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Trois fois la fin du monde, de Sophie Divry

20 Oct

Lu par… Jean-Marc

Juré séduit

 

 

 

 

Il y a peu récompensée par nos soins pour son calligramme turgescent, Sophie Divry signe ici son cinquième roman. Design Paprika et éditions Noir sur blanc, Notabilia, le graphisme du bouquin est réussi.

Honnête, la chroniqueuse des Papous dans la tête remercie d’abord des éleveurs de brebis et souligne avoir « bénéficié d’une résidence à la maison d’écrivains de Pure fiction (Lot) ». On a connu Villa Médicis plus prestigieuses.

Trois fois la fin du monde se joue en deux parties. La première, description rude de l’univers carcéral, « la prison de F. » n’étant pas exactement une nurserie. « Ce genre de prison, ça ne peut exister que dans un quelconque Bélouchistan, dans un pays lointain, sans smartphones ni élections, mais pas en France, pas chez moi. » Incarcéré pour complicité de braquage, son frère a été tué, Joseph Kamal y subit les fouilles au corps, humiliant dépucelage.

« Au bout d’un temps infini, le greffier dit que c’est bon, tout est en règle, que la fouille est terminée. Il ôte ses gants et les jette avec répugnance dans une corbeille. Je peux enfin cacher ma nudité. Mais je ne rhabille plus le même homme qu’une heure auparavant. »

Il y a les matons du bâtiment B4, les coups qui pleuvent, accepte la protection d’un caïd, souffre de la puanteur et des douches, rares. Les adjectifs aussi, sont rares. « Les matelas sont moisis, les ressorts épisodiques. » Les mots, encavés, zigomar, sont choisis, sans affectation. « On te le rend après qu’on l’a fouillé » : un maton qui inspecte le paquetage et sait que « après que » gouverne l’indicatif, c’est la France, pas le Bélouchistan.

En prison, la violence est assez ordinaire. On a beau le savoir, autant le rappeler, ça fait pas d’mal.

« Quand il craque, La-Miche marave quelqu’un. Le dimanche soir, c’est presque systématique, il attrape une cave par les oreilles, et comme pour se libérer d’une oppression ancienne, il bastonne le gamin. Lentement, lourdement. Le pire, c’est que ça tombe presque toujours sur le plus faible, celui qui a déjà une tête de victime. Le gosse encaisse sans rien dire, habitué à prendre sa raclée. Des lascars se joignent à La-Miche. Moi-même, ça m’arrive de frapper avec eux. Ça nous venge des murs, des gardiens, du procès qui fait peur, de toute cette chiennerie. Mais c’est toujours la même violence que nous recommençons et dans laquelle se continue la même fatalité, celle qui assigne les plus forts à l’exercice du mal et les plus faibles à endurer ce mal avec une servilité que je trouve plus répugnante encore. » 

Survient une catastrophe, nucléaire sans doute. Inutile de s’y attarder, elle a eu lieu et voici Joseph Kamal en cavale, dans le Lot on imagine, dans un désert rural, mais un vrai désert. La campagne, le Causse, vidé de ses habitants, tous morts, où survivent quelques rares animaux. Un mouton, une chatte, qui lui donnera deux chatons. Et l’on passe d’Alcatraz à Robinson Crusoé, pas loin du pays de Farrebique. Une forme d’île déserte, explorée peu à peu, pour trouver des victuailles, toujours les mêmes. « J’en ai marre de leur cassoulet. Putain, chuis pas planqué dans le lot pour rien, j’en ai trouvé partout de leurs conserves. » Mais aussi des outils, espérer trouver des piles pour écouter la radio, se méfier des drones qui ne viendront pas.

