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Le discours, de Fabrice Caro

28 Oct

Lu par… Bérénice

Souvenirs émus des cours de techno en 4e B

 

 

 

 

En plus d’une très belle couverture, Le discours possède l’indéniable avantage d’être écrit par le très doué auteur de BD Fab(rice)Caro. Il a aussi l’inconvénient d’être écrit par le très doué auteur de BD Fab(rice)Caro.

Alors, Le discours, plutôt Zaï zaï zaï zaï et Et si l’amour c’était aimer ? ou plutôt la nullissime Pause ?

Le pitch ?

Adrien, qu’on imagine trentenaire en fin de course, dîne chez ses parents, en famille. Son beau-frère lui demande, à brûle-pourpoint, de bien vouloir faire le discours de mariage. C’est assorti d’un petit chantage émotionnel : « ça ferait très plaisir à ta sœur« .

Or, Adrien vit un drame. Il a envoyé un texto à Sonia, qui il y a trente-huit jours a voulu faire une pause. Un texto simple, sobre, efficace, qui appelle (ou alors non ?) une réponse : « coucou Sonia, j’espère que tu vas bien, bisous« . Sonia a lu le message à 17 h 54. Depuis, rien.

Adrien, dans la cuisine de ses parents qui arbore fièrement la bite le sapin en contreplaqué fabriqué en cours de techno au collège, essaye vainement de refuser la proposition, pourtant si alléchante.

Unité de temps, unité de lieu, unité de personnages

En une très brève soirée, Adrien écrit différents discours, revit son histoire avec Sonia, et attend sa réponse. On plonge dans l’histoire, aussi, de sa famille qui parle peu, qui organise les dîners selon un rituel immuable et qui renvoie, comme toutes les familles, à ses propres échecs.

Longuet

Le livre a quelques travers, ceci dit. Il est trop peu édité, ou trop peu droit au but. On sent que l’auteur a l’habitude d’utiliser ses meilleurs phrases comme punchlines. Les deux premiers chapitres sont excellents mais après, ça traîne un peu en longueur, et on aimerait que le propos soit un peu plus construit, parce que même si c’est court, impossible de rire aux larmes pendant 208 pages.

Bouteille fabriquée en cours de techno il y a quelques plusieurs d’années

La vérité sort de la bouche du cheval, de Meryem Alaoui

19 Oct

Lu par… Alys

Une meuf forte qu’on l’aime bien

 

 

 

 

Jmiaa est prostituée dans les rues de Casablanca. Elle raconte son quotidien, ses copines, les clients. Chaïba, le gros moustachu qu’elle aime bien. Sa fille, qu’elle a eue avec un homme qui l’a quittée. En lisant la 4e de couverture, on s’attend à un récit un peu glauque, en tout cas triste. Pas du tout. Jmiaa est une coriace. Elle promène son postérieur imposant dans les rues de la ville et personne n’a intérêt à la faire chier. Ni ses ennemies, ni ses voisins. Elle passe ses journées, quand elle n’a pas de client, allongée devant la TV à grignoter des graines de courges, ou à rigoler avec ses copines dans la rue en buvant du pinard.
Un jour, une réalisatrice de cinéma vient la voir, elle veut faire un sujet sur la prostitution au Maroc et elle voudrait que Jmiaa l’aide.

Un beau portrait de femme au caractère bien trempé, qui se débat dans une galère sans nom avec force et dignité, et surtout avec beaucoup d’humour.

Mention spéciale à la « scène de la danse » – Jmiaa se met à danser seule chez elle alors qu’elle étend ses culottes – qui vaut son pesant de graines de courge.

Jurés pendant la réunion hebdomadaire, allégorie,.

Un monde à portée de main, de Maylis de Kerangal

13 Sep

Lu par… Anne

Réjouies et a fresco

 

 

 

 

Il y a des livres qu’on aimerait pouvoir détester juste parce que, parce qu’on est des têtes de lard et qu’hurler avec la meute germanopratine, aussi velue soit-elle, merci mais non merci. Le nouveau roman de Maylis de Kerangal en fait partie.

