Lu par… Bérénice

Smaug giganteus
Boum, boum, bam, boum, bam, crrrrc, ploum. Vous l’entendez, le bruit des autres livres de 2018 qui tombent de l’étagère pour faire place à celui de Justine Niogret ?
Roman à la première personne, Le syndrome du varan est magistral. La narratrice, une femme de 37 ans, livre tout à la fois son enfance, dans un cocon de parentalité destructrice et abusive, et sa lutte pour la construction et la reconstruction. Le varan, c’est cet animal antédiluvien dans lequel se dissout l’enfant, un animal dont l’inhumanité sauve, paradoxalement, son humanité à elle.
Loin du « je » facile de 90 % des romans de la rentrée littéraire, le « je » du roman de Justine Niogret est éminemment politique.
Entre une mère perverse, bête et folle, et un père pédophile, la survie physique et mentale de la narratrice, que l’on connaît pourtant puisque l’on sait que c’est une femme adulte qui écrit, une femme « qui va bien », devient un enjeu à chaque page, à chaque mot.
Pendant et après la lecture, on se sent mal, ça colle à la peau comme une gangue de boue et aux yeux comme une antique souillure. Devant cette petite fille, et toutes les autres, et tous les enfants, qui sommes-nous en tant que victime, lorsque nous l’avons été d’une façon ou d’une autre ? Et comment agissons-nous ensuite, en tant que membre d’une société dans laquelle ces enfants ?
D’une précision brutale, fignolée avec les tripes, Justine Niogret parvient à raconter comment dans un monde pourtant déjà faussé de bout en bout, tout peut encore basculer, pour le pire, et comme, aussi, on en revient.
Cette société patriarcale qui est la nôtre est torpillée de haine, à juste titre, pour l’indifférence dans laquelle elle place ces enfants au milieu d’hommes qui n’ont pour référentiel qu’eux, leur bite et leur bon droit. Cette société qui, en parallèle, fait du pardon un devoir et un passage obligé, ne peut être celle dans laquelle on veut vivre ; ce cri là est celui du Syndrome du varan.
Pour le dire simplement, ce livre m’a donné l’envie d’être l’amie d’une autrice qui sait écrire tout cela, qui sait accompagner le talent littéraire d’un propos, fort et construit, et d’écrire avec humour aussi. Mention spéciale au Bas les masques de 1995 et à Mireille Dumas qui ont marqué, sans forcément avec autant de stupidité que la mère de la narratrice, une génération de rôlistes et de GNistes.
NDLR : un.e rôliste est une personne qui joue aux jeux de rôle (l’interprétation d’un ou plusieurs personnages dans un univers donné et aux clefs définies, fréquemment autour d’une table) et un.e GNiste est une personne qui s’adonne au jeu de rôle grandeur nature, soit la même chose mais de manière extrêmement immersive, puisqu’il s’agit du jeu de personnages qui interagissent physiquement, dans un monde fictif. C’est super.

L’homme derrière le varan, pour les passionnés de Komodo.
Les poilus parlent aux poilus