
Moustaches kirghizes

Adolescent en perte de repères
Moustaches kirghizes
Adolescent en perte de repères
Les éditions de minuit
Lu par Philippe
Cette année, c’est écrit, on le sait depuis longtemps, c’est « Dino Egger » qui sera l’objet du syndrome merde dans les yeux dont sont affublés de si nombreux jurés de prix littéraires. Cela ne chagrinera pas l’auteur Eric Chevillard qui doit être habitué, depuis le temps…
En 2007 par exemple il publie « Sans l’orang-outang », un chef d’œuvre, et commence un blog exceptionnel : l’auto-fictif. La même année c’est « Chagrin d’école », un des livres les plus anodins de Daniel Pennac qui rafle le Renaudot. Les jurés du Goncourt répondent avec clairvoyance et sacrent Gilles Leroy pour « Alabama Song », qui constitue une pile de feuilles très utiles aujourd’hui (et enfin) pour démarrer les charbons d’un barbecue.
Mais « Dino Egger » a-t-il seulement besoin d’un prix ? Et puis qui c’est d’abord, Dino Egger ?
Bien. Le pitch, donc : Tu vois Napoléon ? Tu situes Einstein ? Tu remarques Marx ? Tu as entendu parler de Bernard Montiel ? Voilà : Dino Egger aurait été de ceux-là. Aurait : Chevillard raconte la vie d’un grand homme qui n’a pas existé. Evidemment. Rien de nouveau là-dedans, comme presque tous les écrivains. Sauf qu’ici, le narrateur est conscient de l’inexistence du héros.
« (Sans ces grands hommes) que serait devenu le monde ? Nous allons le savoir, car j’en tiens un, je tiens Egger, et Egger – du moins cet Egger-là – Dino Egger – ce Dino Egger du moins – n’a jamais existé »
Le sujet du livre n’est pas plus « racontable ». A la rigueur on s’en ficherait car tout est prétexte, comme d’habitude, à un style parfait.
« (Egger) manque aujourd’hui encore, et peut-être de plus en plus. Il y a ce trou, cette lacune irréductible, cette déchirure dans la trame serrée de notre commune aventure dont les bords effilochés dessinent les contours de notre homme et le font apparaître plus nettement que certains autres personnages célèbres (…). Dino Egger n’a pas eu à pâtir des approximations du témoignage humain. (…) Dino Egger apparaît en creux. Il a l’évidence d’un cratère. »
Pour autant l’histoire n’est pas qu’accessoire. Sous couvert d’exercice de style ad nauseam, le narrateur évolue. Derrière la légèreté et le brio, le lecteur attentif pourra nourrir de profondes réflexions. Certes, une intrigue plus classique comme dans « Palafox » ou « Sans l’orang-outang » aurait perdu moins de monde en route. Le livre implique une convention de lecture peut-être trop radicale pour de nombreux yeux. C’est d’ailleurs là mon seul regret : que certaines personnes soient découragées et passent à côté. Mais pouvait-il en être autrement ?
Alors sachez simplement que ce livre est extrêmement drôle et brillant. Comme cette liste hilarante des inventions et chefs-d’œuvre (plus de 120 tout de même) que Egger n’a pas transmis au monde, du « théorème dit des embouchoirs » à la « Chronique du Big Bang » en passant par « une couleur nouvelle correspondant à certain état intérieur de contentement dans le malheur » ou encore « Pourquoi huit, une élucidation ».
Ce post, comme ceux des autres sites, ne fait que mal décrire ce qui ne coûte pas si cher dans le commerce. « Elle n’arrive pas à sa cheville » dirait même Stéphane… Voilà pourquoi depuis des années mes critiques d’Eric Chevillard se limitaient à la lecture de passages et à cette simple injonction, ce conseil qu’avec plaisir je réitère :
Lisez Chevillard.
