Editions de l’Olivier
Lu par Philippe
Quand on se tape une rentrée littéraire, on lit beaucoup de romans, de livres, … pardon, de créations textuelles d’autofiction. Hélas, en général c’est mauvais : quant-à-soi, anecdotisme et name-dropping gratuit pour le fond ; pour la forme, le tour-de-force d’une écriture à la fois blanche et prétentieuse. Bref l’ennui commun, la maladie d’octobre : l’écriture glabre.

Miracle : Un juré te tend le livre d’Ariel. Prends-le, mange la vie, parle aux comètes et aime l’amour
Sarkozy, So 2011…
Alors quand on a la chance de tomber sur un miracle, on le souligne. Ici, l’autofiction semble légitime. Il faut dire que l’anecdote proposée par l’auteur vaut bien un pitch : Une amie d’enfance montre à Ariel des photos du fils de Sarkozy, aka DJ Mosey, producteur de rap. Elles témoignent d’un voyage jet set en Amérique du Sud. Là-bas, le petit survécut –miraculeusement selon quelques journaux- à un glissement de terrain. S’en suit une enquête virtuelle et une tentative de vente de clichés à des magazines.
Des clichés, il y en a quelques uns dans « Le Miracle », mais on les excuse à un auteur qui cède rarement à la facilité. Du reste, on pourra toujours nous répondre « En même temps c’est la vérité, ça s’est passé comme ça ». Pour la critique, cette phrase est la barricade, c’est à dire tout à la fois la défense et la limite de l’auto-fiction. Admettons cette contingence.
AlleLOLuia
Le jeu en vaut la chandelle car l’auteur nous offre des visions précieuses et des analyses précises sur le thème des images, et la révolution technique qui les porte, Internet. Il est rare de lire un écrivain qui parle du présent avec justesse et profondeur, profitons-en. Le style sans fioriture, que d’aucun qualifieront « d’économe », a le mérite de laisser cette impression d’objectivité tout en gardant une vraie fraîcheur dans la frappe. Car c’est un livre qui dénonce grave : La médiocrité, la culture égotique, les dominants, les représentations… L’écriture est blanche comme les phalanges d’un homme en colère.
Plus que le style, la construction est à souligner, cohérente et rythmée malgré la « mollesse » de l’histoire. L’anecdote autofictionnelle – « Ma mère avait laissé un message, sa voiture passait bientôt le contrôle technique, il fallait que je la dépanne d’une petite somme… » – qui d’habitude ramène un bouquin au stade du tri sélectif, sert ici le propos de l’auteur.
King Kenig Theory
Reste que l‘ensemble est assez théorisant. Il est délicat de parler de l’histoire, car elle déçoit et se termine comme elle est apparue : brusquement. Elle n’est clairement qu’un pretexte à une sorte de chronique analytique de notre temps, avec moins de romanesque que chez Houellebecq ou Despentes. C’est peut-être ce manque qui est vraiment préjudiciable. Ce choix d’auteur est alourdi par des grilles d’analyse de sciences sociales qui assomment les phrases. Le rendu est trop didactique, alors que la construction permettait de se passer d’enclumes telles que les « Logique de reproduction« , « blessures sociales » et autres « transgressions de classe« … Peut-être aurions nous préféré un livre qui donne à voir (comme il sait le faire par moments) plus qu’il n’explique et ne théorise brillamment mais sans finesse.
Bref, c’est un livre précieux pour ses fulgurances et ses propos annonciateurs d’une littérature enfin à la page… Mais l’arrière-goût d’oeuvre manquée me fait maugréer à nouveau dans ma moustache : L’auto c’est bien, la fiction c’est mieux.
Les poilus parlent aux poilus