Sauf que… Il faut parfois se défaire de sa mauvaise foi naturelle et le reconnaître : le livre est une sacrée réussite qui parvient à ne parler de rien de plus que les autres avec sensualité et érudition.

L’histoire est celle de Paula, post-ado désœuvrée (comme nous tous, hein) qui décide un beau jour de s’inscrire dans une école bruxelloise enseignant l’art confidentiel et minutieux du trompe l’œil. Paula en bave, elle s’accroche, vit en colocation dans un appart pourri, se fait des amis, finit son cursus, décroche un premier contrat, puis un autre et finit par bosser sur Lascaux IV. Comme nous tous, je vous dis.

A marche forcée (et ce stacatto immuable est peut-être l’un des seuls bémols du roman), Maylis (vous permettez que je vous appelle Maylis ?) nous plonge avec délectation dans les matières et les odeurs, les êtres et les formes, les lieux et les histoires. On voyage, on découvre, on respire un peu d’éther.

Page 48 pourtant on espère la chute, le faux-pas, la faute de goût: « ceux de Paula sont beaux et propres, la virole étincelante, la touffe douce […] un petit gris à soies de porc, un épointé, un striper… ». Hélas il ne s’agit pas des fantaisies de Paula en matière d’épilation mais bien de ses pinceaux.

De même frémit-on à l’évocation des attentats de Charlie Hebdo, mais ce sont des dessinateurs qu’on assassine, des faussaires du réel, tout comme Paula et ses amis. Et Maylis retombe sur ses pattes avec la grâce d’un persan à poils longs dans le salon d’une vielle châtelaine.

Sa métaphore de l’imitation comme création est vieille comme l’art mais on y est bien, comme dans une bonne vieille charentaise élimée, et elle fonctionne très bien comme mise en abyme du travail de l’écrivain. On est dans du connu, du confort.

Verdict : Un roman initiatique élégant qui donne envie de se remettre à la peinture par numéros.

5 ans d’études pour apprendre l’art délicat du trompe l’oeil

Ma Grande, de Claire Castillon

11 Sep

Lu par… Jean-Marc

JM, c’est un gentil. 3 moustaches « pour équilibrer » a-t-il dit.

 

 

 

 

 

Que penser du dernier roman de Claire Castillon ? A l’évidence, elle a un sujet, une manière d’écrire, qui n’est pas encore du style, mais une obstination dans le monologue intérieur qui fait entendre, au fil des pages, un ronronnement familier. On s’habitue à lire ce livre, comme on s’habitue à ce récit d’un homme écrasé par sa femme, jalouse, possessive, haineuse, misanthrope, retorse, mesquine. C’est beaucoup pour un seul personnage de roman, et tant de noirceur, qui pourrit inlassablement la vie de couple, les relations familiales et amicales, finit par imposer au lecteur une forme de fascination. On se découvre voyeur, vaguement fasciné, hésitant parfois à lancer au mari malmené un « casse-toi, pauv’ con ! » ou bien, souvenirs en noir et blanc, à lui conseiller de regarder La Poison, film définitif de Sacha Guitry sur les derniers feux de l’amour conjugal.

Pourtant, Ma Grande est vraiment chiante et pas sympa.

« Tu as pas supporté notre proximité. Tu t’es vengéesur la petite. Tu avais besoin de gueuler de toute façon. »

« Tu passais des assiettes en carton remplies de canapés. Avariés. Le tarama avait jauni. Avec la chaleur, ça avait tourné. Tu m’as vu en jeter et tu as crié Ça va pas la tête ? On s’en fout, ils vont les manger. »

Mais, qu’il s’agisse de tarama, de vacances, d’enterrements ou de la femme de Gab, un ami d’enfance du narrateur, qui se trémousse « trop » pendant la Salsa du démon, l’accumulation de scènes, de souffrances, de rancœurs, ne fait pas une progression. Certes bien mené, le catalogue peine à devenir récit ; il reste un catalogue, une succession de petits drames qui s’emboîtent sans s’élever.

