Helen, quatre-vingts ans bien tassés, croise par hasard Franck, même âge, dans une rue de Londres. Ils ne se sont pas vus depuis quinze ans, et ont pourtant passé la majorité de leur vie ensemble. Helen profite de cette rencontre pour dire à Franck ses quatre vérités.
Helen et Franck se sont rencontrés à Rome, où leurs pères étaient respectivement consul et vice consul. Des parents désintéressés, deux grands frères violents, Helen hait sa famille et n’a que Franck comme ami. Très vite, elle part à Amsterdam et l’emmène sous son bras. Elle, elle écrit, des essais, des études. Lui, il ne fait rien. Ils grandissent ensemble, s’aiment.
« Tu n’avais pas de plan B, tu avais simplement prévu d’être un génie, tu feuilletais livre après livre pour te renseigner, te documenter, pour être un intellectuel, quelqu’un de brillant.«
Et puis un jour, à 28 ans, Franck découvre la peinture. Grâce à Helen, il devient un génie connu dans le monde entier. Helen reste à ses côtés, dans un statut à cheval entre celui de meilleure amie, de mère et de femme. Les maîtresses défilent, il tombe même amoureux, quitte l’appartement. Mais y revient pour travailler tous les jours. Helen ne dit rien, continue à être présente.
Un jour, elle tombe amoureuse de quelqu’un d’autre. Elle se marie et part aux États-Unis. Mais l’amour exceptionnel qu’elle porte à Franck la rattrape. Et elle y retourne. Elle supporte tout, les humiliations des autres femmes. Son égoïsme, son indifférence. Jusqu’au drame.
Un roman élégant et délicat sur les ressorts psychologiques d’une relation amoureuse ambivalente, complexe et destructrice.
Vas-y Francky c’est bon bon bon
NDLR : sur le même thème, nous recommandons vivement Les furies, de Lauren Groff.
On a toujours une bonne raison de se la coller au Cognac 50 ans d’âge. .
Rêve de juré
La vague, c’est la vague de Fukushima, qui a causé l’effondrement des bourses mondiales et la fin des haricots pour la propriété de cognac de Bertrand Berger Lafitte, dont les principaux clients étaient japonais. A cette vague s’ajoute la menace de se faire virer de son poste de DG, une grève des usines, une corneille qui se coince dans un tuyau, un faon qu’il renverse et manque de tuer, et sa fille qui se fait mettre en cloque par un syndicaliste.
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Alors Bertrand craque un peu. Il passe son temps avec son chauffeur, Eddy, aussi rockeur et opaque que Bertrand est classe et dépassé, dans une Mercedes classe S (beaucoup plus classe que la A apparemment). Ils roulent la nuit en fumant des joints et en écoutant de la musique classique russe, et du rap (oui, du rap).
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La plume est belle et certains instants sont décris avec beaucoup de poésie. Parfois, quand tout part en couille, la meilleure solution c’est de se la coller toute la nuit au Cognac 68 et d’aller marcher au milieu des vignes dans les odeurs du matin.
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Hélas, le pitch de la propriété de cognac séculaire rachetée par une grosse multinationale et donc sur le point de perdre son identité (et tous ses ouvriers) fait un peu téléfilm France 3 avec un Jean Rochefort fatigué. Bon auteur, mauvais sujet. On le regrette d’autant plus que l’idée lui a été soufflée, comme on le découvre dans les remerciements, par Maurice Hennessy. Vous me direz, il connaît bien le sujet.
Si vous lisez la quatrième de couverture du nouvel ouvrage d’Anne Percin,Le Premier Eté, vous allez penser qu’il s’agit d’un roman de plage, d’une gentille bluette entre adolescents des années 1980. Etienne Daho, les pantalons Naf-Naf, les tranches de quatre-quarts pour le goûter. Et c’est vrai qu’il en est question.
Si vous lisez Le Premier Eté, vous découvrirez un roman qui évoque avec finesse les minuscules grains de sable qui peuvent s’insinuer dans les rouages d’une amitié entre soeurs, ou dans une histoire d’amour naissante. Un roman qui traite de l’instant précis où le couple devient extérieur à lui-même sous le regard – parfois cruel – du monde qui l’entoure. Une version buissonnière des Fragments du discours amoureux, avec Madonna en fond musical.
Tout cela fait du Premier Eté un ouvrage drôle et touchant, à découvrir au plus vite.
D’une grande subtilité, ce roman à l’intrigue à première vue banale (amourettes estivales dans un village vosgien) décrit avec brio l’attirance des corps, la rivalité des soeurs, la pesanteur de la norme sociale, la violence et l’hypocrisie des rapports entre adolescents… Autant de sujets de fond magnifiés par une écriture d’une justesse constante, empreinte tantôt de nostalgie, tantôt de rage contenue, profondément émouvante.
Tout cela est très maîtrisé, sonne juste, et vous plonge dans le rythme turbulent et lent des vacances adolescentes. Le point d’orgue, l’émotion, y est forte, avec un je ne sais quoi d’inabouti pour autant sur l’héroïne à mon sens. On aimerait en savoir plus sur elle parfois, ce qui est après tout un signe de réussite.
Les poilus parlent aux poilus