Tag Archives: Goncourt

Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu

7 Nov

Lu par… Lina

Banlieue d’une ville de province

 

 

 

C’est un Zola moderne en moins bien ; c’est pas mal mais ça ne mérite pas une finale.

Flashback Fief rapport à l’ennui en banlieue d’une ville de province (Heillange, ville de hauts fourneaux des années 80 à 98). Le clin d’œil à la coupe du monde 98 pour un roman publié en 2018 est un peu lourdingue, mais l’ensemble est bien écrit.

 

Lu aussi par… Jean-Marc

Bonne pioche avec Pivot

 

 

 

 

David Lopez avait réussi à faire bander Yann Moix avec Fief, en le copiant, Nicolas Mathieu a réussi à pécho Bernard Pivot, qui rapporte bien davantage.

Le reste ici.

Et puis on oubliera

Capitaine, d’Adrien Bosc

22 Oct

Lu par… Gaël

Tombé des épaules des géants

 

 

 

 

Adrien Bosc s’empare d’une sorte de fait divers historique, et en fait un roman : le voyage du Capitaine-Paul-Lemerle, navire qui au début de 1941 quitta Marseille pour Fort-de-France, avec à son bord environ 250 personnes qui, pour une raison ou pour une autre, préféraient être sur le continent américain plutôt que dans la France de Vichy. Arrivés à la Martinique, on continue à en suivre un certain nombre jusqu’à leur destination finale. Le piquant de l’histoire, c’est que parmi ces passagers il y a quelques célébrités, actuelles ou en devenir : André Breton, Claude Lévi-Strauss, le peintre Lam, la photographe Germaine Krull, Ernest Kantorowicz, Victor Serge, Anna Seghers, j’en oublie peut-être un ou deux.

Une page de Capitaine

Cette manière de prendre un épisode  de l’histoire méconnu – et pour cause, il est minuscule et n’a changé le destin de personne – et d’en faire un roman est une mode actuelle, qui a d’ailleurs valu à Eric Vuillard le Goncourt 2017. Elle porte, me disent mes co(n)jurés, le nom de « Exo-fiction ». Et rien qu’au nom, on se dit que ça doit être comme les exo-squelettes dans Alien : quand ça fonctionne, c’est super badass. Quand ça ne marche pas, c’est juste un truc trop grand dans lequel on est empêtré de partout. En réalité ça a été nommé ainsi en référence à l’auto-fiction et, il faut le dire, c’est bien trouvé. On en retrouve certains travers, l’exo-nombrilisme n’étant qu’une variante de l’autokiff.
Venons rapidement à ce qui est respectable ou aimable dans ce livre : il y a un énorme travail de recherche bibliographique sur tout ce qui a bien pu se passer sur ce damné rafiot, et sans doute un réel amour de la période, de Breton, du surréalisme et de l’effervescence artistique de ces années-là. Sans doute, aussi, une authentique fascination pour cet épisode : pensez, Breton et Lévi-Strauss se sont trouvés enfermés ensemble sur un bateau pendant trois mois ! Aucun n’est tombé à l’eau mais qu’ont-ils bien pu se dire ? Il y a, aussi, un réel effort de style, appréciable dans un paysage où le sujet-verbe-complément a été anobli à la sauvette du titre d’écriture blanche.
Ceci est malheureusement compensé par de fâcheux points négatifs. D’abord ça ne raconte pas grand-chose. Breton qui s’emmerde sur un bateau, Lévi-Strauss qui fait passer le temps à la Martinique, ça n’est pas vraiment plus palpitant que si vous étiez à leur place ; ils ont d’ailleurs la lucidité de le reconnaître dans les extraits de leurs journaux ou correspondances qui émaillent le roman. Au demeurant, en réalité on ne sait pas trop ce qu’ils se sont dit sur ce bateau, et l’imaginer suffisamment fort pour que ça fasse palpiter nos petits coeurs de khâgneux nécessiterait d’avoir leur génie – Adrien Bosc ne s’y risque d’ailleurs pas. En fait, ils ont dû pas mal se dire : « Pfiou, fait chaud ! Tiens, passe-moi le jaja. » Découverte : les géants de l’esprit ont trop chaud, ont besoin de visas pour voyager, et n’aiment pas la promiscuité.  Ils vont aussi aux cabinets, mais ça c’est pour le prochain roman.

