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Berezina, de Sylvain Tesson

15 Juin

Edition Guérin

Lu par Un David

Moustache rasée de près

Moustache rasée de près

Berezina

Vroom vroom

Sylvain Tesson raconte son épopée en side car sur les traces de la retraite des troupes napoléoniennes, deux-cents ans après leur déroute. Après la glande au lac Baïkal, le baroudeur conteur met cette fois-ci son art de l’observation en mouvement et récite son road trip copier/coller au cœur d’un hiver qui en 1812 avait croqué les grognards un à un, leurs chevaux et les derniers espoirs de grandeur de l’Empire.

Accompagné de ses deux compères Goisque et Gras (bien que la carte en introduction n’évoque que « le voyage de Sylvain Tesson ») il ne se contente pas de rendre hommage à ces centaines de milliers de soldats sacrifiés, ou de louer l’inépuisable Empereur, non, Sylvain Tesson veut vivre leur souffrance, sentir leurs blessures, goûter leur courage. Et là l’intention écrase le projet. Parce que faire Paris-Moscou en side car en 12 jours, même en décembre, est heureusement incomparable avec ce que vécurent les troupes dévorées par le froid, à pied, durant les 2 mois de la retraite. Alors Tesson s’en excuse, comme il s’excuse de parfois dévier de la route exacte de Napoléon. A coup de réflexions profondes et imagées sur la disparition du sens du sacrifice, sur notre dépendance au confort matériel, Sylvain Bonaparte nous embarque dans son délire nostalgique d’une époque qu’il n’a lui même pas vécue, jusqu’à sérieusement suggérer que si on en bavait un peu plus et qu’on arrêtait d’aller chez le psy, alors on serait de nouveau capable de « surenchérir d’enthousiasme à l’idée de nous sacrifier pour une idée abstraite, supérieure à nous même, pour un intérêt collectif et pour l’amour d’un chef ». Sylvain, ça, c’est réac.

Virilo - Le sacrifice

Baroudeur surenchérissant d’enthousiasme avant son sacrifice pour l’amour d’un chef

Le volet historique, incrusté dans le récit, touche quant à lui les amateurs d’histoire romancée façon Lapierre-Collins. Précis, remarquablement documenté, mis en vie, et touchant. Du moral des soldats aux décisions de l’Empereur, c’est à se demander si Sylvain ne se cachait pas dans un buisson entre Smolensk et Smorgoni en novembre 1812. Finalement c’est peut-être ce qu’on aurait préféré lire : un roman historique.

Stratège russe fier de son génie

Quand il déclare son amour à l’homme russe, infatigable dans son combat contre la pollution occidentale des esprits, ou encore qu’il rétablit l’image de la traversée de la Berezina, une réussite relative malgré l’usage populaire, Sylvain Tesson nous épargne quelques minutes du « baroudeur » qui n’en revient pas de sa propre folie et de son propre courage. Mais voilà, ce dernier prend quand même beaucoup de place, et si on s’impressionne de la folle marche napoléonienne, on a vraiment hâte que le side-car arrive à Paris…

D’autres romans de Sylvain Tesson chroniqués par nos soins ici

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson

3 Sep

Editions Gallimard

Lu par Claire

Tesson aime-t-il la vie de couple ?

Moustache fournie

Moustache sibérienne

« Je contemple ce radeau qui ressemble à la vie en Russie : une chose lourde, dangereuse, au bord du naufrage, soumise aux courants mais où l’on peut faire du thé en permanence. »

C’est en Sibérie, sur les rives du lac Baïkal, qu’a choisi de passer six mois en ermitage Sylvain Tesson. Seul, donc, la majorité du temps, si l’on exclut les espèces animales locales.

On a tous, du moins j’ose l’espérer, rêvé un jour de se retirer du monde ne serait-ce que quelques heures, afin de pouvoir répondre à cette angoissante question, loin du vacarme des chaînes télé et des soldes des grands magasins : suis-je capable de cohabiter seul avec moi-même? Même si nous, dodus et civilisés échantillons du XXIème siècle, nous aurions plutôt choisi un confortable mas provençal, voire un couvent de Toscane. En Sibérie, sachez-le (la rédaction rejette toute responsabilité), on trouve des ours, des russes, du poisson séché, et -30 degrés une bonne partie de l’année.

Equipement de base nécessaire à une telle retraite: une bonne soixantaine de livres, une quantité raisonnable de pâtes et de tabasco, et de quoi se saouler honnêtement à la vodka.

Sylvain Tesson nous offre ainsi le journal de ces six mois, le « laboratoire de ses transformations », parsemé de jolies formules et de pensées pertinentes sur notre rapport au monde, sans jamais vraiment tomber dans l’écueil de la critique virulente de notre mode de vie.

Le jury sur les pas de l'auteur

Des influences? Difficile de ne pas penser aux écrivains voyageurs, et autres Into the Wild. (Espoir: si Sylvain Tesson ressemble à Sean Penn, je pars pour Irkoutsk.)

Une sensation? Celle d’avoir entre les mains un bon et agréable outil de réflexion, qui économisera peut-être à certains le déplacement jusqu’au point N 54°26’45.12 / E 108°32’40.32.

En bref, comme une bonne tisane, une lecture qui non seulement ne peut pas vous faire de mal, mais pourrait même vous faire du bien.


« Aujourd’hui, quand on rencontre quelqu’un, juste après la poignée de main et un regard furtif, on note les noms de sites et de blogs. La société humaine a réussi son rêve : se frotter les antennes à l’image des fourmis. Un jour, on se contentera de se renifler. »

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