Editions de minuit
Lu par Philippe
Le destin d’une poignée d’hommes pendant la première guerre mondiale, tous villageois du même patelin, du directeur d’usine aux garçons-bouchers. Et ça tombe bien parce qu’il va y avoir des abats.
Moi mon colon celle que j’préfère…
Bon alors attends, la première guerre mondiale c’est quoi déjà ? Sur une feuille blanche, Echenoz a tracé deux grandes colonnes et s’est dit Vas-y balance tout. Weinachts in Berlin, les civils, les shrapnels, les pantalons rouges, le sang qui gicle, la mort-loterie… Et puis les gaz, l’aviation, les désertions, les amputations.. Ah, et les poux, Pétain, la boue, Verdun. On est surpris d’avoir vu défiler un tel panorama en 120 pages sans s’en rendre compte. Qualité de l’écrivain. Presque tout y est, en un condensé bref mais équilibré. Le livre parfait pour ceux qui ne connaissent rien à la guerre favorite de Brassens.
« Dès lors il a bien fallu y aller : c’est là qu’on a vraiment compris qu’on devrait se battre (…) mais, jusqu’au premier impact de projectile près de lui, Anthime n’y a pas réellement cru. »
Ah! La Grande Guerre ! Âge d’or de la moustache ! Sujet formidable mais délicat car labouré par de grandes œuvres. Echenoz évite l’écueil de se commettre dans un sous–Orages d’acier en creusant des thèmes originaux (les animaux de la guerre…), et en rendant l’horreur routinière et palpable. Certes il ne nous apprend rien, ou pas grand’ chose, mais il le fait avec justesse et il atteint son objectif : Echenoz NE VEUT PAS publier un énième opus sur l’horreur du chemin-des-dames. Il souhaite faire vivre, laisse l’imagination du lecteur combler les silences des mots (whoa). Alors il met l’écriture en sourdine.
Les limites de l’écriture lo-fi
Le style reste farouchement distancié en cassant le quatrième mur, comme pour s’excuser dès que le lyrisme ou l’épique intrinsèque à la guerre risqueraient de prendre le pas…
« Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder sur cet opéra sordide et puant ». Voilà explicité page 79 le programme délicat de ce livre paradoxal qui envoie du lourd sans en faire des tonnes.
Mais alors pourquoi suis-je déçu ? Je referme le bouquin. Une semaine après que m’en reste-t-il ? Déjà plus des masses. Le pitch nous prépare à une grande fresque des destins ; nous n’aurons que des évocations -précises- des protagonistes. Il me semble que l’auteur a conçu son œuvre sur plan, puis, soucieux de rester fidèle à son projet de finesse, aurait expédié certains sujets. A force d’en faire si peu, de rester lo-fi par ambition, Echenoz prend le risque de ne pas nous faire forte impression, au premier sens du terme. Qu’aurait valu Le Feu s’il n’avait fait que 100 pages ? C’est une vraie question.
Et de clore cette critique par la dernière (et magnifique) scène de la (non moins sublime) série Blackadder. Attention messieurs les poilus de la rentrée littéraire, c’est un classique parmi les classiques.
« Whatever your plan was, I’m sure it was better than my plan to get out of this by pretending to be mad. I mean, who would’ve noticed another madman around here?«
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Lu par Stéphane
Les poilus parlent aux poilus