Tag Archives: Fayard

Le sauvetage, de Bruce Bégout

4 Nov

Lu par… Alys

Silence

 

 

 

 

Leo Van Breda est un père franciscain, qui, en 1938, décide de sauver l’oeuvre monumentale d’Edmund Husserl (pour ceux qui ont trop séché leurs cours de philo, E. Husserl est un philosophe, fondateur de la phénoménologie). En effet, l’oeuvre est de plus en plus menacée de destruction du fait des origines juives de son auteur.

Eclaircissons tout de suite un point fondamental : on a rien contre l’ascétisme et la rigueur monastique, qui peuvent grandement soulager, notamment un lendemain de réunion du Prix Virilo. On a rien non plus contre la philosophie, qui peut parfois donner lieu à de bons mots et à des accessits fleuris. Mais là, ça tourne un peu au supplice : un moine, l’Allemagne de 1939 et 40 000 pages de philo.

Du coup on s’emmerde royal. L’auteur cherche à nous mettre une espèce de tension avec la Gestapo qui part à la recherche de l’auteur, mais ça ne prend pas vraiment. Par contre c’est bien documenté. Forcément, Bruce est spécialiste d’Husserl. C’est dommage qu’il ne parvienne pas à nous emmener dans son récit. Qu’il écrive donc des thèses, pas des romans.

On a rien contre les Jésuistes mais il faut avouer que c’est souvent chiant.

78, de Sébastien Rongier

28 Oct

Lu par Bérénice

Moustache imaginaire

Parce que le logo « Zéro moustaches » n’existe pas.

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Même à la page 78, il n’y a rien de notable.

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Déréliction chez les jurés.

Ils désertent, de Thierry Beinstingel

14 Sep

Toupet salarial

Éditions Fayard Roman

Lu par Claire

Je déserte, tu désertes, ils désertent, île déserte, Thierry Beinstingel s’attaque une nouvelle fois à un monde du travail et à une société contemporaine qui ne brillent pas par leurs valeurs humaines. Quand on sait qu’il travaille comme chargé de recrutement chez France Télécom, voilà qui donne envie de s’accrocher à Pôle Emploi.

Elle est une jeune commerciale qui en veut, promue chef des ventes de cette société de papier peint qui décide de l’innovation du siècle : vendre des canapés pour accompagner les nouveaux murs. Elle achète à crédit un appartement vide et neuf dans une résidence vide et neuve où l’humanité est réduite à une vieille voisine à fleurs et à des vandales.

Lui, dit l’ancêtre, sillonne la France depuis quarante ans pour vendre les papiers peints de ladite entreprise, la clope au bec au volant de son break, désespérément seul dans ses miteux hôtels de passage si ce n’est sa passion incongrue pour Rimbaud, née lorsqu’il a découvert que le célèbre poète avait été comme lui un commis voyageur. Saint Rimbaud des VRP.

Elle et lui vont finir par claquer la porte aux papiers peints dans un dernier sursaut d’énergie, réfractaires à un monde moderne qui fait d’eux des machines solitaires.

Glauque et ironique, l’écriture de Thierry Beinstingel emploie ici le « vous » pour parler de lui, le « tu » pour elle, alternance de chapitres « elle » suivis de « lui », un parti pris étrange qui crée une atmosphère tout à la fois distanciée et intimiste, un drôle de paradoxe qui déstabilise avant de convaincre. Une jolie fable pessimiste sur le monde d’aujourd’hui que l’on aurait mieux appréciée si l’on n’en ressortait pas avec un léger mal de cœur.

« Ils désertent, dit le pompiste et vous comprenez « île déserte » peut-être à cause du flot ininterrompu de voitures qui passent lentement devant la petite station-service isolée au milieu de la mer de bitume. »

« Elle dit : Ils désertent. Et toi tu comprends « île déserte . C’est seulement quand tu t’attardes sur la silhouette de la femme appuyée d’un air las sur la carrosserie du vieux break, indifférente aux enfants pourtant en plein soleil dans l’habitacle, scrutant l’immeuble bardé de pancartes « à vendre » ou « à louer », c’est seulement à ce moment précis que tu comprends le véritable sens. »

Tout, tout de suite, de Morgan Sportès

26 Oct

Fayard

Lu par François H-L

Duvet de barbare

En relatant le parcours d’un groupe de jeunes qui ressemble comme deux gouttes d’eau au « gang des barbares », tristement célèbre pour avoir organisé l’enlèvement puis la torture du jeune Ilan Halimi, Morgan Sportès signe avec Tout, tout de suite un reportage fictionnalisé plus qu’un roman.