Des petites phrases sèches, un rythme las et syncopé, un drame ordinaire, qui s’écoute sans doute un peu trop écrire. Ma Grande est un récit adroit mais plat, et c’est peut-être pour cela qu’on s’y attache un peu.

Verdict ? C’est plat, la science a parlé.

Tenir jusqu’à l’aube, de Carol Fives

4 Sep

Lu par… Bérénice

Solo + solo

 

 

 

J’ai de la sympathie pour le sujet choisi par Carol Fives. Une mère célibataire (il paraît qu’on dit solo maintenant), un père absent, disparu, qui évidemment ne verse aucune pension alimentaire, un enfant en plein terrible two, bien entendu pas de place en crèche, pas de boulot car graphiste indépendante, car pas de temps, car plus de client, car un enfant (pas très start-up nation tout ça), pas d’amis, des nuits hachées, la famille lointaine et pas franchement intéressée, des voisins à peine cordiaux : la vie de la fameuse mère, disons-le tout net, c’est vraiment la grosse lose.

Oscillant entre tentatives de socialisation, luttes vaines avec l’institution scolaire (pas de place en crèche), incompréhension et jugement des inconnus du square, la mère s’octroie, de temps à autre, une sortie le soir, montre en main, pour s’empêcher de sombrer tout à fait.

Même internet, terre d’entraide parfois, terreau fertile pour la sororité, la juge la distance. C’est l’infini du temps maternel qui s’écoule sans permettre l’espoir d’un jour meilleur.

Le sujet est féministe, et j’ai envie de m’enthousiasmer.

Arrêtez l’écriture blanche

Hélas, trois fois hélas, un sujet pertinent ne suffit pas à faire littérature. Fives recourt à une langue pauvre, accumulée de détails triviaux, et peut-être est-ce là aussi en un sens une réussite, l’aboulie intellectuelle que provoque le tête-à-tête avec un petit humain en cours de construction. Toutefois, les échappées, les entre-deux ne permettent pas d’y voir des fulgurances, une image qui émeut, un verbe qui se relève un peu ; on se lasse de l’infinitif répété à foison. En un paragraphe, par exemple, « le châssis de fer n’est plus étanche. Le colmater avec un drap. (…) Quitter au plus vite cet appartement. (…) Se faire un nouveau réseau. (…) Sortir de cette dissolution des jours et des nuits. » Et c’est comme ça tout du long. Oui, ça se lit vite, très vite. Quand ce n’est pas l’accumulation des phrases infinitif + complément, ce sont des comparaisons dont on ferait bien l’économie (CV de graphiste lyonnaise avec enfant = biographie d’acteurs de seconde zone sur Wikipedia). Quant à la facilité du recours aux discussions doctissimo intégralement retracées, il agace plus qu’il n’apporte.

Le fait divers final, cadence très imparfaite qui clôt la lancinante litanie des jours rythmée par l’oraison jaculatoire qu’est La chèvre de Monsieur Seguin, apparaît donc comme le tépide dénouement d’une chronique qui bascule vers le slimanesque.

Confronté à cette dissonance littéraire, le juré ne peut que s’interroger : Carol aurait-elle dû opter pour la FIV littéraire ?

Book de l’héroïne avant d’avoir un enfant

Un élément perturbateur, d’Olivier Chantraine

10 Oct

Lu par…Charlotte

Panne de toner

 

 

 

Cette année, le jury du Virilo a décidé de se lancer dans des critiques courtes. Voilà qui exige de faire fi de ses agacements et sarcasmes, pas facile quand on a déboursé 20€ pour ajouter le dos d’un livre dans sa bibliothèque. Tentons.

Un élément perturbateur est le premier roman d’Olivier Chantraine, ancien cadre formé aux ateliers d’écriture de Philippe Djian à la NRF. Sur 278 pages (ce qui est beaucoup), Chantraine raconte l’histoire de Serge, un type de 43 ans qui vit avec sa sœur, a été pistonné par son ministre de frère pour bosser dans un cabinet de consulting et souffre par ailleurs d’hypocondrie.

