Lu par… Bérénice

Trop positif
J’aime bien Marie-Sabine Roger, et il n’en faut pas plus à une jurée du Virilo pour faire figurer un livre à la liste des lectures de l’année. En sus d’une très jolie couverture (photographie et graphisme, les deux sont réussis, prenez-en de la graine, Anne Carrière), Les bracassées est d’une épaisseur tout à fait respectable – on a l’impression que l’autrice a travaillé – , sans citation placée en exergue – et n’est-ce pas là une forme de résistance à l’auto-satisfaction typiquement française de la rentrée littéraire ? -, et à l’exorde assez intriguant pour qu’on ait envie de continuer.
Bref, la jurée est bien disposée pour affronter la rencontre de Fleur, 76 ans, obèse, vivant avec un petit iench obèse qui s’appelle, bien sûr, Mylord, fortement agora-phobique, avec Harmonie, 26 ans, sans emploi fixe mais en couple avec un fort beau mec, fortement atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette. La narratrice est tout à tour l’une ou l’autre, qui avec son angoisse étouffante, sa manie de tout écrire dans son journal et sa passion non avouée pour un certain Fiodor Borodine, prétendument psychanalyste, qui avec ses soins qui ressemblent à des aboiements, ses insultes qui ponctuent une conversion et son désir dévorant d’être plus que ce que les autres voient.
Le ton et l’intrigue sont assez enlevés, les chapitres d’Harmonie sont ponctuées sans lourdeurs par les syndromes qui sont les siens, assez pour comprendre à la fois la douleur que ça peut être et l’irrévocabilité de la chose, ceux de Fleur, pauvre vieille, par le gâchis de 76 ans à avoir peur. Marie-Sabine Roger est assez fine pour parsemer l’ensemble d’humour.
« Freddie et Diego sont les seuls à sa foutre ouvertement de moi l’un par amour l’autre par sympathie je dis ouvertement car le reste du monde s’empresse de le faire quand j’ai le dos tourné avec autant de vigueur mais un peu moins d’estime. Je ne suis pas paranoïaque Je ne suis pas sourde non plus. Même ma mère et pourtant elle avait de l’humour la preuve elle avait réussi à trouver mon père séduisant même ma mère n’a jamais osé rire de moi et de mes parasites de ma friture sur la ligne elle n’a jamais osé rire de mon ça. »
Tout cela s’orientait gentiment vers un quatre moustaches. Chemin faisant toutefois, Harmonie et Fleur se battant pour s’élever au-dessus de ce que les autres veulent bien percevoir d’elles, les rencontres avec d’autres éclopés de la vie se produisant, la lutte pour l’indépendance de chacune tout en étant solidaire du groupe étant indéniable et réussie, un malaise s’instaurait : n’ont-elles aucune noirceur ?, la vie ne leur offrirait-elle désormais qu’estime d’elles-mêmes ?, ne se feront-elles exploiter par personne ? Pire, serait-ce un roman… feel good ? Bref, tout comme ma dernière psy, révoquée au motif qu’elle était trop bienveillante, Les bracassées ont perdu une moustache pour cause de message trop positif. Névrosés, névrosées, passez votre chemin.

Pour Fleur, Harmonie souffre d’un syndrome de Tabourette. 500 € pièce dans tous les comptoirs maritimes.
Les poilus parlent aux poilus