Lu par… Bérénice

Halogénures d’argent
« Salut Boris, ça roule ?
– Super Michel ! Écoute, justement, j’ai plein d’idées pour mon nouveau livre.
– Vas-y voir ?
– Les attentats, les SMS, les marranes, Pessoa, les photographes, la quête de l’identité et sa perte, le metal, l’avenue des Gobelins, le Mexique… franchement, plein de trucs, je suis super content.
– ….
– T’es là, Michel ?
– Bon, Boris, ça se tente, je prends tout. Manuscrit dans 6 mois, stp. Au fait, t’avais dit quoi, tout au début ?
-… « super » ?
– non, autre chose, juste après
– euh… «plein d’idées » ? Écoute, je ne sais plus.
– Ah bah voilà, c’est ça, « écoute » ! Tu fais comme si ça avait un seul thème, et c’est ça le titre. »
Voici, telle qu’on se l’imagine, la conversation téléphonique qui a eu lieu entre Boris Razon et son éditeur lors de la Genèse de Écoute.
Ne soyez pas incrédules, ce livre parle bien de tout ça, et c’est trop.
Chouette, j’adore Italie 2 !
L’histoire : d’abord confiné dans l’enceinte de sa camionnette suréquipée, Vincent attend les attentats. Il surveille, il lit, il est droit et probe et sa vie personnelle est triste comme un jour sans pain. Un peu par hasard, il remarque un homme qui n’émet aucune onde : c’est louche, dans notre monde si connecté (lieu commun ? Mais noooon). En plus, l’homme sort d’une boutique de seconde main qui vend des appareils photos argentique. Doublement louche. C’est un homme portugais qui recherche désespérément une pellicule qui, il le croit, retrace sa vie, son être : tous les neuf ans, un portrait de lui a été pris par un photographe roumain, personnage sans trop de profondeur (d’ailleurs ça tombe bien, il est mort, l’auteur n’a pas à s’embêter). Qui diable est cet homme ? Des ados croient reconnaître en lui une figure mythique de la scène metal norvégienne, les forums entrent en ébullition, les fans affluent, tout cela est si louche que Vincent sort de la voiture. Et le Portugais, dans tout ça ? Eh bien il passe mille ans à regarder cet appareil photo, et sa vie se rappelle à lui, et quelle vie (pfff, c’est laborieux). D’un petit garçon assez insignifiant en passant par un passionné d’une facette très pointue de la vie de Pessoa, indifférent aux secousses qui ébranlent le Portugal, à un adulte qui, tous les neuf ans, fait peau neuve. Déroulera-t-il cette pellicule qu’il veut à tout prix effacer ? (oui)
Il y avait quelques bonnes idées : les attentats, en soi déjà un marronnier littéraire mais la toute-puissance de l’Etat policier qui place un ETP avenue des Gobelins pour mailler l’intégralité des informations transitant sur les ondes, oui. Les ados fan de metal qui croient reconnaître au beau milieu du XIIIe arrondissement le mythique Morse, apparition spectrale au cri terrifiant et glaçant, qui venait à son gré ornementer certains concerts, ancré dans la naissance du genre et dans la Norvège satanique, après des décennies de disparition, oui.
Et voilà, ça faisait déjà un livre.
Oh no
Du reste, on sent très nettement que l’auteur se perd. D’une première partie qui manque de souffle, émaillée par les multiples snaps, textos, appels du monde qui l’entoure et que le flic en planque voit à peine, on retient le superflu, le manque de style : la retranscription fidèle de ces bribes de monde réel, tristement inintéressants ; le côté « jeune » du dealeur du coin ; la langue pendante de Vincent, le flic, pour une paire de jambes, tout ça pousse à abandonner le livre assez vite. Razon c’est un peu…rasoir.
Le juré persévérant aura la bonne surprise de trouver une seconde partie plus enlevée mais, hélas, trois fois hélas, trop tard, et avec trop de choses dedans. Si on avait réussi à garder le fil, c’est cet afflux d’information qui fait basculer le propos. Tout cela manque de profondeur pour que la conclusion (on perd toujours la course-poursuite avec soi-même) soit autre chose qu’un peu mièvre. Cerise sur le gâteau trop lourd, une conclusion à tiroirs, je vous le donne en mille : l’attentat redouté aura lieu ailleurs. O tempora, o mores !

Belle pilosité
Les poilus parlent aux poilus