L’intrigue est aussi croustillante que le personnage principal vend du rêve : Serge fait rater une affaire particulièrement stratégique à sa boîte – un dossier avec des Japonais, c’est dire s’il est important – or même protégé par son frère, l’affaire est tellement grave qu’il va devoir rattraper le coup. Pour l’aider dans cette tâche ardue, la présence de Laura ne sera pas de trop. Laura, c’est sa collègue aux dents longues et aux jambes infinies, ce qui ne gâche rien. L’éditeur annonce, c’est « une comédie enlevée au ton incisif, qui illustre le rapport totalement ambivalent de son héros à la réussite, à la famille, au couple, et à tous types de discours dominants. » Waouh, tout ça à la fois ?

Bon eh bien voilà, on y est. Il y a donc cette histoire avec les Japonais à démêler, parce qu’en fait – subtilité – il y a anguille sous roche, Serge ne fait pas tout foirer pour rien, peut-être même qu’il ne serait pas si looser que ça… D’ailleurs, Laura lui saute dessus sans ménagement dans le local de reprographie. Cette scène ayant provoqué pas mal d’émois au sein du jury, en voici un extrait :

10 000 photocopies de ce fichier, voilà pourquoi il faisait si chaud dans cette pièce.

 

« Cette photocopieuse dégage une chaleur infernale qui ne risque pas de calmer mon désir de faire l’amour avec elle sans attendre une seconde de plus. Miraculeusement, c’est exactement ce qui se passe, à son initiative. »

C’est tout de même une sacrée chance d’avoir été pistonné dans la seule boîte de l’hémisphère nord où la bombe-atomique- hyper-ambitieuse- et-un- peu-méchante-comme-dans- les-films en pince pour le looser officiel de l’étage. Enjoy, Serge (ce qu’il va faire dans un instant).

 

« De mon côté, je fais valser ses collants à ses pieds et arrache d’un coup sec sa petite culotte comme on écarte un dernier obstacle d’un revers de main. J’avais besoin de sentir sa peau sous mes doigts (….) Déjà ses mains se sont débarrassées de ma fermeture éclair pour se saisir de ma queue. »

Serge en train de calculer l’action du soir, parce qu’en plus de faire valser une petite culotte, il ferme la porte, la coince du pied avec un caisson et tripote les seins de Laura. Ça se prévoit au millimètre, on vous dit.

C’est beau comme le seul roman qui traîne dans un gîte de haute montagne un jour de tempête. Bien sûr, il y a d’autres personnages et épisodes : un entrepreneur passionné de bowling qui porte des santiags, deux boss mâles et officiellement hétéros qui se font surprendre en train de copuler dans les toilettes et le fameux frère ministre, qui trahit son parti pour prendre la course de la présidentielle parce que le président en place ne peut pas se représenter… Mais où diable Chantraine est-il allé chercher tout ça ?!

Un auteur consulté à propos du livre mais qui ne l’avait pas encore lu a dit : « Il paraît que c’est très Djian. » C’est sans doute plus sympa de dire ça que de continuer cette critique, une fois de plus trop longue.

L’homme qui s’envola, d’Antoine Bello

9 Oct

Lu par…Bérénice

Pas le temps de se laisser pousser la moustache

 

 

 

 

On savait qu’Antoine Bello était un fervent défenseur de l’entreprenariat et un peu je-m’en-foutiste. Ses tomes 2 et 3 de la trilogie du néanmoins très bon Les Falsificateurs nous avaient assez éclairé là-dessus.

Quid de l’homme qui s’envola ?

Il s’appelle Walker et il est très frustré, parce qu’il est riche (il a plus ou moins hérité de l’entreprise de beau-papa et l’a faite décoller), c’est un self-made et business man de génie (son entreprise fait de la livraison de colis et il sait décrocher un marché comme la petite vérole sait trouver le bas-clergé), il a une très belle femme, deux chouettes enfants, un entourage qui l’apprécie (mais ça on ne sait pas trop pourquoi), un petit avion qu’il pilote pour son plaisir et ses rendez-vous (ça se passe dans un futur pas trop lointain). Walker, donc, est frustré, parce qu’il voudrait du temps, et comme il est doué il fait tout très vite, mais comme il a une vie avec un travail, une famille et des amis, son agenda se remplit, et donc il n’a plus de temps.

