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Les états et empires du Lotissement Grand Siècle, Archéologie d’une utopie, de Fanny Taillandier

29 Oct

Lu par… Anne

critique5

Bacchantes épanouies

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Il n’aura pas échappé à la vigilance du lecteur attentif que le jury du Virilo a cette année retenu dans sa sélection un livre qui ne devrait a priori pas s’y trouver, puisqu’il est publié par les très sérieuses Presses Universitaires de France (dites PUF, ou Pupuf pour les intimes). « Quoi ?! Comment ?! C’est un scandale !!! Un essai dans la sélection du Virilo ?! Mais de qui se moque-t-on ?! », entends-je d’ici les plus puristes s’écrier.
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La réponse, chers amis, est plus complexe, car si le livre est en effet publié dans la collection « Perspectives critiques » (dont je ne vous dirai rien, faute d’en savoir davantage), il s’agit bel et bien d’une fiction — comme tout objet littéraire, me répondrez-vous avec un petit rire cuistre et satisfait. Pour autant, ça n’est pas un roman, même si l’on peut en faire le résumé que voici :
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A la suite d’un changement cataclysmique, baptisé Grand Fracas par ses survivants, le monde que nous connaissons a disparu pour laisser place à une société nomade. L’un de ces groupes parvient jusqu’au Lotissement Grand Siècle du titre, supposément situé sur la commune de Versailles. Banlieue-dortoir haut de gamme dans toute sa splendeur, elle se compose de plusieurs centaines de pavillons quasiment identiques, tristement répartis autour d’axes de circulation. Les nouveaux arrivants vont explorer et tenter de comprendre cette curiosité urbanistique et la société qui a pu l’engendrer, grâce à leurs propres observations et suppositions ainsi qu’à l’aide de documents retrouvés dans les ruines.
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A travers cette exploration qui prend des tournures aussi diverses que plaisantes (description des lieux, éloge du parpaing, rapport de détective privé, etc.), c’est tout un mode de vie individualiste, productiviste, hypocrite et forcément délétère que Fanny Taillandier dénonce. Mais elle le fait avec finesse, humour et de beaux morceaux de style.
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Ce livre est une fiction car tout ce qu’elle y décrit est à l’évidence complètement mythonné, quoique bien évidemment inspiré de la réalité ; ça n’est pas un roman car tous les codes du genre (personnages, narration – ressortez vos Annabac sur le sujet et complétez vous-mêmes) y font défaut, mais il y a assurément là plus de littérature que dans la plupart des livres que l’on peut trouver dans la catégorie « 1 Moustache » de notre prix. Si en de rares moments, on peut déplorer un léger manque de chair, d’incarnation, on en ressort pas moins ébloui par ce tour de force et sans doute un peu moins con.
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Emmanuel (Carrère), accroche-toi à tes bretelles, la relève est en marche, et elle a un sacré talent.  
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funny-moustaches-comparison

Cette rentrée littéraire réservait finalement quelques belles surprises

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La ruche, d’Arthur Loustalot

1 Oct
Duvet d'hystérie familiale

Doux duvet d’hystérie familiale

Editions JC Lattès

Lu par Claire

Trois sœurs qui fument et boivent du whisky pour affronter la crise : viril à souhait

don't fuck with my mummy

Don’t fuck with my mummy

Marion, Claire et Louise forment une fratrie de 19, 17 et 16 ans compulsivement soudée par la gestion quotidienne de leur mère Alice, devenue hystérique, alcoolique et suicidaire après le départ de son mari il y a deux ans de cela. Enfermées, si ce n’est physiquement, du moins psychologiquement, dans leur appartement (la ruche), les trois sœurs livrées à elles-mêmes forment un bloc compact destiné à survivre à l’atomisation du cocon familial. Leurs conciliabules, dopés aux clopes et au whisky, se font à voix basse pour ne pas éveiller l’attention de leur mère explosive qui pourrait bien débarquer un marteau à la main pour forcer la porte de leur chambre… Louise se taillade le bras, Claire ne dort plus, Marion pète un plombs, mais qu’importe : elles se débrouilleront seules et surtout, sans homme.

Le huit-clos féminin vu par un auteur de 25 ans : 50 nuances d’angoisse

Arthur Loustalot, 25 ans et 3 romans au compteur, a saisi d’une façon presque inquiétante la logique féminine. Comment ? Pourquoi ? On ne le saura pas. Cet auteur infiltré a réussi à capter quelques nuances hautes en couleur du beau (oui, beau, et fort, et intelligent) sexe, dans un style haché, entrelacé de phrases courtes et incisives, à base de « Claire dit : blablabla, oui mais, répliqua Louise, blablaba, taisez-vous! cria Alice« . En bref, il réussit à créer une atmosphère de plus en plus angoissante, où le style dérape en parfaite synchronisation avec l’ambiance, dans une accélération d’angoisse plutôt réussie mais dont le rythme et la répétition finissent pourtant par fatiguer une lectrice elle-même membre d’une famille de 3 sœurs, elle-même dénommée Claire, et qui s’inquiète donc depuis pour sa santé mentale.

ze connais tout aux femmes

Yé connais tout des femmes moâ

Une certaine fatigue, de Christian Authier

28 Août

Appendice facial fatigué

Éditions Stock

Lu par Claire

Je ressens une certaine fatigue au moment fatidique de rédiger cette critique. Oui, parler de fatigue fatigue, tout comme regarder les J.O donne des courbatures, voilà une vérité vraie. Vlan.

Proposition de bundle en librairie

Pour ceux qui auraient la flemme de lire la critique en entier, ci-joint un condensé express anti-fatigue : concept de base ok, début ok, développement et fin ko. Pratique, c’est symétrique.

En fait, une fatigue certaine

Patrick, la quarantaine bien tassée, architecte reconnu d’une ville de province, heureux mari et père de deux ados, se rend compte à la mort de son propre père que le temps passe. Alors qu’il commence à se poser quelques questions existentielles un tantinet gênantes, le médecin lui annonce qu’il est frappé d’une leucémie foudroyante et qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. Paradoxalement, Patrick s’attache à organiser sa mort avec un détachement et une application qui frisent à la maniaquerie, éprouvant même jusqu’à un plaisir coupable à faire le tri et le ménage dans sa vie. Alors le jour où le praticien ravi lui annonce qu’il y a eu une erreur de diagnostic et qu’il n’est pas près de sucrer les fraises, Patrick tombe dans ce qui ressemble à une dépression post-partum. Il abandonne maison, travail et famille et part s’installer à l’hôtel à cinq cents mètres de là. Non mais qu’est-ce que c’est que ces façons de lui voler sa mort ?

Jusqu’ici, le roman de Christian Authier tient la route : un concept original, un protagoniste attachant, une écriture fluide.

Seulement, les deux tiers restants du livre tombent dans la même phase dépressive que traverse Patrick, une élucubration nombriliste en manque flagrant de rythme. Il s’ennuie, on s’ennuie.

La fin – Patrick se rappelle soudain que sa chère femme lui manque et qu’il est temps de rentrer au bercail, oh !, ça tombe bien, elle l’a attendu presque un an sans moufeter – achève de nous dé-convaincre. Ça ne se dit pas ? Tant pis.

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