Écrivain confronté au syndrome de la plage blanche

Ensuite, l’auteur s’est un tout petit peu noyé sous sa documentation. Franchement, savoir que Joan Miro terminait une série de tableau dont il n’a plus jamais été, et ne sera plus jamais question, alors que le Capitaine passait au large de l’île où il avait élu résidence… c’est hors-sujet, vraiment. Il y a moult autres exemples de cette volonté de caser absolument tous les renseignements glanés pendant le long travail de préparation. L’un des plus magistraux, peut-être : quelques pages sur Simone Weil à Marseille. Pas sur ses idées, ou sur son courage, non : sur un itinéraire qu’elle a parcouru dans la ville. Et sur le fait qu’elle a aperçu le bateau ; elle portait un Loden, nous dit un extrait du journal de Victor Serge, donc ce dernier ne s’était sûrement pas dit qu’il serait un jour cité, en italique, comme s’il  semblait renfermer une perle de pensée. A force surgit un soupçon : et si tout ça n’était que du name dropping ? Une version chic et pseudo-intello de cet art consistant à citer nonchalamment, de retour en septembre aux terrasses parisiennes, l’ensemble des célébrités qu’on a vaguement saluées à St Trop pendant la journée qu’on y a passée au mois d’août ?
Mais surtout, c’est formidablement agaçant de prétention. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de pose, dans ce Capitaine. Adrien Bosc appelle Lévi-Strauss « Claude ». Oui, comme Benoît Poelvorde dans Podium, sauf que là on ne parle pas de Claude François. Ce moment magique où la déférence affichée se transforme en complicité surjouée avec un Grand Homme mort – c’est pratique – et qui à ce titre ne contredira pas l’auteur. Adrien Bosc joue au grand écrivain, et malheureusement la gravitas soutenue par des considérations définitives sur la guerre sied mal au jeune trentenaire. Ca m’a rappelé un autre finaliste du Goncourt 2017, où François-Henry Désérable prenait des poses de Gary vieillissant, et ça ne fonctionne toujours pas. Ils partagent d’ailleurs le fait de citer Tintin, ce qui me semble une passion révélant, chez quelqu’un né dans les années 1980, un vieillissement précoce. La boursouflure traverse le roman, dans le style, dans les remerciements (Adrien Bosc connaît la femme de Lévi-Strauss – pardon, de Claude – et la fille de Breton, tac, et aussi Olivier Assayas, bim ; il se murmure d’ailleurs qu’il est bien introduit dans les milieux parisiens, et pourrait même recevoir le très convoité Accessit de l’entregent et de l’entrejambe), dans l’affectation d’être la conscience morale d’une époque subliminalement mais avec insistance comparée à la nôtre. N’étant pas avare en citation, il ouvre la première partie sur une phrase de Walter Benjamin : « Un souvenir tel qu’il brille à l’instant d’un péril ». L’enjeu est souligné avec légèreté : en notre époque pleine de troubles, remémorez-vous ces âges sombres que je vais vous donner à admirer dans leurs moindres détails ! Le pari étant qu’en les regardant par le petit bout de la lorgnette, ils en deviendront d’autant plus signifiants. Le problème c’est qu’Adrien Bosc n’est pas un des plus grands philosophes du siècle persécuté par le nazisme pour ses idées, pas un proche d’un des hommes qui ont révolutionné l’anthropologie, pas non plus le pape du surréalisme, ni encore un révolutionnaire proscrit par tous les régimes. Il admire sans doute tous ces gens – qui l’en blâmerait ? – mais il ne suffit pas de se jucher sur les épaules de géants pour voir plus loin qu’eux, même en les ayant au préalable conscienscieusement empilés les uns sur les autres. Parfois, les géants jouent juste au rami ou vomissent par-dessus le bastingage et, alors, la vue qu’on a est à la mesure de ces activités (en étant quelques centimètres plus haut, on doit toutefois s’apercevoir que Stefan Zweig triche aux cartes).