Cette seconde partie est aussi bucolique que la première était rude. Kamal explore son territoire, coupe des fils de fer barbelés, dans tous les westerns on fait ça.

la preuve

« Là où il rencontre ces clôtures, il ouvre. Que c’est bon, à chaque fois que les habitants avaient is un grillage, érigé une limite, d’ouvrir une faille. »

Les souvenirs d’enfance reviennent, Daniel Defoe ben sûr, mais aussi Jules Verne quand Joseph, tel un Cyrus Smith, entreprend de compter les semences, d’élever des lapins ou des truites, se montre patient, planificateur. On pense encore à Farrebique, avec un éveil du printemps assez convenu dans son exaltation sensuelle mais qui, déroulé en quelques pages, finit par imposer sa sève et son désir. «

. Les lianes courant contre le muret cognent désormais au carreau. Des bruits sourds tambourinent contre les arbres, irréguliers. Il y a du vert partout, des griffes, des cris de bêtes, des paillons. Ces feuilles, ces lianes, ces tiges, elles se tendent encore, plus longues, c’est un combat entre les flocons verts et ces feuilles avides, combat pour appâter le soleil, le garder rien que pour soi. La terre gonfle, double, triple, se recouvre d’épis, de buissons. » Oui, je les entends d’ici, mes condisciples du Virilo, ça parle de cul à mots couverts, te laisse pas berner par ces mots, la terre, elle, ne bande pas, mais on s’en fiche, les moustachu-e-s, « puisque c’est l’heure, c’est l’heure de s’aimer ».

On ne sait si ce roman se termine bien ou mal, ni même s’il se termine. Mais l’inachevé est parfois réussi.

 

« Faillir être flingué », Prix Virilo 2013, « Je suis un homme » empoche le Trop Virilo

6 Nov
Préparons les fêtes avec le Virilo.

Préparons les achats de Noël avec le Virilo.

Cela devient une belle habitude depuis six ans. Aujourd’hui,  quelques minutes avant le Femina, le jury du Prix Virilo a remis ses prix.

LES PRIX : 

Le Prix Virilo revient cette année à « Faillir être flingué », de Céline Minard (Rivages). Ce roman de cow-boy flingue au second tour « Le Quatrième Mur », de Sorj Chalandon (Grasset), et « Kinderzimmer », de Valentine Goby (Actes Sud).

Au cœur d’une rentrée littéraire faible, les jurés tiennent à souligner le plaisir de trouver un style précis et riche, qui ne s’ampoule pas de posture mais raconte avec talent. C’est un roman aux multiples niveaux de lecture, qui éclaire les westerns crépusculaires d’un feu nouveau, aux jaillissements découpés par l’ombre portée d’un grand écrivain. C’est également une main tendue aux jurées du Femina, qui l’ont sélectionné comme finaliste. Sauront-elles enfin ne pas se tromper ?

moustache-bandido-volonte

Un juré juge de la moustache de « Faillir… »

Le prix Trop Virilo couronne la poussée de testostérone la plus vivace, la giclure littéraire excessive.

Peut-on être une femme et trop virile ? Eh bien oui, lorsque l’on écrit « Je suis un homme » comme Marie Nimier (Gallimard).

Marie Nimier a changé

Marie Nimier a changé

Dans la peau d’un homme qui frappe ses femmes, elle nous gratifie de phrases comme « Je suis claustrophobe de la bite » ou encore après avoir frappé son amie « J’avais envie de Zoé. Pas de la soigner, non de coucher avec elle. (…) Elle semblait consentante quoique totalement passive et très vite, je fus à mon affaire. »  Peut-être une manière pour Marie Nimier de nous montrer que devenir un homme, pour elle, c’est devenir surtout, et paradoxalement, un con…

Mais une remise de Prix Virilo ne serait pas véritablement une remise sans les accessits qui vont avec.

ACCESSITS : 

Voici nos récompenses à tous ces écrivains qui ont tant travaillé. Qu’ils se consolent en se disant que l’année prochaine sera peut-être la bonne pour avoir l’honneur d’être primé par nos soins.

Le Prix Pilon (dont le ratio (Qualité /Tirage + Couverture Médiatique ) est le plus faible) est remis au très enflé « Naissance », de Yann Moix, ainsi qu’au Prix Renaudot.

