Edition Guérin
Lu par Un David
Sylvain Tesson raconte son épopée en side car sur les traces de la retraite des troupes napoléoniennes, deux-cents ans après leur déroute. Après la glande au lac Baïkal, le baroudeur conteur met cette fois-ci son art de l’observation en mouvement et récite son road trip copier/coller au cœur d’un hiver qui en 1812 avait croqué les grognards un à un, leurs chevaux et les derniers espoirs de grandeur de l’Empire.
Accompagné de ses deux compères Goisque et Gras (bien que la carte en introduction n’évoque que « le voyage de Sylvain Tesson ») il ne se contente pas de rendre hommage à ces centaines de milliers de soldats sacrifiés, ou de louer l’inépuisable Empereur, non, Sylvain Tesson veut vivre leur souffrance, sentir leurs blessures, goûter leur courage. Et là l’intention écrase le projet. Parce que faire Paris-Moscou en side car en 12 jours, même en décembre, est heureusement incomparable avec ce que vécurent les troupes dévorées par le froid, à pied, durant les 2 mois de la retraite. Alors Tesson s’en excuse, comme il s’excuse de parfois dévier de la route exacte de Napoléon. A coup de réflexions profondes et imagées sur la disparition du sens du sacrifice, sur notre dépendance au confort matériel, Sylvain Bonaparte nous embarque dans son délire nostalgique d’une époque qu’il n’a lui même pas vécue, jusqu’à sérieusement suggérer que si on en bavait un peu plus et qu’on arrêtait d’aller chez le psy, alors on serait de nouveau capable de « surenchérir d’enthousiasme à l’idée de nous sacrifier pour une idée abstraite, supérieure à nous même, pour un intérêt collectif et pour l’amour d’un chef ». Sylvain, ça, c’est réac.

Baroudeur surenchérissant d’enthousiasme avant son sacrifice pour l’amour d’un chef
Le volet historique, incrusté dans le récit, touche quant à lui les amateurs d’histoire romancée façon Lapierre-Collins. Précis, remarquablement documenté, mis en vie, et touchant. Du moral des soldats aux décisions de l’Empereur, c’est à se demander si Sylvain ne se cachait pas dans un buisson entre Smolensk et Smorgoni en novembre 1812. Finalement c’est peut-être ce qu’on aurait préféré lire : un roman historique.

Stratège russe fier de son génie
Quand il déclare son amour à l’homme russe, infatigable dans son combat contre la pollution occidentale des esprits, ou encore qu’il rétablit l’image de la traversée de la Berezina, une réussite relative malgré l’usage populaire, Sylvain Tesson nous épargne quelques minutes du « baroudeur » qui n’en revient pas de sa propre folie et de son propre courage. Mais voilà, ce dernier prend quand même beaucoup de place, et si on s’impressionne de la folle marche napoléonienne, on a vraiment hâte que le side-car arrive à Paris…
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