... ou pas

La volonté de dire vrai, de traduire les motivations absurdes de ces tortionnaires se traduit généralement par un style journalistique fluide et efficace (même si on relève parfois quelques faussetés). L’auteur tente par ailleurs de développer un certain nombre de considérations tenant aux circonstances sociales et culturelles qui peuvent, effectivement, d’une certaine façon, expliquer l’incompréhensible. Ceci est fait parfois un peu gauchement – merci de nous indiquer la date de construction de la zone commerciale de Thiais et le nombre de boutiques qui y sont exploitées – mais c’est dans ces passages que le roman fait sens.


Le gang des barbares, le film

Car si l’ouvrage renseigne et explique, il provoque en réalité également un grand malaise et interroge moralement le lecteur.

Cette histoire est en effet bien connue, on se souvient tous de son issue tragique. A force de narration-vérité, on se demande ainsi si on n’est pas forcé au voyeurisme, avide de sensationnalisme. Enfin, en refermant ce livre, on regrette que Morgan Sportès n’ait pas approfondi la dimension sociétale présente dans son roman.

Une analyse plus poussée aurait sans nul doute fait de ce roman un excellent ouvrage.


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Lu aussi par Philippe

Gang de rasoirs

Bon alors il faut savoir ce que l’on vient chercher aussi. C’est toujours le vieux débat sur ce qu’est la littérature. Depuis De sang-froid, on sait que cela peut avoir comme unique objet un fait divers récent.

Faites entrer le Sportès

Mais tout le monde n’est pas Truman Capote. Certes, on ne peut s’empêcher d’être intéressé par le déroulement de cette machine infernale, mais un peu malgré nous : ce ne sont ni le style, ni l’analyse qui m’ont fait tourner les pages, mais uniquement un certain voyeurisme, celui qui me fait lire la rubrique chien écrasée d’une PQR.  Alors forcément, comme tout se tient (la plume de Sportès est bonne, rythmée, ne sonne pas faux ce qui est son plus grand coup ici), on se dit que si on lit, c’est que c’est très bon, mais non : j’ai lu ce livre comme on regarde un « Faites entrer l’accusé ». Hondelatte et son journaliste chauve en moins. Avec un peu de plaisir donc, mais aussi parce qu’il n’y a rien sur les autres chaînes… On ne va pas crier à la grande littérature non plus.

Fofana s'est laissé pousser la moustache

A l’heure où nous parlons, ce livre n’est toujours pas allé en prison. Il vit paisiblement sur les étagères de familles honnêtes. Comme beaucoup de livres sans grand intérêt, il a été sélectionné par le Renaudot et le Goncourt.

Philippe met sa veste, sort en refermant la porte derrière lui, on le voit relever son col à travers le carreau.  Il part.

Tu-dum, tu-dum ! (tik bombom) Tu-dum, tu-dum !


Tarabisco, de Frédérick Tristan

4 Sep

Fayard

Lu par Stéphane

Ce livre est pour faire dodo

Rasoir dodo

Parmi les livres qui tombent des mains, il y a ceux dont la lourdeur dépasse amplement les fébriles forces d’un lecteur pourtant plein de bonne volonté, et qui s’effondrent bruyamment sur ses pieds, lui laissant un souvenir douloureux mais durable. Barthes les appelait les romans de merde (c’est faux, ou peut-être que c’est vrai et qu’on le sait pas).
Et puis il y a ceux qui, au niveau de la page 100, entraînent chez le même lecteur une profonde envie de dormir, une torpeur agréable et douce qui lui font desserrer son emprise, laissant l’ouvrage chuter délicatement sur le sol, sans un bruit. Derrida les appelait les romans quand même assez chiants.
Tarabisco est de ceux-là. Il est, littéralement, une invitation à la rêverie, ô combien réussie.

D’une plume alerte, précise et parfois drôle, l’auteur enchevêtre avec brio réalité et univers du songe, jusqu’à ce que son lecteur n’en ait définitivement plus rien à foutre de ce qui se passe dans cette intrigue effectivement tarabiscotée. Vais-je vous résumer l’histoire ? Non, il faudrait d’abord que je m’en souvienne.

C’est donc un bon roman chiant, mais quand même plus chiant que bon (regardez cette construction en chiasme c’est très très joli). Peut-être les pages 101 à 232 sont-elles plus bonnes que chiantes ? Mais quel lecteur serait suffisamment obstiné pour le savoir ?

