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Les Evaporés, de Thomas B. Reverdy

29 Sep

 

Les évaporés

Poké-duvet

Editions Flammarion

Lu par Alexandre

Chouette des sushis!

Quand on ouvre Les Evaporés pour la première fois, on a toutes les raisons de croire qu’on a déniché la perle du chapelet de romans asiatisants de cette rentrée littéraire. (Nostalgie Heureuse d’Amélie Nothomb, La fabrique du Monde de Sophie Van der Linden). Et pour cause, rares sont les occasions de nous intéresser à la question des Johatsu, naufragés volontaires de la société nippone, qui pour échapper à leurs mensonges ou à leurs dettes disparaissent, pschitt, du jour au lendemain.

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Un livre qui pourrait donner la pêche

C’est à la recherche de l’un d’eux que se lance ce bon vieux détective Richard B. (from San Francisco, U.S.A) sur la demande de son ex-compagne Yukiko, suffisamment désespérée de la mystérieuse « évaporation » de Kaze, son père, pour solliciter l’aide au Japon même d’un gaijin (terme un poil péjoratif pour désigner les étrangers). Richie est un privé, un vrai. Un peu loser, un peu grassouillet, il a tout de même une jolie moustache (bien tenté Thomas !), et son alcoolisme naturel lui permet de ne reculer devant aucun  verre de saké pour mener à bien son enquête (yeee-ha). En parallèle de l’enquête, on suit la vie de planqué de Kaze et de son jeune compagnon d’infortune Akainu, essayant de comprendre en même temps qu’eux les raisons de cette fugue.

L’histoire s’annonce plutôt bien, d’autant que nous profitons de la candeur de notre Yankee pour nous frotter aux réalités contrastées d’un Japon drôlement bien dépeint par Reverdy-san. Pour y avoir vécu, l’auteur connaît le décor de son roman et évite de nous présenter une estampe trop nette, ne laissant pas de côté les paradoxes et les dark-sides de la société nippone. Mais, patatra, une fois passées les cent premières pages, le roman se fait hara-kiri.

Fukushima, the lost pieces

C’est en effet à peu près à ce moment-là que commence l’explication de la disparition de Kaze, et par la même occasion, les raisons pour lesquelles ce qui pouvait être un bon roman n’arbore  finalement que deux petites moustaches :

1- Tout d’abord, on ne comprend malheureusement rien aux raisons de la fuite de Kaze. C’est énervant, parce que c’est bien la seule raison qui nous pousse à finir le livre. Yakuza, Fukushima & intrigues de bureau… c’est Tom Clancy au pays des sushis.

2- Le rythme du roman, jusque-là mené tambour battant, se met à hoqueter sérieusement, gangréné par des contemplations japan-style, emmerdifiantes au plus haut point. Le style soigné et vivant du début laisse la place à de pénibles démonstrations de savoir- écrire qui ne servent ni l’histoire, ni l’intérêt du lecteur (cf. une édifiante phrase de TROIS PAGES p. 239).

3- L’exploitation fumeuse (lol) de Fukushima et la galerie de portraits parfois cocasses dressée pour le bien de l’enquête sont autant de moyens qui ne justifient franchement pas une fin qui est loin de valoir son pesant de petit-pois au wasabi.

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Juré rendu perplexe par la fin du roman

Sous les intentions les plus honorables d’ouvrir les yeux du lecteur sur un Japon post-2011 et sur le sujet exotique des « évaporés », le roman se distingue finalement plus pour sa valeur documentaire que par son récit. C’est un peu dommage, car on pouvait attendre mieux de ce livre, pourtant présenté rutilant sur les étals des libraires, tel un bento de plastique à la devanture d’un restaurant.

Fukushima, de Michaël Ferrier

30 Oct

Bacchante tremblante

Gallimard (Infini)

Lu par Philippe

Kamé Hamé Ha

Virilo !

Sobrement sous-titré « récit d’un désastre », ce livre ne vous ment pas : ce n’est pas un roman, c’est un récit, mais c’est de la littérature assurément. Le style de Michaël Ferrier retranscrit avec ambition toute l’horreur et la démesure des tremblements, tout comme il sait faire parler le quotidien. Invoquant les grands textes de l’Asie comme de la France, il donne une portée philosophique au sien  qui ne manquait pourtant pas de profondeur tant sa plume poétique élève le débat. Étymologiquement, la cata-strophe, c’est la fin du mouvement. Le récit écrasé. Avec humilité, Michaël Ferrier nous prouve que non.

