Tag Archives: NRF

Transparence, de Marc Dugain

1 Oct

Lu par… Gaël

Moustache Jeanne Calment

 

 

 

 

En 2068, une femme entre deux âges, installée en Islande, monte une start up avec l’objectif de réussir à atteindre la vie éternelle. Elle y parvient, dame le pion à Google, rachète la moitié de l’économie mondiale, devient une sorte de gourou et est reçue par tous les grands de ce monde.

Humour de start-up (ne se retrouve pas dans le livre, quel dommage)

Voilà, en deux lignes, l’intrigue. Mais en fait vous savez tout, le roman n’a pas plus d’idées que ça, en dehors de deux mauvaises pirouettes enchâssées l’une dans l’autre aux dix dernières pages, qui achèvent de mettre tout l’édifice par terre en le dégonflant (je vous laisse imaginer les contorsions qu’implique ce procédé littéraire, et vous épargne lesdites pirouettes au cas vous liriez ce livre ; il n’y a pas beaucoup de surprises, je ne vais pas vous les gâcher). Pour meubler les deux-cents pages, l’héroïne (ou l’auteur, allez savoir, avec toutes ces incroyables pirouettes) nous inflige une série de diatribes téléphonées et convenues. Chaque chapitre correspond ainsi à l’invitation par un grand de
ce monde, auquel la toute puissante prophétesse se sent libre de délivrer ses quatre vérités. On a ainsi droit à des discours prétentieux sur l’état du monde, les conséquences de la révolution numérique qui rend les rapports humains superficiels, l’égoïsme des Etats-Unis de Donald Trump (cinquante ans après elle n’a toujours pas digéré son élection), la vacuité du projet transhumaniste de Google, et enfin l’église catholique. Le tout est assaisonné des citations favorites de Marc Dugain, de Camus à … .

Voilà, c’est très ennuyeux. Il y a de très bons livres d’anticipation qui ont raconté tout ça beaucoup mieux, écrits par des gens qui ont réfléchi à ces sujets mais également à la manière dont on peut raconter une histoire intéressante. Leur grand avantage, c’est qu’on y est touchés et émus et qu’il en vous en restera plus que de cette compilation d’éditoriaux réactionnaires (car le grand malheur de ce livre, c’est qu’en étant d’accord au fond avec beaucoup d’analyses, en le refermant j’ai l’impression d’avoir passé une après-midi avec un nonagénaire aigri).

Une leçon de vie

L’homme qui s’envola, d’Antoine Bello

9 Oct

Lu par…Bérénice

Pas le temps de se laisser pousser la moustache

 

 

 

 

On savait qu’Antoine Bello était un fervent défenseur de l’entreprenariat et un peu je-m’en-foutiste. Ses tomes 2 et 3 de la trilogie du néanmoins très bon Les Falsificateurs nous avaient assez éclairé là-dessus.

Quid de l’homme qui s’envola ?

Il s’appelle Walker et il est très frustré, parce qu’il est riche (il a plus ou moins hérité de l’entreprise de beau-papa et l’a faite décoller), c’est un self-made et business man de génie (son entreprise fait de la livraison de colis et il sait décrocher un marché comme la petite vérole sait trouver le bas-clergé), il a une très belle femme, deux chouettes enfants, un entourage qui l’apprécie (mais ça on ne sait pas trop pourquoi), un petit avion qu’il pilote pour son plaisir et ses rendez-vous (ça se passe dans un futur pas trop lointain). Walker, donc, est frustré, parce qu’il voudrait du temps, et comme il est doué il fait tout très vite, mais comme il a une vie avec un travail, une famille et des amis, son agenda se remplit, et donc il n’a plus de temps.

Pourquoi veut-il du temps ? ON NE SAIT PAS. Pas pour passer du temps en famille dans sa maison sur la côte (il la déteste, le jour de la signature de la vente il a dit à sa femme qu’il n’en voulait pas puis il a signé, parce que depuis il faut réfléchir sur la couleur du crépi et ça lui fait perdre du temps, alors que, Walky, il suffisait de dire à ta femme veto sur le crépi, c’est immonde, gardons les pierres apparentes). Pas pour passer du temps avec ses enfants (il faut les écouter réciter des poésies ou pire, aller à leur spectacle de théâtre et leurs matches de football). Pas pour passer du temps avec se femme (elle parle de plein de trucs inutiles). Pas pour avoir une activité philanthropique dans la fondation créée par sa femme (il n’en a rien à foutre). Pas pour se projeter dans une vie confortable dans quelques années (il angoisse déjà à l’idée de tout le temps perdu au mariage de ses enfants et au baptême de ses petits-enfants). Pas pour développer de nouveaux marchés (comme il est trop fort il sait vraiment tout faire mais tout le monde se repose sur lui et après il va encore devoir faire un powerpoint) (et là, Walker, je te comprends).

