Lu par Bérénice
Il faut beaucoup de courage pour s’attaquer à l’adaptation d’un monument littéraire, mais aussi beaucoup de talent.
L’un des deux manque ici.
Ce livre est une vraie merde.
Il faut l’entendre comme un compliment. Faire de la merde le personnage principal d’un roman, personne n’avait encore osé. Thomas Hairmont a l’audace de le faire dans un premier roman.
Un étudiant en mathématiques, Français vivant à New York, promis à un avenir brillant intègre une chaire dans une Université de Californie. Ennui et rejet de la société l’amènent un découvrir un plaisir bien enfoui en lui : celui de son caca. Odeur, toucher… D’abord solitaire, le plaisir devient collectif à mesure que notre merdeux rencontre d’autres coprophiles.
Puisque comme le sexe, l’étrange dérange, mieux vaut prévenir que 70% du livre est composé
de ceci : « Je sentais le poids et la viscosité de l’étron qui se transvasait de mon abdomen à son œsophage. Les doigts de Sonia tripotaient mes testicules tandis que ses lèvres ventousaient mon anus, affamées, jamais rassasiées. Il n’y avait rien de plus excitant que de lâcher toute ma matière interne, nauséabonde, dans la gorge en feu de Sonia. Je savais qu’elle la déglutirait avec passion (…). Et le lendemain cela serait mon tour de happer goulûment le magma marron craché par son cul, la même matière que j’avais délivrée en elle la veille, mais enrichie d’une deuxième course nocturne dans ses organes digestifs. »
Les discussions seront nombreuses au sein du jury du Prix Trop Virilo, écrire un torche-cul immonde suffit-il à accéder au titre suprême ? Je lui souhaite, en tout cas, tant « Le Coprophile » est à la merde ce que « Enculée » de Pierre Bisiou (Prix Trop Virilo 2008) est à la sodomie : une apologie, extrêmement bien écrite qui se lit comme on pose un étron après un après-midi de retenue : la répugnance des scènes est enjolivée par la fluidité de la lecture.
Plus d’informations sur l’auteur : visitez la page dédiée sur l’excellent site de son éditeur, P.O.L.
Editions P.O.L.
Lu par Xavier
De ce livre, on ne retiendra que l’interview alléchante de l’auteur dans les Inrocks où il explique sa démarche. En abordant son sujet, l’étude des déambulations de Britney Spears dans Los Angeles, par l’absurde – se mettre dans la peau d’un agent secret enquetant sur une menace de mort pesant sur Britney Spears – Jean Rolin perd son lecteur. D’une part, parce qu’il néglige trop souvent son sujet, et lui préfère les faits et gestes d’une autre people, Lindsay Lohan. D’autre part, en faisant raconter son récit par l’agent secret désormais envoyé à la frontière du Tadjikistan et de la Chine dont il nous abreuve de détails aussi inutiles que chiants.
Seuls intérêts du livre : les déambulations de l’auteur (qui pour le coup a du mal à se cacher derrière son personnage) dans Los Angeles, et les paparazzi, à la psychologie moins futile que celle de leur travail. Le problème : ces deux intérets sont bien mieux mis en valeur en interview que dans le livre… raté, donc.
POL
Lu par Marine
Osons la parodie de titre bien lourde : la vie est brève et cette histoire sans fin. Que dire. Hormis l’habituel, c’est bien écrit (c’est déjà pas mal). Une femme valse entre deux hommes (et une femme) entre deux pays. On l’attend, on en souffre, on est dépendant d’elle, on revit en sa présence, on commence à souffrir de sa présence. Comme n’importe quel cycle de dépendance à une drogue dure : découverte enthousiaste, premiers manques, souffrance chronique… jusqu’à la délivrance par le sevrage ou la mort. Voilà, l’histoire est racontée de bout en bout. Sauf qu’en vrai, elle s’étire sur de nombreuses pages. En conséquence, beaucoup de lecture en transversal. Un peu d’agacement. On attend que le tout décolle. Et non. Désolée pour toutes les critiques louangeuses qui ont salué sa sortie, mais qu’est-ce qu’on s’emmerde avec ce bouquin !
P.O.L.
Lu par Marine
Autant le dire tout de suite, j’ai beaucoup beaucoup aimé. Et je ne suis pas la seule si on considère les critiques déjà parues et son tout récent prix France Culture – Télérama. Le sujet (le petit monde des centrales nucléaires et ses ouvriers en combinaison blanche) n’a rien de sexy pourtant. Mais ce roman inclassable est épatant par l’atmosphère qui y est rendue. Pas de pathos, de la poésie, un sentiment d’irréel qui place les personnages hors du temps… Mais je n’en dis pas plus pour vous conserver la saveur de le découvrir vous-même !