Stupeur et Tremblements

Le récit est en trois parties. La première narre les secousses du tremblement de terre, des impressions physiques au réactions médiatiques en passant par la famille affolée de France. « D’abord un premier choc très sourd, très lourd, sous les pieds, comme si le locataire du dessous vous filait un grand coup de massue dans le plancher (…) puis plus rien, le silence. le coup venu des profondeurs résonne, il cogne encore dans la poitrine (…) s’estompe doucement. (…) Et là, c’est la seconde secousse, latéral cette fois (…) et progressive, (…) droite-gauche, gauche-droite, comme si l’immeuble dansait la samba. Un roulement de tam-tam sous les pieds. (…) Le tremblement de terre est un boxeur : il en a la ruse, la patience et le punch, il procède par attaques répétées, replis subis, contre-attaque fulgurante. » 

Etym. Vague destructrice de la tortue

La seconde est un récit du Tsunami qui balaie les côtes. Si la première partie est effrayante mais parfois presque comique, témoignant d’une certaine énergie vitale jusque dans la peur et les tremblements -« Le séisme a suspendu le temps, l’a renversé, amplifiant démesurément le désir de vivre »- c’est ici le règne de l’écrasement, de l’annihilation puis de la putréfaction. L’auteur est allé là-bas et en tire un livre hallucinant qui laisse déjà poindre la dernière partie :

L’horreur nucléaire, et avec elle la médiocrité criminelle des élites japonaises comme françaises, leur capacité à noyer le poison derrière des chiffres qui ne veulent plus rien dire… Alors que l’on change en hâte les limites de radiations admises sur les écoliers de la zone, le pouvoir en place instaure « une demi-vie », niant la mort et les dangers de peur de créer le scandale alors que pourtant c’est déjà l’apocalypse…

Fukushima mon amour

Michaël Ferrier montre Fukushima à un juré commentateur

C’est un récit qui peut plaire pour de nombreuses raisons. Il parle des risques et des politiques de réponse avec clarté et documentation, il donne à avoir la catastrophe au plus près d’une langue poétique et profonde… Il parle aussi de tout un peuple, d’un pays marqué dans sa culture par ce cyclope endormi…

Mais à mon sens le plus passionnant, c’est de lire un humaniste et une pensée en prise avec un danger. Les mots ne subliment pas, ils comprennent le risque et l’horreur. C’est de lire comment l’art et la philosophie servent de guide pour l’action et la compréhension du plus indicible, du plus irracontable. C’est enfin la posture et le recul de Michaël Ferrier, son exigence aussi, qui font de ce récit une oeuvre magnifique, élevant l’esprit autant qu’elle l’aiguise. Une travail non de mémoire, mais de salubrité publique, artistique et intellectuelle.

Kosaburo 1945, de Nicole Roland

17 Sep

Actes Sud

Lu par François

Un livre kamikaze qui aurait mieux fait seppuku ?

Rasoir

Par pitié, passez votre chemin, VITE. Pardon mais les romans japonais maltraités on aimerait que ça s’arrête, merci. Le côté « je m’inspire d’une culture minimaliste (mais qui a dit que le Japon avait une culture minimaliste, au fait?) pour cacher que je n’ai aucun don littéraire » ça suffit, par pitié. Ce roman est mauvais : c’est cliché, c’est bien triste…

On suit dans cet ouvrage une jeune Japonaise qui se travestit pour devenir kamikaze à la place de son frère. Aux côtés de son amour d’enfance, notre chevalier d’Eon nippon prépare son grand départ… Ouh là là suspense…

Malheureusement, aucune des thématiques traitées (genre, famille, mort) ne dépasse le niveau d’un épisode d’une série AB productions… Que de platitudes… Qu’a vraiment voulu prouver Nicole Roland ? Qu’un auteur aussi pouvait être kamikaze ? Et pourtant c’est belge. On pouvait donc s’attendre à mieux.

Une seconde lecture de ce livre (par ailleurs encensé) à venir.

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