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Lu par Paul
Aux éditions de Minuit
Lu par Stéphane
C’est un long monologue d’une soixantaine de pages, récit ininterrompu d’un fait divers sordide dans la banlieue lyonnaise. Pas un seul point, mais un enchaînement de phrases qui se juxtaposent de l’incident initial – un vagabond pique une bière dans un supermarché – au drame – l’homme meurt, tabassé par des vigiles qui voulaient s’amuser – et ses conséquences – un procès et un deuil.
D’une rare intensité et d’une violence sourde, l’exercice de style auquel s’est plié Laurent Mauvignier est pleinement réussi. On assiste au ralenti au dérapage des coupables, qui, d’un instant à l’autre, deviennent meurtriers, sans autre raison qu’une émulation malsaine dans le mépris et la violence.
La banalité du mal en si peu de lignes, bravo.
Editions de Minuit
Lu par Marine
Je m’attaque à un sujet ardu. Faut dire qu’au Virilo on aime plus que bien le blog d’Eric Chevillard et que notre président-fondateur vénéré porte aux nues toutes ses œuvres. M’empressant de plaire au chef, je me suis donc précipitée sur Choir. Ah, ben, on n’ est pas déçu, mon p’tit monsieur ! Les secrets de l’écriture magique de Chevillard que l’on savoure tous les jours sont tous là. Humour plus noir que noir, absurde réjouissant, et tutti quanti. Mais, je vais m’essayer à l’ultime jeu de mot, dans la catégorie du pire : tout ça m’a chu des mains. Et plutôt rapidement malgré ma volonté féroce de devenir la chouchoute de notre sultan à nous. Mais pourquoi l’histoire ne démarre-t-elle pas ? Pourquoi, hein ? Pour tester notre patience et notre masochisme ? Alors, suprême sacrilège, j’ai lu les dernières pages avant d’être arrivée à la page 63 pour essayer de me rassurer. Mais non, je n’en démordrais pas : c’est trop chiant.
Lu en exclusivité par Claire.
Peu à dire pour ma part : j’en ai lu un tiers, et j’ai chu. Pour une fois, le contenu a dépassé le style. Trop de dégoût tue l’envie de lire. « Nos médecins n’ont qu’un remède pour le mal quel qu’il soit : l’amputation. » CQFD.
Egalement lu (pour être bien sûr) par Philippe.
Eric est le plus grand, même quand il est chiant.
Ed. de Minuit
Lu par Stéphane
C’est l’histoire d’une femme fatale, qui déchaîne les incendies et les orages, d’un homme qui meurt d’avoir cru la maîtriser et d’un autre qui vit pour la subir et l’admirer. Et c’est sublime, avec ce que cet adjectif implique de démesure, d’intensité et de violence. Trois scènes, d’une force visuelle et d’un rythme qui m’ont littéralement subjugué, structurent le roman. Pas de temps mort entre elles, pas de faiblesse, rien de mou, pas une page que l’on tourne mécaniquement… Tous les personnages sont réussis, séduisants et fins. Même si au fond, un seul compte, Marie, à la gloire de laquelle l’auteur écrit ce roman. Le portrait d’une femme belle et sauvage, à laquelle il voue un culte. La bible sur Marie, le livre sacré d’une religion qui se résume à elle et dont je suis clairement devenu un disciple. Manque seulement son numéro de téléphone à la fin (magnifique par ailleurs).
Ed. de Minuit
Lu par Marine
Ce roman au nom de gâteau savoureux bénéficie de belles critiques et de magnifiques recommandations chez tous les libraires (au moins ceux que j’ai fréquentés). Las, la crème pâtissière de ce Paris-Brest a tourné, sa pâte à choux est rance et sa dégustation en est très décevante. Ce qui est très étonnant est que son auteur, au vu du nombre de pages et du sérieux (de la prétention?) qui semble toutes les animer, doit être très fier de son œuvre. Reste que cet ouvrage possède une grande qualité d’utilité publique, celle de rappeler une triste réalité : l’entremêlement d’un canevas faiblard, vain même, et d’une vaste illusion littéraire fait vendre de nos jours.
Les poilus parlent aux poilus