« Allo, c’est Claude ! Oui j’ai presque fini Tristes Tropiques! « 

J’ai donc envie de dire à Adrien (Adrien, je me permets de te tutoyer même si je ne connais pas ta femme) : la prochaine fois, parle-nous de ce que tu penses et vis. Fais-nous une bonne auto-fiction.

Rencontre avec P.Jourde – Round 1

5 Oct

Pierre Jourde vs Prix Virilo : le clash – Round 1

Propos recueillis par Philippe, Marine et Stéphane

A votre gauche sur le ring (du café), le Prix Virilo, représenté par trois poids légers fourbes à l’esprit mauvais ; à votre droite, Pierre Jourde, boxeur émérite, critique littéraire, romancier et professeur de lettres à l’université de Valence. Combat en trois rounds entre deux conceptions de la littérature : l’une bonne, la nôtre. L’autre… Bah en fait c’est la même.

Premier round en forme de survol de paysage littéraire français contemporain. Jourde pousse dans les cordes Marc Levy et Foenkinos, jab, jab, et méchant uppercut au Goncourt.

Marc Levy : Naze depuis le milieu du XIXe siècle

Prix Virilo : Dans Confitures de culture, dans La littérature sans estomac, comme dans le Jourde et Naulleau, vous n’y allez pas tout le temps de main morte : Est-ce que la haine de l’imposture est la muse du critique ?

Pierre Jourde, garde haute.

Pierre Jourde, garde haute. La peur peut-être.

Pierre Jourde : Oooh, c’est bien formulé. En tout cas, c’est mon créneau. Ce ne sont pas forcément les « énormes bouses universellement reconnues comme telles » qui m’intéressent, plutôt les gens qui passent pour des valeurs auprès de critiques influents. Pour Marc Levy ou Gavalda, on a choisi de parler d’eux quand ils ont commencé à être légèrement intégrés : il y a eu des pages dans Lire sur Gavalda, disant que finalement c’était vachement bien, d’autres dans Le Monde sur Marc Levy, disant que finalement c’était pas si mal. Donc là je me suis dit hop, on peut y aller !

PV : Musso, Levy, Pancol – la sainte trinité – ne rencontrent pas tout le temps un succès critique mais sont des gloires de l’édition. N’a-t-on pas la littérature qu’on mérite ?

Marc Lévy, auteur de l'inoubliable phrase sur : "Une rue bordée de maisons". Jourde en rit encore.

PJ : Oui, et il faut faire avec. C’est pratiquement une constante depuis l’industrialisation de l’édition : depuis le milieu du XIXè siècle, il y a des Marc Levy. Son argument, c’est qu’il est celui par lequel il faut passer pour arriver aux grands écrivains. Certes, on est tous passés par des écrivains populaires. Seulement des écrivains populaires, il y en a des bons et des mauvais. Lui se place d’office dans la case « bon écrivain populaire », ce qu’il n’est pas, puisqu’il écrit comme un cochon d’une part, et d’autre part, parce que ses romans se résument vraiment à des situations de romans-photos. C’est pour ça que je crois à l’utilité de la critique : Beaucoup de gens m’ont dit « Marc Levy, c’est pas la peine, tout le monde sait que ce n’est pas un écrivain… » Eh bien non, il y a des millions de gens qui pensent que c’en est un. On me dit « vous méprisez les gens qui lisent Marc Levy ». C’est le contraire, c’est parce que je ne les méprise pas que je dois leur dire que Marc Levy, ce n’est pas bon.

