Tag Archives: punk à chien

Un ange noir, de François Beaune

19 Oct

Editions Verticales

Lu par Claire

Rasoir angélique

Ô toi, lecteur au moral de carton sapé par le spleen automnal, engourdi par les premières engelures, et brillamment achevé par les pessimistes prédictions économiques, viens donc enfoncer le clou en te frottant au nouveau roman de François Beaune. Quitte à déprimer, déprimons complètement.

En veux-tu en voilà d’un contenu qui dessert son contenant, ou comment réussir à pondre en 277 pages l’histoire sordide d’un héros insupportable, rédigée d’une plume prometteuse à coups d’observations judicieuses.

American Psycho à la Sofres

Oui, disons-le tout de go, que l’on supporte avec peine le récit d’Alexandre Petit, lyonnais de 37 ans habitant chez maman, sondeur chez Sofres et amateur de Motus, paranoïaque, sociopathe, bienveillant dans un style bien à lui, ses meilleures intentions le conduisant à éliminer ceux qu’ils considèrent comme néfastes à la société, avec une nette prédilection pour les punks à chiens.

François Beaune est fort, très fort. Il dépeint avec précision et finesse le portrait de cet homme en cavale, emporté dans des récits de plus en plus torturés. Au début, on l’aime, ce Petit, puis on doute, puis on ne doute plus : c’est un monstre. François Beaune arrive à endormir notre méfiance, nous endort pour mieux nous tromper, mais finalement réalise un coup de poker légèrement suicidaire : son héros est tellement odieux qu’il en assassine son propre livre.

Limonov, d’Emmanuel Carrère

14 Oct

P.O.L.

Lu par Paul

Moustache molotov

N’allez pas vous imaginer qu’Emmanuel Carrère est le grand favori du Virilo sous prétexte que l’un de ses premiers romans s’intitule La Moustache.

L'auteur de "la Moustache" a encore frappé.

Au Virilo, nous sommes attachés à une certaine idée de l’impartialité, alimentée il est vrai par le fait que les éditions P.O.L. ne nous adressent plus de petite enveloppe depuis au moins trois ans. C’est donc en toute objectivité que nous avons ouvert Limonov. Et que nous ne l’avons plus refermé.

Edouard Limonov, c’est un poète-voyou, né en URSS durant la Seconde Guerre Mondiale. A tort ou à raison – Carrère lui-même en doute – il a, chevillée au corps, la conviction de posséder un destin hors du commun. Cette conviction le conduira de Moscou à New York, en passant par Paris et par les marges d’un empire soviétique en pleine dislocation.

Moustache russe, fig. 1

Si Limonov fut un temps une icône underground célébrée du Tout-Paris, Carrère n’occulte rien de son engagement politique rouge-brun, ni de sa passion pour toutes les formes d’action violente. Alors Limonov, héros ou salaud ? Militant ou délinquant ? C’est la question que se pose sans cesse l’auteur et rien dans la vie de Limonov ne semble y apporter de réponse claire.

Mais cet ouvrage est également l’occasion pour Emmanuel Carrère de nous faire partager sa passion pour la Russie, atavisme familial qu’il a pris soin d’enrichir d’innombrables lectures et expériences personnelles.

Un Forrest Gump un peu énervé

Car Edouard Limonov, au bout du compte, n’est jamais qu’un Forrest Gump de l’autre côté du Rideau de Fer. Le putsch de Moscou, en août 1991, l’illustre bien : Limonov, c’est celui qui quitte le Parlement russe juste avant que celui-ci ne soit assiégé, et qui assiste en spectateur à ce qu’il aurait rêvé de vivre en martyr. De manière paradoxale, la violence des épisodes historiques retracés – dont certains sont très récents – ferait presque passer les retours sur la vie de Limonov pour d’aimables divertissements.

Au MNBF, on aime pas trop la pilosité faciale

Bref, un ouvrage qui passionnera tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du XXème siècle, mais qui décevra peut-être la cellule française du parti national-bolchevique.

Je suis un terroriste, Pierre Brasseur

18 Sep

Après la lune

Lu par François

"Je suis un terroriste nancéen" sonnait beaucoup moins bien

Duvet sombre

Reprenons les termes de l’auteur : Ce n’est pas un texte politique, c’est un texte réaliste. « Je suis un terroriste » n’est même pas vraisemblable, puisqu’il montre des râleurs français qui passeraient à l’acte.

Le pitch : En 2009, à Nancy, quelques révoltés du système capitaliste décident de taper du poing sur la table, ou plutôt sur la tête de grands patrons. Ils veulent crever les « salopards du MEDEF assis sur un tas de chômeurs ».

Entre « Action directe » et « l’affaire Coupat », Pierre Brasseur analyse des personnages bien dessinés avec une écriture précise. Un roman punk, nihiliste et anarchiste. Un style qui oscille entre la satire sociale et le polar. C’est couillu, énergique mais ça n’oublie pas de dire deux ou trois vérités (un peu naïves certes) au passage.  Sans nécessairement partager leurs idées, on est happé par le délire et le courage des protagonistes de ce récit attachant dont les défauts servent au fond le propos.

Alors pourquoi pas, nous sommes tous des Indignés après tout… No pasaran !

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