Pourquoi veut-il du temps ? ON NE SAIT PAS. Pas pour passer du temps en famille dans sa maison sur la côte (il la déteste, le jour de la signature de la vente il a dit à sa femme qu’il n’en voulait pas puis il a signé, parce que depuis il faut réfléchir sur la couleur du crépi et ça lui fait perdre du temps, alors que, Walky, il suffisait de dire à ta femme veto sur le crépi, c’est immonde, gardons les pierres apparentes). Pas pour passer du temps avec ses enfants (il faut les écouter réciter des poésies ou pire, aller à leur spectacle de théâtre et leurs matches de football). Pas pour passer du temps avec se femme (elle parle de plein de trucs inutiles). Pas pour avoir une activité philanthropique dans la fondation créée par sa femme (il n’en a rien à foutre). Pas pour se projeter dans une vie confortable dans quelques années (il angoisse déjà à l’idée de tout le temps perdu au mariage de ses enfants et au baptême de ses petits-enfants). Pas pour développer de nouveaux marchés (comme il est trop fort il sait vraiment tout faire mais tout le monde se repose sur lui et après il va encore devoir faire un powerpoint) (et là, Walker, je te comprends).

C’EST TERRIBLE. Cet homme d’une vacuité intense décide donc de disparaître, car il n’est pas capable d’affronter cette vie. Il organise un crash dans une haute chaîne de montagne, se foire un peu sur l’atterrissage en parachute et boîte dans les bois. Ensuite il rejoint tout de même une ville et va à la pharmacie. C’est l’anti John Rambo, ce héros est d’un ridicule achevé.

Une assurance-vie sur sa tête au sein de sa boîte valant 30 M€, l’assurance qui engage un détective (on dit skip-tracker aux US parce que ça fait plus moderne). Le détective sent vite qu’il y a anguille sous roche et le découvre assez vite, parce que Walker a voulu fuir mais pas trop loin puisque seuls les Etats-Unis sont en mesure de lui apporter cette formidable sensation de liberté qu’il recherche.

Je vous la fais brève mais ensuite c’est l’histoire de il sait que je sais qu’il sait que je sais, et le détective se tape la femme de Walker et le laisse filer car un si grand souffle d’indépendance ne saurait être tari. A la fin, le détective et l’ex-femme de Walker le croisent dans un aéroport, il est pressé, on ne sait pas où il va mais il a l’air déterminé, ils se sourient, tout le monde est en paix.

Tout est ridicule dans ce livre, à commencer par la fascination de son auteur pour Ayn Rand, fascination qui sourd à chaque ligne. Walker est ridicule, on a envie de le secouer et de dire à sa meuf de le plaquer, l’histoire est ridicule (avec des dizaines de milliers de dollars à sa disposition, Walker échappe au détective mais ne fait tout de même rien de sa nouvelle vie puisqu’il passe son temps à prendre le bus pour changer de ville et à demander à des inconnus de payer en liquide une chambre dans des motels miteux), la chute est ridicule, le fait que la compagnie d’assurance ne se dise pas qu’il y a peut-être un problème à ce que le détective payé fort cher déclare Walky mort et s’installe avec madame est ridicule. Ne lisez pas ce livre, ne l’empruntez pas, il souillera votre âme, ne l’achetez pas, économisez 20 €.

 

Ce que je conseille de faire avec ce livre.

Chanson douce, de Leïla Slimani

2 Nov

Lu par… Anne-Sophie

critique4

Moustaches glacées d’effroi (façon Hibernatus)

 

Le roman s’ouvre sur une scène dont l’horreur tient en quelques mots : « le bébé est mort ». Et c’est la nounou qui l’a tué. Autant vous dire que dès le départ, on se sent un peu tendu du string.