P.O.L.
Lu par Paul
Quelque part dans la France des années 1980, un enfant de banlieue quitte ses parents pour venir s’installer chez un vieux professeur de médecine. Ensemble (c’est tout), ils vivent une vie pleine de joies et de peines.
Cette petite fable des temps modernes est assez agréable à lire et trouvera facilement sa place dans les rêveries d’un dimanche après-midi. Elle ne laissera cependant pas de souvenir impérissable.
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Lu par Stéphane
C’est un roman très court racontant l’histoire d’un jeune adolescent d’origine algérienne qui refuse de suivre ses parents, lorsque ces derniers décident de quitter la France pour vivre en Kabylie.
Il fugue et est recueilli par un médecin assez âgé, qui va l’héberger. S’ensuit une description de la relation entre ces deux personnages « que tout oppose » (suivant la formule consacrée) et de la façon dont chacun s’ouvre progressivement à l’autre.
Rien de révolutionnaire a priori, et pourtant j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, pour une raison simple: c’est écrit avec beaucoup de retenue et de justesse, avec des phrases courtes et simples qui donnent un rythme lancinant à la narration. C’est doux, on dirait une berceuse.
Pas mièvre du tout, pas cynique pour autant.
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Lu par Nicolas
Un livre trop court pour un prix trop grand.
Sans mièvrerie, avec une certaine poésie, Célia Houdart livre un conte aérien, hors du temps grâce à une écriture rythmée, qui effleure mais manque parfois d’audace. De ces vies qui se croisent – celle de Bilal et de Wilms mais aussi « des autres », abordées par touches (Hervé, le photographe, Iris, les enfants du professeur) – se dégagent une simplicité, une douce légèreté.
Il est pourtant vrai que les 120 pages de ce roman ne suffisent pas à marquer durablement le lecteur, émerveillé mais impitoyable.
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Lu par Marine
Ecriture lumineuse et efficace, sans pathos, alors même que l’histoire développée aurait facilement pu tomber dans le mélo (un petit garçon décide de se faire adopter par un professeur de médecine le jour où ses parents décident, eux, de repartir avec toute la famille au bled). La trame n’a rien de réel mais tout semble si vrai… Ceci est certainement un des romans de la rentrée que je conseillerais le plus vivement.
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Lu par Bertrand
Si le projet de Houdart était de nous raconter une fable, je suis passé à côté. Quant au récit, l’histoire est trop incohérente pour que j’y adhère et que je m’attache au destin des personnages. Mais j’ai peut-être raté ma lecture. En tout cas, je vous donne la quatrième de couverture, comme une mise en garde : « Le jeune Bilal s’enfuit d’un aéroport. Il est pris de vertiges. Un médecin parisien chez qui il a élu domicile se demande quoi faire de lui. Un an et demi plus tard, on retrouve l’enfant heureux dans un cerisier ».
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Lu par Thomas
Rien à ajouter à la lecture des autres critiques. Un récit agréable proche du monde merveilleux de Disney.
P.O.L.
Lu par Paul
Les lecteurs de L’ Adversaire se souviennent vaguement d’un roman construit sur le mode du reportage. Une série de témoignages des (rares) personnes ayant survécu à la folie meurtrière de Jean-Claude Romand, emballée dans un style journalistique simple et élégant. On y trouvait de l’horreur mais pas trop, un voyeurisme qui restait décent, et d’intéressantes réflexions sur la monstruosité de la petite bourgeoisie de province (vue dans l’oeil d’un grand bourgeois parisien). Bref ce fut un succès.
Dans D’autres vies que la mienne, Carrère ressort à peu près les mêmes ficelles. Cette fois-ci il va à la rencontre de vrais gentils, de gens du peuple qui souffrent vraiment et qui s’aiment vraiment. De cancers en tsunami, l’auteur se veut le témoin de l’héroïsme ordinaire de ceux qui d’habitude ne deviennent pas des personnages de roman, tout en se demandant si un jour il osera leur ressembler.
Présenté comme une « commande » (voir la 4e de couv’), on sent par endroits poindre le narcissisme d’un auteur-narrateur qui écrit traditionnellement à la première personne. Carrère en ce sens reste fidèle à sa réputation et frise presque l’incorrection lorsqu’il fait référence à l’histoire de Jean-Claude Romand à cinq, six, sept reprises (j’ai arrêté de compter mais vous pouvez prendre la suite). L’ombre d’un tueur en série plane sur une histoire d’amour véritable entre honnêtes gens, et j’ai personnellement vu des autopromotions qui étaient un peu plus appropriées.