C’EST TERRIBLE. Cet homme d’une vacuité intense décide donc de disparaître, car il n’est pas capable d’affronter cette vie. Il organise un crash dans une haute chaîne de montagne, se foire un peu sur l’atterrissage en parachute et boîte dans les bois. Ensuite il rejoint tout de même une ville et va à la pharmacie. C’est l’anti John Rambo, ce héros est d’un ridicule achevé.

Une assurance-vie sur sa tête au sein de sa boîte valant 30 M€, l’assurance qui engage un détective (on dit skip-tracker aux US parce que ça fait plus moderne). Le détective sent vite qu’il y a anguille sous roche et le découvre assez vite, parce que Walker a voulu fuir mais pas trop loin puisque seuls les Etats-Unis sont en mesure de lui apporter cette formidable sensation de liberté qu’il recherche.

Je vous la fais brève mais ensuite c’est l’histoire de il sait que je sais qu’il sait que je sais, et le détective se tape la femme de Walker et le laisse filer car un si grand souffle d’indépendance ne saurait être tari. A la fin, le détective et l’ex-femme de Walker le croisent dans un aéroport, il est pressé, on ne sait pas où il va mais il a l’air déterminé, ils se sourient, tout le monde est en paix.

Tout est ridicule dans ce livre, à commencer par la fascination de son auteur pour Ayn Rand, fascination qui sourd à chaque ligne. Walker est ridicule, on a envie de le secouer et de dire à sa meuf de le plaquer, l’histoire est ridicule (avec des dizaines de milliers de dollars à sa disposition, Walker échappe au détective mais ne fait tout de même rien de sa nouvelle vie puisqu’il passe son temps à prendre le bus pour changer de ville et à demander à des inconnus de payer en liquide une chambre dans des motels miteux), la chute est ridicule, le fait que la compagnie d’assurance ne se dise pas qu’il y a peut-être un problème à ce que le détective payé fort cher déclare Walky mort et s’installe avec madame est ridicule. Ne lisez pas ce livre, ne l’empruntez pas, il souillera votre âme, ne l’achetez pas, économisez 20 €.

 

Ce que je conseille de faire avec ce livre.

Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos

5 Oct

Lu par… Bérénice

ZERO MOUSTACHE dans mon cœur ! Mais de qui se moque-t-on !!

ZERO MOUSTACHE dans mon cœur ! Mais de qui se moque-t-on !!

 

 

 

 

« J’ai eu le prix Goncourt des lycéens ! Génial ! Mais bon, 450 000 exemplaires vendus, bien mais pas top. Si je faisais mieux, en m’inspirant vaguement d’un autre Goncourt des lycéens… La vérité sur l’affaire Harry Québert, tiens, c’était pas mal ce truc, ça avait plu à ma mère, à mes voisins, ça tapait large, tout le monde l’a lu. 1 500 000 exemplaires en français, tout de même, ça doit être cette histoire de livre retrouvé, pas de raison que moi aussi je ne fasse pas un truc à ma sauce avec cette base. Et puis on verra que, moi, j’ai des lettres ! Ce sera malin, ce sera gourmand… »

_ Extrait d’un monologue intérieur  de David Foenkinos, 6 mois après la publication de Charlotte.

Foenkinos nous raconte une histoire que je trouve trop ennuyeuse pour en faire un vrai résumé : un libraire breton (les noms en –ec ça fait à la fois chic et terroir), sis à Crozon, Finistère (ça c’est dégueulasse, parce que Crozon c’est vraiment joli et ça ne mérite pas d’être sali par association) s’inspire de Brautigan (« la Beat generation, c’est in, j’aurais l’air jeune », David F.) en créant dans un coin de sa bibliothèque un rayon des livres refusés à la publication. Couic, il meurt. Delphine on ne sait plus comment, éditrice talentueuse, jeune et visionnaire, en avance sur son époque, bref, un personnage chiant, sort avec un autre personnage chiant, Frédéric machin (on s’en fout, il est vraiment chiant), un de ses auteurs jeunes et talentueux mais incompris , son premier roman a fait un flop, ahlàlà qu’est-ce que c’est injuste le succès des autres quand on leur est supérieur, incompris, disais-je, donc ombrageux, et se comportant comme s’il avait douze ans, mais c’est normal c’est un auteur. A l’occasion de vacances familiales chiantes, ils découvrent dans ladite bibliothèque un manuscrit, que dis-je, un chef-d’œuvre, une pépite, Les dernières heures d’une histoire d’amour (ça raconte les dernières heures d’une histoire d’amour entrelacées du récit de l’agonie de Pouchkine, c’est subtil, ça veut sans doute nous dire qu’il faut changer peu de lettres au mot « amour » pour passer à « mort »). Et alors là, tenez-vous bien, c’est écrit par un mystérieux inconnu, Henri Pick, feu le pizzaïolo taciturne de Crozon, qui ne lisait jamais mais voilà, ahlàlà qui sait ce qui peut se passer dans la tête des gens.

