Albin Michel
Lu par Paul
Y a-t-il quelque chose à sauver dans ce nouvel ouvrage d’Eric Neuhoff ? La couverture, peut-être, pour les amateurs de gros chiens ?
L’odeur de la femme adultère
Lire Mufle est très agaçant, d’abord parce qu’on est persuadé de tenir le « Trop Virilo » de l’année entre ses mains. Une sombre histoire d’adultère, un titre qui en laisse entendre beaucoup, un narrateur qui jure de se venger de sa femme et au passage nous assène quelques belles trouvailles :
« Les femmes qui vous trompent ne sentent plus pareil. Elles traînent après elles des relents d’arrière-cour, d’épluchures, de faux-semblants ». (p 16)
« Qu’avait-elle en tête ? Des rêves de boniche, des fantasmes puérils, des chimères de ménopausée » (p. 71)
On a envie de lui dire vas-y coco, lâche les coups. On y croit. On a envie de le voir se défouler 200 pages durant contre la gent féminine, qui n’en avait peut-être pas tant demandé, et remporter le Prix Trop Virilo au terme d’un feu d’artifice de testostérone.
Dépucelage marmoréen
Mais au lieu de ça, Mufle est un roman qui fait pschitt. Une fois ces deux ou trois débordements passés, le narrateur se complaît dans un long gémissement digne de la bibliothèque rose. Certes, il passe bien par une petite crise existentielle (« Devait-il à son tour se comporter comme une merde? »), mais rien en tout cas qui permette de décrocher un prix de machisme littéraire, ni accessoirement de retenir l’attention du lecteur.
Mais là où lire Mufle devient extrêmement, et je dis bien extrêmement agaçant, c’est lorsque l’on constate que l’auteur avait en fait bien plus d’ambition que celle de remporter un prix pastiche et postiche.
1) Il avait l’ambition d’être le nouveau Flaubert :
« Il voyagea. A Berlin, il s’ennuya. Il y avait plein d’Allemands et le zoo était en travaux. […] A Capri, une mouette s’était posée sur la piscine. […] A Belgrade, les nouveaux riches sifflaient un cocktail Coca-cola champagne. Dans les rues, pas un noir ni un Arabe. Encore des vacances de merde. » (page 85)
2) Ou une sorte de Nicolas Bouvier, qui sait :
« A Venise, elle avait embrassé un type devant chaque église. [..]
A Marrakech, un producteur de télévision l’avait invitée à partager sa suite de la Mamounia […]
A Delhi, elle avait dépucelé le fils d’un maharadjah. La chose s’était passée à même le marbre d’un palais. » (page 40)
Arrive fatalement un moment où le lecteur s’intéresse moins au récit qu’aux mille et uns morceaux de bravoure qui le jalonnent. On finit par lire Mufle comme on lirait des brèves de comptoir, en ouvrant au hasard et en lisant à voix haute pour faire rire ses petits camarades.
Bref, un ouvrage à déconseiller absolument.
Les poilus parlent aux poilus