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Toutes les femmes sauf une, de Maria Pourchet

27 Sep

Lu par… Alys

Baby blues

 

 

 

 

Dans une maternité, une femme vient d’accoucher. Épuisée et déprimée, elle tente d’exorciser par un long monologue destiné à sa fille nouvelle née des générations de douleur transmises par les femmes de sa famille. S’y mélangent la maltraitance des femmes pendant et après l’accouchement dans les hôpitaux français, les frustrations et violences vécues et transmises par ses ancêtres féminines, l’indifférence des hommes, tout y passe. Un discours fort, qui dégage une certaine beauté, mais qui s’use un peu à la longue au point de devenir une longue plainte aigrie un peu pénible. Comme la narratrice le dit elle-même : « La haine des femmes épargne les hommes, apprends ça. La preuve dans ces pages. Je ne suis pas au-dessus d’elles. Je suis une connasse occupée à tuer sa mère dans un livre, au lieu d’allaiter, comme si on m’attendait pour écrire Poil de Carotte« .

 

Lu aussi par… Bérénice

Après la pluie le beau temps ?

 

 

 

Quelque part dans une maternité, la pauvre narratrice est épuisée par son accouchement : un bébé a priori bien portant et un placenta, c’est du boulot (ndlr : saviez-vous qu’un placenta déplié fait environ 15 m2, soit la taille d’un grand appartement parisien ?).

Proverbes, dictons, maximes, apophtegmes, ces phrases assassines elle en a plus tant et plus en tête, presque en bouche mais presque seulement, assénées par sa mère, et la mère de sa mère avant, et les mères des autres, et les mères de leurs mères. Elle qui vient d’accoucher de sa fille Adèle (prénom littéraire 2018, suivez la hype en connaissance de cause) s’emploie à déconstruire de manière expresse, avant même de reconstruire son périnée, l’acquis de la transmission. Tuer la mère en elle qui vit, l’autre, les autres.

Depuis ce lit se détisse, on l’espère pour Adèle, l’anti-solidarité, construite dans la lutte et la défiance.

Scandées, ces phrases violentes et perverses parsèment le roman, de manière tellement régulière que c’en est étouffant. C’est pourtant lorsqu’elles se multiplient qu’il prend sa force.

« Tu n’as jamais su rester à ta place. »

« Et moi tu crois qu’on m’a félicitée ? »

« T’en montres trop. »

« Et moi, tu crois qu’on m’a laissée faire ? »

Il y avait là de belles pages de haine. On regrette les incursions dans le présent de l’accouchée, la violence psychologique dont elle tente de se défaire confrontée à la violence physique et à la maltraitance des personnels médicaux. C’est d’actualité mais mal traité, presque grossier dans le procédé, car à part surligner à très gros traits qu’on peut se reconstruire dans l’adversité, voire l’humiliation, rien ici n’est très neuf. Maria Pourchet, précédemment excellemment dotée de moustaches, semble surfer sur une vague qui n’est pas tout à fait le propos de son livre.

Enfin, le séquençage du roman, petits chapitres définis par ces phrases qui la détruisent à petit feu, mais sans lutter, depuis 35 ans, semble artificiel et coupe la lecture. La fluidité instaurée au forceps par les cinquante premières pages dégringole.

Plantez un placenta et économisez l’argent de la psychanalyse.

Avancer, de Maria Pourchet

28 Sep

Pilosité de chômeur

Éditions Gallimard

Lu par Claire

C’est pas parce que le vélo est petit que tu ne peux pas aller loin. Proverbe ouzbek.

Voilà un premier roman, #DanielPennackiffeMadameBovary, qui en envoie. Pour une fois que l’on se permet de s’amuser en lisant une œuvre de la rentrée littéraire, voire même, de souhaiter ne pas arriver – oh non ! Déjà ! – à la fin, le fait est suffisamment notable pour être noté.

Victoria, née Marie-Laure, a décidé une fois pour toutes de ne rien foutre jusqu’à ce que le destin lui tombe enfin dessus. En attendant, glandons sur le balcon.

«Mettons Victoria, mettons même Marie-Laure, diplômée du supérieur, engourdie au balcon, faute d’échéances. Mettons faible personnage paralysé par la trouille, obscure, de devenir la Bovary et celle, téléphonée, de devenir sa mère. »

Victoria vit aux crochets de son compagnon et ancien professeur de sociologie, un dénommé Marc-Ange affublé de jumeaux d’un premier mariage, le Petit, dix ans, puits de science à nœud papillon, et sa sœur, montagne de sottise. Faut bien que les choses s’équilibrent.

« Pour le dire poliment, la pauvre incarne toute la cruauté du principe gémellaire : il y en a toujours un qui atterrit loin du pommier, c’est statistique. »

Bref, Victoria finit par toucher le fond du trou (au sens propre et figuré, les lecteurs comprendront) sans perdre un flegme que des amateurs de black tea pourraient lui envier, avant de remonter à la surface en brasse coulée et de se rendre compte que brutalement, ça y est, elle avance.

« Vers 23h30, minuit, ramollie par les vapeurs de fromage fondu, la condition humaine chez Victoria accepte l’idée d’un retour durable dans la bourgeoisie provisoire. Selon certaines dispositions. – Annonce ! hurle le Petit en balançant son verre. »

Vers le prix virilo?

C’est dit, j’ose, je me lance, j’octroie cinq moustaches à Avancer de Maria Pourchet. Explications.

–      Parce que ce livre, c’est moi qui aurais dû l’écrire, mais que je suis bonne joueuse.

–    Parce que si on a pu couronner l’écriture conceptuello-alambiquée d’Eric Chevillard, on peut bien récompenser l’année suivante la légèreté et la drôlerie de l’être. C’est la crise, merde.

–    Parce que sans construction trop apparente, parce que sans usage débordant de figures de styles germanopratines, parce que vivacité et simplicité d’écriture, parce que c’est lisible et même agréablement lu, parce que je peux, parce que. Na.

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