PV : Certes, mais a-t-on les lecteurs aujourd’hui pour les grands écrivains ?

PJ : Oui, oui, on en a pas mal. Quand on pense qu’il y a 5 ou 6000 personnes qui achètent un livre de Chevillard… Mallarmé n’en vendait que 200 à l’époque.

Une Britney Spears qui murmure vaut mieux qu’une Darieussecq qui foenkinose

PV : Nous remettons chaque année un accessit, le Prix Pilon de la forêt qui pleure, pour le plus grand barouf médiatique autour d’une imposture. Cette année, vous en voyez un ?

PJ : Foenkinos pourrait entrer dans cette catégorie-là.

PV : Qu’est-ce qui selon vous caractérise Foenkinos ?

PJ : Il en fait des tonnes, il est dans la démonstration permanente de qu’est-ce-que-je-suis-rigolo. C’est insupportable.

PV : Il est pourtant pas très drôle…

Foenkinos, un auteur qui plaît aux cougars

PJ : Bah non, c’est ça qui est embêtant !  L’année dernière il est allé aux Etats-Unis pour représenter la littérature française avec Marie Darrieussecq et je ne sais qui encore… Les pauvres Américains : Avant c’était Robbe-Grillet, maintenant c’est Foenkinos et Darrieussecq… Darrieussecq, elle picore dans l’air du temps. C’est juste de l’eau tiède.

PV : Darrieussecq avait eu des problèmes de plagiat il y a quelques années, cette année c’est assez à la mode… Un avis là-dessus ?

PJ : La ligne de défense des plagiaires c’est l’intertextualité. Evidemment, on est imprégné de littérature, j’ai écrit des textes où il y a du Nerval, où je fais un clin d’œil à une phrase de Proust… Mais ce ne sont pas des paragraphes. Et encore moins des paragraphes entiers piqués à des auteurs difficilement repérables… Je crois que la limite est là.

PV : Quels sont les romans de la rentrée qui vous paraissent notables ?

PJ : Le ravissement de Britney Spears, c’est magnifique. Jean Rolin a un humour à froid comme ça, l’air de rien… C’est désopilant. Il greffe une histoire d’espionnage sur tout un portrait de cette faune d’Hollywood… Certes, l’intrigue est foutraque, mais j’aime bien ça. Surtout un type en poste à Murghab, dans le Haut-Badakhchan, pour surveiller la frontière du Tadjikistan. C’est grand je trouve… Vous vous souvenez ce film de, comment s’appelle-t-il…

PV : … (Silence angoissé de notre côté : défi culturel, saurons-nous le relever ?)

Pierre Jourde, une certaine vision de la rentrée littéraire (à moustache)

PJ : Sacha Baron Cohen, où il enlève Pamela Anderson dans un sac ?

PV : Borat ! (soulagement)

PJ : Oui, il y a un côté comme ça… il a vraiment un humour décalé, en même temps il fait un portrait de notre monde déréalisé…

La guerre, c’est mal… Surtout dans la rentrée littéraire

PV : Qu’est-ce que vous pensez des sempiternels thèmes de la rentrée : guerre d’Algérie, guerres mondiales, roman de deuil…

PJ : Ca fait un moment que ça dure, j’avoue que ça me fatigue un peu. C’est ce qui me retient dans la lecture de l’Art français de la guerre, je n’arrive pas tellement à avancer, c’est tellement attendu. Ce que j’aime bien chez Carole Martinez par exemple (ndlr : Du domaine des murmures), c’est qu’elle ose quelque chose de différent : Un roman médiéval, c’est ce qui peut donner de pire -ça aurait pu être Jeanne Bourin- eh non ! Elle réussit son truc, elle en fait quelque chose de surprenant. Il y a d’autres tendances qui se dessinent, notamment une tendance au roman loufoque, à la Pluyette, des gens comme ça, je trouve ça très bien.

