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Au grand lavoir, de Sophie Daull

25 Oct

Lu par… Alys

En 2015, on avait déjà mis une moustache

 

 

 

 

Attention, pitch de programme TV du dimanche soir : un ex-taulard devenu jardinier aux Espaces verts de Nogent-le-Rotrou, voit un soir aux infos que la fille de la femme qu’il a violée et assassinée (à cause de quoi il a passé 18 ans en taule) a écrit un livre sur le sujet, et qu’elle vient bientôt faire une dédicace dans son (Ro)trou.
La suite s’enchaîne avec un compte à rebours jusqu’à la dédicace, avec points de vue alternés des deux personnages. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Sophie n’a pas fait dans la dentelle. Ca démarre avec une intro, qui parle du « type qui a tué ma mère de quarante et un coups d’Opinel, après l’avoir violée une nuit de janvier avec un manche de pelle à neige« .
Ensuite, on enchaîne avec l’ex-taulard, qui forcément s’exprime comme un charretier « Gilbert a pris du saucisson à l’ail et son calendos, tâté et reniflé avant d’embarquer le plus puant« .
Et puis c’est son tour à elle (la fille de la victime, pour ceux qui ne suivent pas). Elle, bien sûr, s’exprime comme une agrégée de lettres : « Je l’ai sollicité pour un rendez-vous, soucieuse d’épaissir ma créature d’une enveloppe documentaire crédible, tourmentée déjà par l’impudence de mon esquive romanesque, par la prolifération des tentacules ».
Ah, et au cas où on aurait pas compris qui parle, l’auteur a pris soin de changer de typographie pour chaque personnage. Madame a droit à son Times New Roman, Monsieur à son Arial. On en connaît qui ont eu plus d’audace.
Et ça continue comme ça, cahin-caha, entre phrases à rallonge pour montrer qu’on a du vocabulaire, et événements qui arrivent comme un poil dans le potage. Ainsi Madame, sur le chemin de sa dédicace à Nogent-le-Rotrou, s’exclame :  » Je roulais sans réussir à fixer mes pensées ni sur la rupture du matin, ni sur la projection du soir, et à la moitié du trajet exactement j’ai dû sucer la bite d’un routier. J’ai dû sucer la bite d’un routier car je suis tombée en panne d’essence« .
Avouons qu’à ce moment-là, on a quand même bien rigolé. Et puis on s’est un peu endormis. Elle conduit, il hésite à aller à la dédicace. Jusqu’au climax final où l’auteur ne s’emmerde même plus à écrire des phrases, juste des listes de fleurs (comprenez, jardinier aux Espaces verts). Enfin, on arrive à la fameuse dédicace et ses gobelets de pinard dégueulasse, et là tadam, on assiste à une sorte d’éjaculation grandiose, baptisée « phénomène ». Et comme un mauvais plan cul ramené trop ivre de boîte de nuit, ça s’arrête là-dessus.

Bon pour tirage

Bon pour tirage dans tout l’espace Schengen

Les insomniaques, de Camille de Villeneuve

16 Oct

Philippe Rey

Lu par Marine

Au grand concours des titres pertinents (chose assez rare pour mériter un tel type de prix), Les Insomniaques mériterait d’être nommé. Deux mots qui résument parfaitement la teneur de ce livre aux allures de saga, mais en mieux (quand même). Nous suivons en effet les turpitudes des membres d’une famille d’aristocrates et leurs (gros) problèmes d’adaptation à un monde qui change sans leur consentement (quel toupet) depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Tous les personnages ont apparemment fait l’objet d’un travail approfondi de la part de l’auteur. Aucun n’est laissé sur le bas-côté, ce qui donne toute sa saveur au livre qui se lit rapidement malgré ses quelque six cent pages. Reste cependant un léger doute : est-il également savoureux pour tous ? L’identification à cette famille en chamboulement est en effet un ressort essentiel dans l’appréciation du lecteur, à mon sens. Il vaut alors mieux avoir un petit ancrage dans le 16ème (celui d’Auteuil) ou un petit château familial auquel on n’a pas touché depuis trente ans quelque part pour bien tout saisir. En espérant me tromper.

Lu par François H-L

Raconter la vie d’une famille aristocratique sur plusieurs générations est un défi littéraire que relève avec beaucoup d’élégance Camille de Villeneuve, dans une première œuvre très agréable. On fait la connaissance des Argentières, excellente famille angevine, en 1946 à la mort du patriarche, pour les suivre sur trois générations. Les naissances, les mariages, les décès se succèdent, mais la difficulté de s’adapter à un monde qui change vite demeure. Comment faire lorsqu’on a grandi avec l’obligation de défendre son nom et une tradition ?

Si on ne peut que saluer la maîtrise de Camille de Villeneuve pour l’organisation de son récit et la maîtrise d’un arbre généalogique complexe et pléthorique, ou pour la manière très fine d’imbriquer la grande histoire dans les chemins de vie des différents personnages, on regrette souvent un manque de recul quant à la psychologie des personnages. Il se dégage toutefois de cet ouvrage une impression globalement positive qui promet beaucoup pour la suite de la carrière littéraire de l’auteur.

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