Cette rentrée littéraire, c'est la fête du Nawak.

Cette rentrée littéraire, c’est la fête du Nawak.

Nous remettons comme chaque année, un pot de Chrysanthèmes pour Nothomb en attendant qu’elle se décide à écrire un vrai livre.

Le Prix Leonarda du récit de voyage galère revient à « L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA », de Romain Puértolas

L’Accessit Amélie Poulain tue des boches revient à « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître, puisque c’est l’exact mélange entre « Micmacs à tire-larigot » et « Un long dimanche de fiançailles ».

L’Accessit Jean d’Ormesson du titre le plus Jean d’Ormesson revient à Jean d’Ormesson pour « Un jour, je m’en irai sans avoir tout dit« .

Le Prix Jacques Maillol de l’apnée littéraire revient à « Plonger«  de Christophe Ono-dit-Bio.

Le Prix Grazia de la ficelle trop grosse, est remis à Monica Sablou, pour « Tout cela n’a rien à voir avec moi« , qui met en scène une certaine « Monica S. »

La logique de la rentrée littéraire

La logique de la rentrée littéraire

Le Prix de la « bifliothèque rose » est remis à « La Récréation« , de Frédéric Mitterrand.

L’Accessit du titre recherché mais un peu trop revient à « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures«  de Paola Pigani

Le prix du Bestseller qui prouve que les critiques ne servent à rien revient à « Billy« , d’Anna Gavalda.

Accessit du titre qui nous promet du Bruce Willis mais nous cache en fait du Louis Garrel revient à Tristan Garcia pour « Faber, le destructeur« .

L’Accessit Truman qui capote (du roman d’investigation tout pourri) revient à Amanda Sthers pour ses « Erections américaines« .

L’accessit Coitus Interruptus de la posture demie-molle revient à Nicolas Bedos, pour son livre et son œuvre.

L’atelier de la chair, d’Emmanuelle Pol

27 Oct

Rasoir pour vieille peau

Editions Finitude

Lu par Philippe

Dernière partie de soirée sur RTL9…

Avec un titre de mauvais film du samedi soir sur RTL9 et un propos pas franchement différent d’ailleurs, l’Atelier de la Chair mérite sa position dans la liste des finalistes du Trop Virilo…

Emmanuelle POL, aucun lien.

Soit une femme, pas vieille, pas trop jeune non plus. Elle étudie dans un atelier des Beaux-Arts. Elle se passionne pour les corps marqués, les acteurs burinés (pour ne pas en enlever le « i »), les mains calleuses qui en ont touché d’autres, bref, les vieux. Elle aime de plus en plus les vieux, voilà, c’est dit. Après une courte recherche esthétique, elle sort avec son prof bien plus âgé et apprécie le taulier : Enfin un-homme-un-vrai, sans préliminaire ni regard apeuré bredouillant « je te fais pas trop mal ? ». Enfin un bourrin qui garde son rythme et ne cherche pas à la faire jouir, qui prend ce qui est à lui, à la hussarde, à l’ancienne mode. Et puis face au regard des autres, la passion se délite… Dans des dernières pages assez ennuyeuses, ils rompent et elle fait le point là-dessus en ce disant que toute cette histoire, et ben ça l’a fait vachement grandir, tu vois.

Voilà le propos de ce livre définitivement Trop Virilo, qui aura le mérite de rassurer les moins subtils d’entre nous.

Je fais de l’art, moi, môsieur

Le coeur du roman c’est cette chair et cette passion et comment elle peut se retourner (la passion, pas la chair) pour disparaître complètement. Un thème très peu traité en littérature donc et plutôt raté ici. Le discours sur le plaisir sent un peu la quarantenaire en manque, et n’agacerait pas tant s’il n’était mâtiné de prétentions psycho-artistiques. Le propos esthétique aurait pu être intéressant, avec quelques passages entre Lucian Freud et la Vénus anadyomène pas mal foutus… Mais par manque de moyens, il ne fait qu’enorgueillir inutilement un texte érotique tendance prise de tête, plus bas du front et moins original qu’il n’y paraît malgré toute la bonne volonté de l’auteur.