Où les grands prix littéraires se prennent un bon crochet du droit

PV : Vous vous êtes réjoui publiquement de l’arrivée d’Eric Chevillard au Monde des livres. Avec lui, c’est une des premières fois qu’on lit une critique et qu’on rit franchement. Est-ce qu’il n’y a pas une sorte d’esprit de sérieux généralisé dans la façon dont les livres sont traités ? Et pourquoi ?

PJ : C’est accablant. Je crois que les critiques sont tétanisés, plein de l’importance de leur tâche et qu’ils ont la trouille de leur ombre. Ils sacralisent complètement le livre. Le truc des journalistes c’est de proclamer qu’ils ont très peu de place, donc qu’ils ne parlent que des bons livres. Mais c’est faux en fait, c’est dans l’articulation du bon et du mauvais que se dessine une valeur. Quand on ne dit que du bien, c’est rarement honnête. Mais c’est peut-être en train de changer… Par exemple le Nouvel Obs (ndlr : où PJ tient son blog), ils étaient beaucoup plus gourmés avant. Là ils envoient.

PV : Comment expliquez-vous ce changement ?

PJ : Je crois qu’il y a une nouvelle génération, qui ne gobe plus toutes les fariboles des vieux bonzes qui avaient 20 ans en 68. On ne la leur fait pas à l’intimidation progressiste. Ils veulent du concret. Beaucoup de gens de ma génération ont encore un regard très idéologique sur le livre. Vous voyiez ce que disait Catherine Millet sur la liste de Beigbeder (ndlr : Le dernier livre de Beigbeder est une liste de ses livres préférés)? Elle disait que c’était n’importe quoi et elle avait raison, mais elle sous-entendait qu’il y a des livres réacs, en soi. La nouvelle génération ne donne plus dans ces conneries. Sauf peut-être aux Inrocks, où ils ont bu ça à la tétine.

PV : Dans Pays perdu, vous écrivez que « le chien est un être humain comme les autres ». De même, les jurés du Goncourt sont-ils des critiques comme les autres ? Qu’est-ce qui fait qu’ils se trompent avec une telle constance ?

PJ : Mettons à part les renvois d’ascenseur, imaginons que ça n’existe pas. Je pense qu’il y a des critiques absolument sincères mais qui n’imagineraient pas fonctionner autrement, hors des valeurs établies, récompenser le livre dont tout le monde parle. C’est du conformisme intellectuel. Le Goncourt vole au secours du succès.

Si vous le branchez sur Marc Lévy, vous allez rire.

PV : Sur le web, quels sont les sites littéraires et critiques que vous consultez ?

PJ : Libres critiques. Un site sur la littérature de pointe. C’est très intéressant, on apprend plein de trucs. Avant j’aimais bien la vipère littéraire, mais il a cessé toute activité depuis qu’il a été dénoncé par Stalker. La vipère littéraire, c’était un très bon critique, qui officie à Chronic’Art. Je regarde Stalker aussi, bien qu’il m’énerve. C’est un blog de Juan Asensio, très érudit… Il se prend pour Léon Bloy. Il attaque des gens sur un ton apocalyptique. J’ai des rapports avec lui un peu… Disons que quand il s’en prend à des gens comme Haenel ou Meyronnis, je suis derrière lui, quand il s’en prend à Chevillard, beaucoup moins. Ça m’agace.

À suivre, le deuxième round, où seront abordées les valeurs crépusculaires de certaines œuvres (Chapsal, Angot, Super Picsou), la nuit de l’autofiction, avant l’aurore de Chevillard.

Vous pouvez également retrouver Pierre Jourde ici et dans son dernier livre « La présence », éditions Les Allusifs.

