Lu par… Bérénice

Solo + solo
J’ai de la sympathie pour le sujet choisi par Carol Fives. Une mère célibataire (il paraît qu’on dit solo maintenant), un père absent, disparu, qui évidemment ne verse aucune pension alimentaire, un enfant en plein terrible two, bien entendu pas de place en crèche, pas de boulot car graphiste indépendante, car pas de temps, car plus de client, car un enfant (pas très start-up nation tout ça), pas d’amis, des nuits hachées, la famille lointaine et pas franchement intéressée, des voisins à peine cordiaux : la vie de la fameuse mère, disons-le tout net, c’est vraiment la grosse lose.
Oscillant entre tentatives de socialisation, luttes vaines avec l’institution scolaire (pas de place en crèche), incompréhension et jugement des inconnus du square, la mère s’octroie, de temps à autre, une sortie le soir, montre en main, pour s’empêcher de sombrer tout à fait.
Même internet, terre d’entraide parfois, terreau fertile pour la sororité, la juge la distance. C’est l’infini du temps maternel qui s’écoule sans permettre l’espoir d’un jour meilleur.
Le sujet est féministe, et j’ai envie de m’enthousiasmer.
Arrêtez l’écriture blanche
Hélas, trois fois hélas, un sujet pertinent ne suffit pas à faire littérature. Fives recourt à une langue pauvre, accumulée de détails triviaux, et peut-être est-ce là aussi en un sens une réussite, l’aboulie intellectuelle que provoque le tête-à-tête avec un petit humain en cours de construction. Toutefois, les échappées, les entre-deux ne permettent pas d’y voir des fulgurances, une image qui émeut, un verbe qui se relève un peu ; on se lasse de l’infinitif répété à foison. En un paragraphe, par exemple, « le châssis de fer n’est plus étanche. Le colmater avec un drap. (…) Quitter au plus vite cet appartement. (…) Se faire un nouveau réseau. (…) Sortir de cette dissolution des jours et des nuits. » Et c’est comme ça tout du long. Oui, ça se lit vite, très vite. Quand ce n’est pas l’accumulation des phrases infinitif + complément, ce sont des comparaisons dont on ferait bien l’économie (CV de graphiste lyonnaise avec enfant = biographie d’acteurs de seconde zone sur Wikipedia). Quant à la facilité du recours aux discussions doctissimo intégralement retracées, il agace plus qu’il n’apporte.
Le fait divers final, cadence très imparfaite qui clôt la lancinante litanie des jours rythmée par l’oraison jaculatoire qu’est La chèvre de Monsieur Seguin, apparaît donc comme le tépide dénouement d’une chronique qui bascule vers le slimanesque.
Confronté à cette dissonance littéraire, le juré ne peut que s’interroger : Carol aurait-elle dû opter pour la FIV littéraire ?

Book de l’héroïne avant d’avoir un enfant
Les poilus parlent aux poilus