Tag Archives: Laurent Gaudé

Ecoutez nos défaites, de Laurent Gaudé

23 Oct

Lu par… Stéphanie

critique4

Moustache Empire

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PREVIOUSLY IN HOMELAND…

Laurent Gaudé s’attaque à un sujet « planche savonneuse » s’il en est : « la guerre c’est mal » et « même quand on gagne on perd ». Jusqu’ici rien de neuf sous les bombes. Le livre commence comme une longue traversée du Gargano à dos mulet (référence peut-être pas assez explicite au Soleil des Scorta) et on craint un énième recours au pathos facile que recèle « la folie des hommes ».

Heureusement on comprend vite que oui « c’est mal et surtout ça fait mal…Mais ». Et ce « mais » est assez brillamment amené, grâce une très bonne idée : croiser le destin de deux agents occidentaux (ayant participé à la chute de Kadhafi ou à l’exécution de Ben Laden) avec plusieurs récits historiques menés du point de vue de guerriers victorieux ou non : Hannibal, le général Grant, ou encore Hailé Sélassié.

Ils ont gagné ou perdu, sacrifié des milliers de vies et s’en sont sortis vivants. Dans ces conditions il n’y a effectivement jamais de victoire, que des sacrifices et des pertes. Il faut donc apprendre la défaite, l’intégrer, la vivre, la sublimer (un peu comme les candidats de Top chef, avec la patate).

Tout est au présent, tout se mêle sans s’emmêler, c’est complexe et pourtant fluide et limpide. Des combattants de Daesh, des soldats romains, une archéologue irakienne, des snipers en perdition…  Alors on avance : sur des champs de mines, des cadavres, des tumeurs, des vestiges. On avance, consentant, vers la défaite.

 

kaiser

L’oeil droit, la moustache au vent

 

Mais aussi lu par… Alys

critique3

Bouc moins saillant

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Un homme part en mission rencontrer un ancien GI americain qui a pété les plombs et se livre à des trafics un peu gênants à Beyrouth. La veille de son départ, il passe la nuit avec une irakienne archéologue. Elle de son côté, part à Bagdad inaugurer le nouveau musée dans lequel seront exposées les œuvres qu’elle a mis 12 ans à retrouver. Ils tombent amoureux.

L’histoire est entrecoupée de passages de guerres de trois conflits : la bataille de Cannes par Hannibal, la guerre de Sécession et la chute de Sélassié. On comprend bien l’objet de cette construction, avec parfois jusqu’à sept narrateurs, et des histoires qui se mêlent de paragraphes en paragraphes. L’homme, face à la destruction et à la souffrance de la guerre, ne trouve la beauté et l’éternité que dans l’art et dans l’amour.

Un beau roman, bien écrit et documenté, mais que la construction rend parfois difficile à lire. D’autant plus que dans certains passages, elle est un peu artificielle.

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Pour seul cortège, de Laurent Gaudé

9 Nov

Mon empire pour un rasoir

Actes Sud

Lu par Marine

Alexandre s’est cassé le nez sur la prose de Laurent Gaudé

A chaque nouvel opus, l’œuvre de Laurent Gaudé est indéniablement en résonance avec les meilleurs de ses contemporains. Ainsi, si Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari voisine sur certains aspects avec Le soleil des Scorta (et là le Goncourt fait preuve d’une belle constance dans ses choix), la lecture de Pour seul cortège a un parfum du livre de Mathias Enard Parle-leur de bataille, de rois et d’éléphants. Il est ainsi prétexte à une langue riche, emplissant un espace spatio-temporel étroit mais qu’elle étire en dérogeant à la linéarité coutumière. La force et la faiblesse du livre sont d’ailleurs à trouver dans ce choix d’écriture.

Pour seul duvet

Il est en effet réjouissant de lire une belle langue étoffée, florissante même. Mais il est également un peu pesant de suivre une écriture qui tourne souvent au lyrisme exacerbé. Laurent Gaudé serait-il plus tragédien que les plus pompeux des tragédiens grecs ? Il est malin de montrer l’agonie d’Alexandre le Grand comme une cristallisation historique signifiante, mais il prend le risque de tirer un peu trop sur les coutures de « l’évènement » . Au final, l’impression reste que le tout rentre au chausse-pied dans un ouvrage heureusement relativement court.

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