Si vous pensez ce que j’ai pensé à cet instant là, sachez que vous avez raison et que comme vous n’êtes qu’au quart du livre mieux vaut s’arrêter là.

Bon, ensuite il se passe des trucs pendant plein de pages mais tout est chiant.

On va tout de suite distribuer le bon point : Foenkinos nous épargne, contrairement à Joël Dicker, les extraits dudit chef-d’œuvre qui prouveraient que, WOW, stupéfiant, mieux que tout ce qui a été écrit dans le monde jusqu’à présent.

Mais. David, permets-moi de t’appeler David. Stop. Arrête. On a compris. Tu te fais du mal. Et si, d’aventure, tu te faisais tout de même du bien, une chose est sûre : tu nous fais du mal.

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Juré qui souffre

David se croit très intelligent et cultivé. Comme il est subtil, il fait de petites références aux choses intelligentes qu’il écrit. A la 6e page, le libraire en –ec regrette de ne pas avoir de collègue capable de disserter sur l’usage des points de suspension chez Céline. Devinez avec quoi David ponctue tous ses dialogues et par quoi il les finit :

  1. Un petit smiley qui vomit ;
  2. Une insulte ;
  3. Une insulte pour l’intelligence du lecteur (des points de suspension).

Comme son texte est subtil, il se commente. De ça, de là, des notes de bas de page surgissent. Soit pour y développer des aphorismes dignes des plus grands Marc Levy (il ne faut jamais espérer lire la vérité dans le regard de quiconque, compris ?), soit pour se commenter lui-même, car pourquoi pas, il sera peut-être un jour au programme du bac de français, soit pour y caser ce qu’il n’a pas pu mettre dans le corps du roman, parce qu’il écrit mal.

David a de l’érudition. La preuve, il nous explique en une page et demie qui est Vivian Maïer (au cas où on loupe la référence de la phrase précédente, ça serait trop bête et puis c’est sympa, ça remplit, c’est en italique, c’est joli). Ciel que c’est lourd, toutes ces références qui veulent sans doute dénoncer un milieu, une époque.

David connaît le monde de l’édition et de la cause littéraire. La jeune éditrice ambitieuse est chez Grasset. Il y a plein de noms, et puis aussi on raconte les réunions, oh et tant qu’à faire si on glissait Augustin Trapenard là-dedans, après tout c’est cultivé, et puis aussi Ouest France, au moins ça leur fera plaisir, ils en parleront. Tout est élogieux pour tout le monde, c’est facile à retenir. Grasset ne publie que des chefs-d’œuvre, même quand le monde ne les reconnaît pas.

David est très cultivé et connaît le monde de l’édition. Comment justifier la publication d’un livre refusé à l’édition ? Citer Proust et Gide, pardi !  Bien écrire noir sur banc que Gide s’en est mordu les doigts avant de se rattraper. Je t’arrête tout de suite, David, tu es chez Gallimard et ça prouve juste qu’ils font des conneries dans l’autre sens aussi. Mais non, David ne s’arrête pas. Il met en note de bas de page la raison pour laquelle Gide avait refusé Proust : l’exemple d’une formulation jugée maladroite. Et là, David donne son avis (« magnifique image »). Merci David, sans toi je n’aurais su qu’en penser. J’aurais sans doute trouvé Proust maladroit, parce que tu l’avais écrit ! Ouf ! En revanche, ça ne t’excuse pas pour toutes ces images et métaphores sans queue ni tête dont tu nous assommes. Les mots ont un sens et, par exemple, « elle s’accrocha à lui démesurément », c’est nul.

Last but not least, David a des fantasmes. Des histoires de doigts, surtout, qui font pas mal d’effet, mais aussi celui de l’éditrice qui couche avec son auteur. Des histoires de lit vierge et de fellation au réveil, rien n’est excitant là-dedans mais on sent que pour David c’est chaud chaud chaud.

Las ! Soit c’est un génie de l’ironie (mais trop loin pour moi), soit, et il faut s’y résigner, c’est Marc Levy avec des prétentions littéraires et publié à la NRF.

Achetez ce livre si vous aimez vous ennuyer en compagnie de quelqu’un qui n’arrête pas de parler pour vous prouver qu’il est vraiment très intelligent, un peu comme ce collègue relou avec qui vous déjeunez une fois par an en regardant votre montre discrètement et en souriant d’un air poli, mais en moins intéressant.

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