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Dino Egger, de Eric Chevillard

8 Sep

Les éditions de minuit

Lu par Philippe

Ce livre t'aime

Virilo !

Cette année, c’est écrit, on le sait depuis longtemps, c’est « Dino Egger » qui sera l’objet du syndrome merde dans les yeux dont sont affublés de si nombreux jurés de prix littéraires. Cela ne chagrinera pas l’auteur Eric Chevillard qui doit être habitué, depuis le temps…

En 2007 par exemple il publie « Sans l’orang-outang », un chef d’œuvre, et commence un blog exceptionnel : l’auto-fictif. La même année c’est « Chagrin d’école », un des livres les plus anodins de Daniel Pennac qui rafle le Renaudot. Les jurés du Goncourt répondent avec clairvoyance et sacrent Gilles Leroy pour « Alabama Song », qui constitue une pile de feuilles très utiles aujourd’hui (et enfin) pour démarrer les charbons d’un barbecue.

Mais « Dino Egger » a-t-il seulement besoin d’un prix ? Et puis qui c’est d’abord, Dino Egger ?

Bien. Le pitch, donc : Tu vois Napoléon ? Tu situes Einstein ? Tu remarques Marx ? Tu as entendu parler de Bernard Montiel ? Voilà : Dino Egger aurait été de ceux-là. Aurait : Chevillard raconte la vie d’un grand homme qui n’a pas existé. Evidemment. Rien de nouveau là-dedans,  comme presque tous les écrivains. Sauf qu’ici, le narrateur est conscient de l’inexistence du héros.

« (Sans ces grands hommes) que serait devenu le monde ? Nous allons le savoir, car j’en tiens un, je tiens Egger, et Egger – du moins cet Egger-là – Dino Egger – ce Dino Egger du moins – n’a jamais existé »

Le sujet du livre n’est pas plus « racontable ». A la rigueur on s’en ficherait car tout est prétexte, comme d’habitude, à un style parfait.

« (Egger) manque aujourd’hui encore, et peut-être de plus en plus. Il y a ce trou, cette lacune irréductible, cette déchirure dans la trame serrée de notre commune aventure dont les bords effilochés dessinent les contours de notre homme et le font apparaître plus nettement que certains autres personnages célèbres (…). Dino Egger n’a pas eu à pâtir des approximations du témoignage humain. (…) Dino Egger apparaît en creux. Il a l’évidence d’un cratère. »

Portrait, probable, peut-être, de Dino Egger (reconstitution).

Pour autant l’histoire n’est pas qu’accessoire. Sous couvert d’exercice de style ad nauseam, le narrateur évolue. Derrière la légèreté et le brio, le lecteur attentif pourra nourrir de profondes réflexions. Certes, une intrigue plus classique comme dans « Palafox » ou « Sans l’orang-outang » aurait perdu moins de monde en route. Le livre implique une convention de lecture peut-être trop radicale pour de nombreux yeux. C’est d’ailleurs là mon seul regret : que certaines personnes soient découragées et passent à côté. Mais pouvait-il en être autrement ?

Alors sachez simplement que ce livre est extrêmement drôle et brillant. Comme cette liste hilarante des inventions et chefs-d’œuvre (plus de 120 tout de même) que Egger n’a pas transmis au monde, du « théorème dit des embouchoirs » à la « Chronique du Big Bang » en passant par « une couleur nouvelle correspondant à certain état intérieur de contentement dans le malheur » ou encore « Pourquoi huit, une élucidation ».

Ce post, comme ceux des autres sites, ne fait que mal décrire ce qui ne coûte pas si cher dans le commerce. « Elle n’arrive pas à sa cheville » dirait même Stéphane… Voilà pourquoi depuis des années mes critiques d’Eric Chevillard se limitaient à la lecture de passages et à cette simple injonction, ce conseil qu’avec plaisir je réitère :

Lisez Chevillard.

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Lu par Paul

Moustache fournie

Moustache eggerienne

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