Les deux premières pages n’augurent rien de bon : on s’attend à une version papier des Experts à Miami et autres Cold Case : scène de crime / flash-back / polar à la mords-moi-le-nœud. Ou au script d’un vieux Columbo, puisqu’en l’occurrence on connaît déjà l’identité du coupable.

Mais cette Chanson douce s’avère beaucoup plus intelligente que ça.

Le récit se concentre sur la vie des Massé et plus particulièrement sur celle de Myriam, wanabee-mère parfaite qui, comme il se doit, a parfois envie de défenestrer sa progéniture.  Plutôt que d’en venir à de telles extrémités, Myriam se dit qu’elle a bien le droit, elle aussi,  de faire passer sa carrière avant ses enfants. Donc la famille Massé engage une nounou.

La nounou en question, c’est Louise, fée du logis qui comble bien vite parents et enfants en aménageant pour les premiers une maison qui sent bon (« Il faut qu’elle ait des pouvoirs magiques pour avoir transformé cet appartement étouffant, exigu, en un lieu paisible et clair. Louise a poussé les murs. »), et pour les seconds, un monde imaginaire peuplé de jeux plus ou moins inquiétants.

En ouvrant son roman de cette manière, Leïla Slimani fait planer l’ombre menaçante de la scène finale sur le quotidien banal d’une famille parisienne. Car si l’histoire du couple carriériste noyé sous les to-do lists est plutôt bien vue, il ne s’agit que d’une toile de fond, tandis que l’essence du roman tend à répondre à une question subtile : mais pourquoi donc la nounou parfaite (cette pute) a-t-elle tué les enfants ?!!

On y vient.

Le temps passe dans l’appartement des Massé, au rythme des jeux, des devoirs, des travaux ménagers ; mais quand Louise rentre chez elle, son appartement est intact, à l’image de son visage de poupée et de son éternel et immaculé col Claudine. Le temps semble sur elle ne jamais s’écouler. Seule, sans eux, elle tourne en rond  en attendant la fin du weekend et se remémore les dimanches interminables en compagnie de sa fille (qu’elle ne voit plus) et de son mari (décédé).

Peu à peu, le masque de Louise craquelle sous le poids de son passé et d’un présent qui lui échappe. Et le lecteur s’enfonce avec elle dans cette trajectoire qui le terrorise mais lui interdit également de décrocher le nez du roman.

C’est brillamment et implacablement mené.

 

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Pour vous changer un peu les idées, le jury vous recommande le tout nouveau Prix Virilo des Maternelles (& crèches)

 

 

Mais aussi lu par… Alys et Bérénice

Fade duvet

Fade duvet

 

 

 

 

L’histoire est racontée plus haut, on ne va donc pas s’attarder. Deux parents, deux enfants, une nounou. Une relation qui part en vrille, et la nounou bute les gosses (c’est pas un spoiler, ça commence par ça). Bon, pourquoi pas. Mais le résultat casse pas des briques, principalement parce que :

1- il y a beaucoup de clichés : les bobos du 10e qui ne voient jamais leurs enfants et sont bourrés de condescendance pour leurs employées de maison. Lesdites employées de maison sont toutes d’origine étrangère, et sont toutes plus conviviales et plus maternelles que les mères qui osent sacrifier le temps qu’elles pourraient passer avec leurs enfants pour se consacrer à leur carrière. Sérieusement ? Et ces gamins bobos, alors, qui grandissent baignés de l’affection généreuse de ces femmes, et qui une fois ados ne leur disent même pas bonjour dans la rue car ils ont honte d’elle. Sérieusement ?

