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Loup et les hommes, d’Emmanuelle Pirotte

23 Sep

Lu par… Cerf Majestueux (Gaël)

critique3

Tatouées, maquillées et huilées

Le jury du prix virilo des maternelles (et crèches) a élu Loup et les hommes au titre de l’année 2018. Nous ne lisons bien entendu pas aussi vite que ces jurés talentueux et qui passent leurs journées à se prélasser en couches pendant que d’honnêtes jurés adultes suent sang et eau mais nous nous devions de les suivre jusqu’à ces sommets de la littérature. Compte-rendu.

Tout d’abord, une surprise : le « Loup » du titre n’est pas un animal, alors que cela a sans doute beaucoup joué dans la victoire de l’ouvrage. C’est un prénom, et on le sait au bout de quelques pages. Les jurés ont-ils vraiment lu, et même ouvert, le livre ? Ou se sont-ils livrés aux mêmes petits jeux de maisons d’édition que d’habitude, choisissant une fois n’est pas coutume de sanctionner l’école des loisirs, et récompensant le cherche-midi comme ils auraient distingué le cherche-goûter ?
Agnier

Glabre, mais viril. Aurait pu être membre du jury du Virilo.

Puisqu’aucun membre de ce digne rassemblement de jurés en herbe n’a daigné donner le résumé de cet ouvrage, le voici : un soir des débuts du règne de Louis Croix-Bâton-V Armand de Canilhac, marquis sans l’sou et oscillant au bord de la déchéance, aperçoit lors d’une soirée parisienne une jeune femme venant des Amériques et qui lui fait irrésistiblement penser à son frère, totalement disparu des radars vingt ans auparavant ; c’est lui, le fameux Loup, le bien nommé. Il décide de tenter de le retrouver, en prenant comme hypothèse qu’il se trouve sur le sol américain. Après tout, il n’a plus grand-chose à perdre. La suite raconte cette quête, et la transformation d’Armand et de ses compagnons au contact de ce passé mal enfoui, et d’un continent à l’exotisme débridé.
Ce qui est vraiment intéressant, c’est l’originalité du contexte et du décor : le Québec de la fin du dix-septième siècle, encore presque totalement aux mains des natifs mais dont tous pressentent que la civilisation va entrer en crise profonde, du fait de la présence des Occidentaux, de leur soif de possession et de leur puissance militaire. Du fait aussi des dissensions entre Amérindiens, dont la culture valorise outrageusement la vengeance censée apporter la paix et le repos. La plupart des personnages sont à l’interface des deux civilisations, Français adoptés par les Iroquois ou Iroquois attirés par la France ou certains français, et les décalages, tensions, transformations qui en découlent sont très minutieusement explorés par Emmanuelle Pirotte. Le portrait du mode de vie iroquois, de leurs croyances, et de ce que pouvait être la vie sur un continent non pas vide (ce fut la propagande occidentale qui construisit ce mythe pour justifier la colonisation et l’anéantissement des indigènes) mais aux espaces immenses, est détaillé et très vivant. Pour ma part j’ai un peu moins accroché aux enjeux de l’histoire, très centrés sur la transformation intérieure des personnages, la rédemption et la vengeance, finalement assez éloignés du roman d’aventure vendu par l’éditeur, et moins originaux que le précédent roman de l’autrice même si on ne peut les accuser de déchoir.
Donc le bilan :
+4 moustaches pour les tomahawks
+2 moustaches pour les wigwams
+1 moustache pour le Virilo des maternelles
-3 moustaches pour la vie intérieure d’Armand
-1 moustache pour les tâches de purée laissées sur la couverture par mon fils, Tigre Effrayant
Soit 3 moustaches bien méritées !
bébé barbouillé

Juré du Virilo des maternelles désormais connu comme « Coquillette Écrasée »

Un mal terrible se prépare, de Laurent Lussier

31 Mai

Lu par…Gaël

On croît que c’est un SMUR et en fait c’est un VSL

 

 

 

 

Le prix Virilo étant un prix de littérature FRANCOPHONE, les jurés se doivent d’explorer ce qui se passe outre-hexagone, dans un esprit d’ouverture totale.

Et il en fallait pour aller jusqu’au bout de cet ouvrage aux multiples visages. Au départ, j’ai crû qu’il s’agissait d’un manuel de camping. Puis d’un Guide du Routard de la ZAD de Notre-Dame-lès-Québec. Puis d’un roman d’aventures paru en feuilleton dans la revue des Deux Mondes en 1886. Puis d’un livre de développement personnel. Et en fait c’est un peu tout ça et, partant (attention mot à retenir destiné à remplacer définitivement le « du coup » du parisien contemporain dont nous essayons tous, sans succès, de nous défaire), ça n’est pas grand-chose. C’est dommage parce que la littérature québécoise pourrait être le lieu de l’invention d’une « littérature des grands espaces » en langue française et assise sur les enjeux contemporains, et c’était ce que j’avais espéré en voyant la couverture : un trappeur moderne faisant rôtir son dîner sur fond vert fluo du meilleur aloi.

Bref, le narrateur part faire du camping. Ayant repêché une chauve-souris couverte d’un étrange acné à proximité d’une flaque de produits chimiques évoquant un film de zombies des années 1970, il rencontre deux activistes de la protection de la faune mais attention, des activistes GENTILS. Ils ont une camionnette genre SMUR pour animaux, version 4×4, et partent sauver les lépidoptères en détresse au moindre appel (le bilan écologique de chaque intervention n’est pas détaillé). Par contre ils sont GENTILS, ils n’ont aucune action visant à éviter que les animaux soient empoisonnés ou amochés par les activités humaines et ne critiquent jamais personne. Ensuite il arrive à la base des éco-citoyens où ils se rendent compte que d’autres animaux souffrent de cet acné d’origine inconnue. Ensuite il y a des péripéties. Ensuite ils tiennent presque le coupable de l’empoisonnement mais ce dernier s’enfuit de manière rocambolesque de la grotte où il avait caché son matériel (c’est la partie Arsène Lupin). Ensuite le narrateur a fini ses vacances et rentre chez lui. Il n’a plus jamais de nouvelles de ses ex-nouveaux amis et d’ailleurs il s’en fout car il est SEREIN DANS SA TÊTE. Personne ne dénonce à la police l’homme qui a tenté de détruire toute la faune d’une zone naturelle pour s’amuser. Par hasard (il est à un barbecue, il raconte ses aventures à une parfaite inconnue et elle fait le recoupement avec un homme qu’elle a connu…) il découvre l’identité du coupable mais décide de ne rien faire, plutôt d’admirer cet homme qui a su aller jusqu’au bout de son devenir-salopard. A la fin on découvre que chaque chapitre de cette aventure a inspiré au narrateur un petit mantra et qu’il dispose désormais d’un mini bréviaire en 16 chapitres du mec GENTIL et SEREIN DANS SA TÊTE.

Voilà. C’est n’importe quoi. On attend à chaque moment que ça décolle mais non, chaque péripétie est annoncée, expliquée, puis racontée. Ensuite il y a un mantra. Le jury poursuit sa mission spéciale outre-Atlantique.

 

Mec gentil ou mâle terrible ?

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