Lu par Bérénice

Moustache abîmée
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Je suis de celles qui ont adoré Faillir être flingué (prix Virilo 2013). Précédé par une immense réussite et possédant un titre historico-kiplingesque parfait, je me suis jetée sur Le Grand Jeu sitôt aperçu en librairie.
L’histoire tient en peu de mots : la narratrice, à la recherche d’elle-même et du dépassement, s’enferme dans la solitude la plus hostile et s’exerce au monde (après avoir tout de même acheté un gros morceau de montagne, fait hélitreuiller son nouvel habitat et acquis le nec plus ultra du matos, plus un violoncelle – sans doute un Stradivarius mais qu’importe, croyons-la lorsqu’elle précise que l’argent n’a aucune importance pour elle).
Sur ces hauteurs vertigineuses qu’elle parcourt avec l’agilité de l’écureuil, mais toujours finalement sur le même sentier, elle n’avait pas prévu la confrontation, au lieu du rien sinon elle, avec un être humain, improbable résident des mêmes hauteurs, occupant petit à petit son espace, ses sentes, ses pitons, ses refuges. La suite en trois mouvements :
Jalousie.
Rencontre ?
Jeu de la vie, jeu de la mort !
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Fig. 1 : Juré portant un regard inquiet sur la rentrée littéraire 2016
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C’est très beau, mais c’est décevant. En étant plus introspectif, c’est moins abouti, trop écrit (exercice de style, je crie ton nom), presque auto-fictif (impression laissée sans doute à tort) et en tout cas oubliable.
Céline Minard fait preuve d’une maitrise ciselée de la langue dans ses descriptions, qu’il s’agisse de l’escalade (elle qui aime tutoyer les sommets mais a, de manière incompréhensible, expressément refusé le Prix Virilo), à laquelle je ne connais rien -mais j’ai transpiré quand même-, d’un intermède potager tout plein de noms précieux et d’une efficacité contestable, ou même du violoncelle, duquel je suis plus familière (et là non plus elle n’épargne pas sa narratrice : dix minutes de Pression de Lachenmann me semblent au moins aussi épuisantes physiquement que l’ascension de son 2 871 mètres fétiche).

Fig. 2 : juré méditant à la recherche d’un accessit
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Pourtant, pourtant… on s’y ennuie. Le grand jeu de la mystérieuse nonne et de l’ermite suréquipée est-il autre chose qu’un manifeste capitalo-survivaliste?
Les poilus parlent aux poilus