui ressemble à une dépression post-partum. Il abandonne maison, travail et famille et part s’installer à l’hôtel à cinq cents mètres de là. Non mais qu’est-ce que c’est que ces façons de lui voler sa mort ?

Jusqu’ici, le roman de Christian Authier tient la route : un concept original, un protagoniste attachant, une écriture fluide.

Seulement, les deux tiers restants du livre tombent dans la même phase dépressive que traverse Patrick, une élucubration nombriliste en manque flagrant de rythme. Il s’ennuie, on s’ennuie.

La fin – Patrick se rappelle soudain que sa chère femme lui manque et qu’il est temps de rentrer au bercail, oh !, ça tombe bien, elle l’a attendu presque un an sans moufeter – achève de nous dé-convaincre. Ça ne se dit pas ? Tant pis.

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