Néanmoins, comme pour L’ Adversaire, Carrère mise tout sur l’intensité des sentiments et des relations qu’il décrit. Il en tire des réflexions pas trop téléphonées sur l’ordre social français, la psychanalyse, la vie de couple. Le livre se lit avec plaisir et intérêt, et on se surprend à s’intéresser à la destinée tragique de ces anonymes. En bref, Carrère fait pleurer dans les chaumières mais il le fait honnêtement.
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Lu par François H-L
Emmanuel Carrère propose avec le roman d’autres vies que la mienne une nouvelle forme d’autofiction ; l’autofiction modeste. Il est tout de même incroyable qu’un auteur choisisse pour titre une forme d’avertissement alors même que ce que le lecteur vient chercher dans un roman c’est d’autre vie que la sienne ou que celle de l’auteur !
Passé cet énervement initial reste un roman de facture plutôt honnête et d’une profonde sensibilité. C’est bien l’humanité qui sauve cet ouvrage, l’humanité de ceux qui se retrouvent confrontés au pire : la misère extraordinaire (après le tsunami de Noël 2006) ou la misère ordinaire (celle de la maladie ou du surendettement). Le style est clair est bien senti ; il s’agit de mener une sorte d’enquête, le style journalistique, volontairement dépouillé s’impose. La tentation du pathos est soigneusement écartée et la profondeur des échanges de l’auteur avec ces autres vies emporte.
On referme ce roman avec une sensation contrastée, la noirceur ne va jamais sans un réel optimisme, celui des vies qui vont, simples, quotidiennes, touchantes. Si l’émotion est réelle, elle le dispute à l’agacement.
P.O.L.
Une bande de jeunes sans but dans le Jura. L’ennui des communautés urbaines-mais-pas-trop. Avec une pointe de surréalisme.
« Il y a un peu de Boris Vian dans le surréalisme des symptômes touchant les personnages. Mais ce n’est rien. Le style accapart toute l’attention aux premières lignes. Le narrateur, un des membres de la bande, fait ainsi découvrir au lecteur la langue « des jeunes gens ». L’intérêt principal du bouquin réside dans ce point de vue étrange, utilisé avec pugnacité et brio : Le narrateur alterne passage ahurissant, et marche tranquille comme si tout allait de soi. Ellipses, hiérarchie des thèmes bouleversée, nous sommes en terre étrangère : celle de l’esprit du héros… Certains seront perdus, d’autres ravis d’être ainsi totalement plongés dans la tête de « P’tit Lion ». Il peut être frustrant de n’avoir que rarement un vrai confort de lecture, avec une bonne description à l’ancienne, mais le jeu en vaut la chandelle, tant le périlleux exercice est réussi. On aurait tort de penser que le style est seulement un « j’écris comme j’t’entends ». Au delà des rimes internes parfois surfaites se cachent un gros travail d’écriture, travail que Pierric Bailly a eu le tact de ne pas trop déballer à l’aide des gadgets que le genre pourtant appelle. Un regret cependant : pas une moustache à l’horizon alors que nous sommes à la campagne… Dernière page tournée, on se rend compte que l’on tient là un des livres les plus neufs de la rentrée. C’est déjà beaucoup. Un livre ciselé sur une table marron en formica, mais ciselé tout de même. »
» Ambitieux comme un premier roman sait parfois l’être, Polichinelle est un véritable exercice de style. Loin de se cantonner à utiliser un langage de « d’jeun’s » comme on peut le lire parfois, l’auteur développe à partir de cette base imagée un style encore plus créatif. Certaines expressions et symboles semblent avoir des définitions mouvantes, et Pierric Bailly paraît bien s’amuser.
La lecture n’est jamais facile, mais stimulante car elle sollicite sans cesse une imagination fertile du lecteur. Passé les premiers efforts qui pourront rebuter, tout cela est assez jouissif.
Le propos est en accord avec cet important jeu sur les mots. Il s’emploie à rendre compte de l’existence d’un groupe de jeunes qui habitent une petite commune du Jura. L’ennui jusqu’à l’absurde où la vacuité est le seul quotidien disponible.
Le récit d’ailleurs glisse progressivement vers le néant. On se rend compte alors qu’il ne s’agit pas d’un roman réaliste, la langue utilisée se fait de plus en plus libre. Les éléments extraordinaires prennent l’avantage, les proportions s’inversent, la morale disparaît pour laisser libre des héros que l’on est pas certain de comprendre tout à fait. Et un final dont je ne dirais plus rien. Comme on dit à l’âge des personnages, « ça part en vrilles ». C’est une prouesse que de donner au lecteur à vivre ces vrilles. » M.Z.
Les poilus parlent aux poilus