2/ les personnages sont un peu plats. La nounou d’abord, une personnalité psycho-rigide avec son chignon parfait et ses petits cols Claudine, mais tout de même si douée avec les enfants. Elle est à la fois attirante et frigide, elle a toujours adoré les gosses des autres mais pas la sienne, elle était mariée avant et maintenant elle est quasi asexuée. Elle s’habille glamour mais sobre mais chic quand même et habite en banlieue dans un studio. Elle n’a pas un rond mais gagne un salaire et ne dépense rien (ou alors c’est peut être les fringues ? On sait pas c’est pas mentionné). La mère, d’origine maghrébine, culpabilise de prendre une nounou maghrébine (sérieusement ? Et même, elle préfèrerait ne pas. Sérieusement ?). Elle est ambitieuse et aime son métier. Donc quelque part hein tout ça c’est quand même surtout de sa faute (rhaaa sérieusement ?). Et puis le mari, parce qu’il est surtout mari dans l’histoire avant d’être père. C’est pas trop de sa faute à lui tout ca hein. Du coup il est plutôt sympa, un poil libidineux (et à la limite vu le nombre de clichés on préférerait qu’il se la fasse, la nounou) et un peu gland.

3/ l’histoire est difficile à croire. On voit bien le mécanisme lent du déraillement vers la folie qui se met en place mais on ne comprend pas vraiment pourquoi elle déraille cette nounou, ni pourquoi elle continue à dérailler. Elle a eu d’autres gosses avant. Pourquoi ceux là ? C’est pas vraiment expliqué, du coup c’est pas vraiment crédible. Ah, elle est mélancolique délirante, du coup ça explique tout, parfait ce diagnostic médical qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Sérieusement ?

4/ L’écriture est plaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaate. Tout est neutre, c’est très bon élève de 3e qui rend sa meilleure copie de l’année. Du coup, ça n’est absolument pas à la hauteur de la gravité de l’évènement, et certainement pas du barouf médiatique qui l’entoure.

En résumé, on trouve que Leila Slimani s’est pas trop fatiguée. Les personnages sont plats et clichés, l’intrigue n’est ni bien amenée ni expliquée. Au début on veut y croire, on s’acharne ; on finit par se rendre compte que rien n’avance. Du coup, c’est juste l’histoire d’un fait divers glauque, et en plus c’est fade. Repassez-nous le poulet à l’eau de javel.
On n'en reprendra pas, merci

On n’en reprendra pas, merci

 

 

L’autre qu’on adorait, de Catherine Cusset

1 Nov

Lu par … Antonin

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Cucul la poiline

 

Cette année, l’accessit « Keyser Söze en fait c’est Kevin Spacey » de la 4e de couv’ qui balance la fin a d’ores et déjà été décerné à L’autre qu’on adorait, de Catherine Cusset. Ce livre retrace en effet la vie de : « Thomas, un homme d’une vitalité exubérante qui fut l’amant puis le proche ami de la narratrice, et qui s’est suicidé à 39 ans aux États-Unis. »

Thomas, donc, sympathique et passionné, manque Normale Sup’ puis s’expatrie aux USA, plein d’ambition. Étudiant à Columbia, tout semble possible. Mais les échecs se succèdent, amoureux (Sophie, Ana, Elisa, Olga, Nora, etc…) comme professionnels (Princeton, Portland, NYU, etc…). Pourquoi lui refuse-t-on les postes de Prof prestigieux? Est-ce son impossibilité à publier sa thèse sur « Proust et le classicisme » ou parce qu’il est trop brillant? Alors Thomas boit, choit et enfin comprend tout : c’est parce qu’il est bipolaire.

Un récit à la seconde personne du singulier, entre hommage et mise en abyme, qui aurait pu émouvoir. Pourtant certains ingrédients faciles nuisent à sa qualité.

Parallèles culturels douteux entre le héros et les Grands de ce monde ( « Proust et toi avez en commun l’extrême sensibilité artistique » ou « Vous connaissez tous les deux la maladie, pour Proust l’asthme, les étouffements, l’angoisse, pour toi la nécrose de hanche et la dépression »), maladie psychiatrique téléphonée et phrases de cul pour khâgneuses ( « Elle sait que la fessée est un signe d’adoration, (…) elle adore ta virilité, ton énergie, ta capacité à faire l’amour 24 heures sans t’arrêter, la folie » ) qui valent surtout à Catherine Cusset, cette année, de figurer parmi les trois finalistes du prix Trop Virilo.

