Tag Archives: ferrier

Heureux et moins heureux élus de la rentrée 2015

30 Oct
virilo2015

.

.
.
FINALISTES DU PRIX « VIRILO » 2015 :

Lignes et fils, d’Emmanuelle Pagano (Editions P.O.L)

L’Oragé, de Douna Loup (Mercure de France)

Crocs, de Patrick K. Dewdney (Manufacture de livres)

Une forêt profonde et bleue, de Marc Graciano (José Corti)

Mémoires d’outre-mer, de Michaël Ferrier (Gallimard)

.

Eau à moustache

.

.
.
FINALISTES DU PRIX « TROP VIRILO » 2015 :

Héloïse ouille !, de Jean Teulé (Julliard)

Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia)

La domination masculine n’existe pas, de Peggy Sastre (Anne Carrière)

Le Double des corps, de Juliette Bouchet (Robert Laffont)

.

.

.

.

CEUX QUE NOUS N’AVONS PAS RETENUS – et d’ailleurs on se demande bien pourquoi ils figurent sur d’autres listes :

La septième fonction du langage : « Laurent Binet a écrit un livre de khâgneux, tout de connivences et d’allusions feutrées aux théories qui ont enchanté sa jeunesse. Il atteint son public, et rate probablement le reste du monde. »

– Titus n’aimait pas Bérénice : « Il faut beaucoup de courage pour s’attaquer à l’adaptation d’un monument littéraire, mais aussi beaucoup de talent. L’un des deux manque ici. »

– 2084, la fin du monde : « Une désagréable sensation : si ce roman plaît, c’est parce qu’il dit tout haut ce que certains pensent tout bas. Boualem Sansal, qui est arabe, est totalement Charlie : sa souffrance personnelle devant l’état de son pays peut servir de costume bon teint à un anti-islamisme primaire caractérisé. »

  .

virilo2015

.

.

.

REMISE des PRIX et d’une farandole d’ACCESSITS le 4 NOVEMBRE 2015, quelques minutes avant le Prix Femina.

Détails de la cérémonie et de la soirée qui s’ensuivra à lire prochainement sur ces augustes pages.

Fukushima, de Michaël Ferrier

30 Oct

Bacchante tremblante

Gallimard (Infini)

Lu par Philippe

Kamé Hamé Ha

Virilo !

Sobrement sous-titré « récit d’un désastre », ce livre ne vous ment pas : ce n’est pas un roman, c’est un récit, mais c’est de la littérature assurément. Le style de Michaël Ferrier retranscrit avec ambition toute l’horreur et la démesure des tremblements, tout comme il sait faire parler le quotidien. Invoquant les grands textes de l’Asie comme de la France, il donne une portée philosophique au sien  qui ne manquait pourtant pas de profondeur tant sa plume poétique élève le débat. Étymologiquement, la cata-strophe, c’est la fin du mouvement. Le récit écrasé. Avec humilité, Michaël Ferrier nous prouve que non.

Stupeur et Tremblements

Le récit est en trois parties. La première narre les secousses du tremblement de terre, des impressions physiques au réactions médiatiques en passant par la famille affolée de France. « D’abord un premier choc très sourd, très lourd, sous les pieds, comme si le locataire du dessous vous filait un grand coup de massue dans le plancher (…) puis plus rien, le silence. le coup venu des profondeurs résonne, il cogne encore dans la poitrine (…) s’estompe doucement. (…) Et là, c’est la seconde secousse, latéral cette fois (…) et progressive, (…) droite-gauche, gauche-droite, comme si l’immeuble dansait la samba. Un roulement de tam-tam sous les pieds. (…) Le tremblement de terre est un boxeur : il en a la ruse, la patience et le punch, il procède par attaques répétées, replis subis, contre-attaque fulgurante. » 

Etym. Vague destructrice de la tortue

La seconde est un récit du Tsunami qui balaie les côtes. Si la première partie est effrayante mais parfois presque comique, témoignant d’une certaine énergie vitale jusque dans la peur et les tremblements -« Le séisme a suspendu le temps, l’a renversé, amplifiant démesurément le désir de vivre »- c’est ici le règne de l’écrasement, de l’annihilation puis de la putréfaction. L’auteur est allé là-bas et en tire un livre hallucinant qui laisse déjà poindre la dernière partie :

L’horreur nucléaire, et avec elle la médiocrité criminelle des élites japonaises comme françaises, leur capacité à noyer le poison derrière des chiffres qui ne veulent plus rien dire… Alors que l’on change en hâte les limites de radiations admises sur les écoliers de la zone, le pouvoir en place instaure « une demi-vie », niant la mort et les dangers de peur de créer le scandale alors que pourtant c’est déjà l’apocalypse…

Fukushima mon amour

Michaël Ferrier montre Fukushima à un juré commentateur

C’est un récit qui peut plaire pour de nombreuses raisons. Il parle des risques et des politiques de réponse avec clarté et documentation, il donne à avoir la catastrophe au plus près d’une langue poétique et profonde… Il parle aussi de tout un peuple, d’un pays marqué dans sa culture par ce cyclope endormi…

Mais à mon sens le plus passionnant, c’est de lire un humaniste et une pensée en prise avec un danger. Les mots ne subliment pas, ils comprennent le risque et l’horreur. C’est de lire comment l’art et la philosophie servent de guide pour l’action et la compréhension du plus indicible, du plus irracontable. C’est enfin la posture et le recul de Michaël Ferrier, son exigence aussi, qui font de ce récit une oeuvre magnifique, élevant l’esprit autant qu’elle l’aiguise. Une travail non de mémoire, mais de salubrité publique, artistique et intellectuelle.