Mimi, de Sébastien Marnier

12 Août

Une moustache mimi. C'est le seul lien avec le livre

Lu par Paul

Duvet de caïra

Sébastien Marnier relève avec cet ouvrage un pari courageux, qui est celui de faire de son narrateur une petite frappe de banlieue parisienne. A aucun moment cela ne sonne faux, mais il faut en payer le prix : sur la forme, près de 400 pages écrites au présent de l’indicatif, avec le vocabulaire de quelqu’un qui n’a jamais vraiment été scolarisé. Amateurs de belles lettres s’abstenir. Sur le fond, un paysage intellectuel déprimant, une capacité d’abstraction nulle et une référence constante et tourmentée à la sexualité. Marnier veut nous faire souffrir, autant que souffre l’anti-héros de son roman.

Enfant, le narrateur persécute un autre gamin, Barthélémy ou « Mimi », que tout le monde au collège s’accorde à traiter de « pédé ». A l’âge adulte, il le recroise et travaille pour lui incognito, en tant que chauffeur (car Mimi a réussi dans la vie, il fait président de conseil général). L’homosexualité supposée de Mimi devient une véritable obsession, ce qui entraîne le lecteur dans des dérives où l’on se surprend à s’intéresser davantage aux failles psychologiques du narrateur qu’aux faits qu’il décrit.

Un ouvrage intéressant si vous souhaitez faire de la psycho « embedded », comme d’autres font du journalisme.

Dans le milieu du football, joueurs et supporters partagent souvent les points de vue et la finesse de notre héros, comme le rappelle trop fréquemment l'association Paris Foot Gay.

Le secret Gretl, de Marie-Odile Beauvais

14 Oct

Fayard

Lu par Marine

Les secrets de famille ont la cote, ce qui peut agacer. Mais Le secret Gretl est un bouquin bien ficelé, alternant l’histoire de l’enquête menée par l’auteur et l’histoire de Gretl, sa tante allemande perdue en raison des remous de l’Histoire. Il est rare que cette alternance soit utilisée à bon escient, ce qui est pourtant le cas ici, d’autant que le récit de l’enquête propose une langue drôle et une vision pour le moins troublante de l’Allemagne actuelle. Le récit de la vie de Gretl, quant à lui, est assez classique. Et même si le propos amené est intéressant, il manque un peu du mordant que le récit de l’enquête apporte. Toutefois, le tout est définitivement à recommander.

Mais le fleuve tuera l’homme blanc, de Patrick Besson

11 Oct

Fayard

Lu par François S.

Patrick Besson connaît manifestement bien l’Afrique. Il s’est documenté en profondeur pour ce roman d’espionnage. Un vrai livre « fleuve » écrit dans un style très détaillé (parfois trop). Des moments sont particulièrement forts, notamment l’évocation du génocide rwandais. Son point de vue est particulièrement inattendu car il n’a au départ la faveur d’aucun des deux clans.

Le roman de Patrick Besson est bon, mais les accents de SAS (littéraire certes) sont pesants. Et force est de constater que son écriture convient davantage à ses chroniques du Point qu’à un roman. Bref, une chronique ne tient pas en 500 pages.

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Lu par Marine 

Il n’y a pas de héros dans ce roman (fleuve), mais toute une galerie de personnages dont les points de vue alternent pour que nous puissions petit à petit prendre conscience et comprendre les drames qui se nouent à Brazzaville durant les quelques jours que dure le roman. Avec le ou les génocides rwandais en toile de fond, assez lointaine pour ne pas accaparer toute l’histoire et assez présente pour lui donner sa profondeur.

Les peuples se mêlent dans ce Congo, cible d’aventuriers de tous pays qui le fantasment. Personne n’est épargné, ni le pouvoir en place, ni les pathétiques Européens qui s’y aventurent pour y faire des affaires ou pour participer au grand domino international, ni même cette Japonaise obsédée par les pénis noirs. Malgré sa longueur, l’entremêlement des vies et des histoires de tous ces personnages, efficacement décrits, est captivant. On aurait pu craindre de Patrick Besson, également journaliste, une déformation professionnelle de la langue mais celle-ci est fluide, débarrassée de la plupart des effets de style couramment employés par ses congénères. Enfin, il s’agit d’un des rares livres engagés publiés cette année et cela fait grandement du bien.

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