 

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« Thomas ? connais pas. »

 

La Cheffe, Roman d’une cuisinière, de Marie NDiaye

28 Oct

Lu par Alys

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Quatre moustaches puissantes

 

L’histoire d’une cuisinière surdouée racontée par un amoureux transi.

Celui qui raconte, c’est son ancien second et confident, qui a fini par tomber amoureux d’elle et tente de percer le mystère de son existence. On suit donc l’histoire de cette surdouée de la cuisine, depuis son enfance pauvre dans la campagne bordelaise, jusqu’à l’ouverture de son restaurant et son sacrement.

Malgré des procédés littéraires parfois trop présents (atermoiements dans le récit, phrases très longues, italiques pour parler du présent, etc.), qui rendent difficile l’entrée dans le roman, on finit par être intrigué de ce curieux personnage de cuisinière. Pas féminine pour un sou, à la fois attirante et glaciale, ses contours sont aussi flous que sa cuisine est précise.

Un discours intéressant sur l’aspect organique, originel de la cuisine, et de la nourriture. Sur l’ensorcellement du cuisinier et le rapport au plaisir. Pour raconter comment un personnage austère et froid est capable de donner tant de plaisir, jusqu’à partager avec ses clients une relation parfois très intime.

C’est du 4 moustaches, et on finit avec la dalle.

 

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La cheffe (allégorie Virilo)

 

 

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Mais aussi lu par… Beybey

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Pas mieux

 

La Cheffe est cette femme sans nom, uniquement une fonction qui devient état, à l’enfance miséreuse et au passage à l’âge adulte trop rapide, dont les cheveux perpétuellement tirés en sévère chignon contrastent avec une sa cuisine, riche et inventive.

Ancrée dans ce qu’on imagine être les années 70 à 90, elle fait son apprentissage involontaire chez les Clapeau, un couple semblable à son nom, qui fleure bon le Bordelais et la gourmandise, avant de s’établir à son compte.

Narré par un de ses commis de cuisine, quasi-omniscient car il aurait reçu ses confidences, le récit est tout de même biaisé car cet homme a haï tout de ce qui éloignait la Cheffe de lui. L’intériorisation des contraintes par la Cheffe et la justification de cette attitude est donc retranscrit avec beaucoup de distance, non sans ironie, un peu à la manière d’une Vipère au poing ou d’un L’Enfant, mais aussi très directement, car ledit commis ne se cache pas d’avoir éprouvé un amour total et intemporel pour sa patronne.

Le personnage de la Cheffe est un mystère, et sa distance glaciale intrigue. On s’acharne : l’envie, jusqu’au bout, de comprendre cette femme s’intensifie (et de mon point de vue, qu’on n’y arrive absolument pas fonctionne très bien).

On le savait, Marie NDiaye est une styliste : pas d’écriture blanche avec elle. Un peu exagéré parfois, les effets marqués me gênent peu dans La Cheffe. Il y existe en effet une totale cohérence du propos, une analyse poussée de la richesse de la langue opposée à la richesse des plats, un travail les descriptions qui ajoutent au mystère. Pourtant, et c’est ce qui la fait stagner à 4 moustaches, c’est un peu exagéré : la redondance de certains propos, l’italique du temps présent, l’histoire un peu factice de la fille de la Cheffe alors que sa relation à sa mère est très bien traitée. Au surplus, l’histoire tient sur un fil et on aimerait avoir un peu plus de chair dans la description de la vie de la cuisine, de cet appartement au-dessus du restaurant, de l’intense post-partum de cette femme sans attache.

Alors même que les plats de la Cheffe ne m’attirent pas (j’ai un peu l’impression d’avoir ça dans l’assiette), j’ai envie de comprendre comment cette femme quasi sans sexe gère son rapport au plaisir, comment il la motive et la dégoûte à la fois, car on reste captivés par son génie, et quels pourraient être ses traumatismes, dont finalement nous ne saurons que ce qu’on veut bien nous dire.

 

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Une sexualité introuvable

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