Mufle, d’Eric Neuhoff

8 Oct

Une moustache de trop

Albin Michel

Lu par Paul

Y a-t-il quelque chose à sauver dans ce nouvel ouvrage d’Eric Neuhoff ? La couverture, peut-être, pour les amateurs de gros chiens ?

L’odeur de la femme adultère 

Une couv’ qui a du chien

Lire Mufle est très agaçant, d’abord parce qu’on est persuadé de tenir le « Trop Virilo » de l’année entre ses mains. Une sombre histoire d’adultère, un titre qui en laisse entendre beaucoup, un narrateur qui jure de se venger de sa femme et au passage nous assène quelques belles trouvailles  :
« Les femmes qui vous trompent ne sentent plus pareil. Elles traînent après elles des relents d’arrière-cour, d’épluchures, de faux-semblants ». (p 16)
« Qu’avait-elle en tête ? Des rêves de boniche, des fantasmes puérils, des chimères de ménopausée » (p. 71)

Point de moustache sur ce mufle

On a envie de lui dire vas-y coco, lâche les coups. On y croit. On a envie de le voir se défouler 200 pages durant contre la gent féminine, qui n’en avait peut-être pas tant demandé, et remporter le Prix Trop Virilo au terme d’un feu d’artifice de testostérone.

Dépucelage marmoréen

Mais au lieu de ça, Mufle est un roman qui fait pschitt. Une fois ces deux ou trois débordements passés, le narrateur se complaît dans un long gémissement digne de la bibliothèque rose. Certes, il passe bien par une petite crise existentielle (« Devait-il à son tour se comporter comme une merde? »), mais rien en tout cas qui permette de décrocher un prix de machisme littéraire, ni accessoirement de retenir l’attention du lecteur.

Mais là où lire Mufle devient extrêmement, et je dis bien extrêmement agaçant, c’est lorsque l’on constate que l’auteur avait en fait bien plus d’ambition que celle de remporter un prix pastiche et postiche.
1) Il avait l’ambition d’être le nouveau Flaubert :
« Il voyagea. A Berlin, il s’ennuya. Il y avait plein d’Allemands et le zoo était en travaux. […] A Capri, une mouette s’était posée sur la piscine. […] A Belgrade, les nouveaux riches sifflaient un cocktail Coca-cola champagne. Dans les rues, pas un noir ni un Arabe. Encore des vacances de merde. » (page 85)
2) Ou une sorte de Nicolas Bouvier, qui sait :
« A Venise, elle avait embrassé un type devant chaque église. [..]
A Marrakech, un producteur de télévision l’avait invitée à partager sa suite de la Mamounia […]
A Delhi, elle avait dépucelé le fils d’un maharadjah. La chose s’était passée à même le marbre d’un palais. » (page 40)
Arrive fatalement un moment où le lecteur s’intéresse moins au récit qu’aux mille et uns morceaux de bravoure qui le jalonnent. On finit par lire Mufle comme on lirait des brèves de comptoir, en ouvrant au hasard et en lisant à voix haute pour faire rire ses petits camarades.

Bref, un ouvrage à déconseiller absolument.

Une vieille histoire, de Jonathan Littell

2 Oct

Trop Virilo !

Editions Fata Morgana

Lu par Lina

Jonathan Littell, auteur des Bienveillantes, prix Goncourt 2006, est le candidat inattendu au prix Trop Virilo. Il publie cette année chez Fata Morgana ce qu’il appelle « un truc ».

Un livre lisse et soyeux. Ou pas.

En position pour la lecture

C’est pourtant un peu plus que ça… Cette vieille histoire se construit comme un rêve qui n’en finit pas… Nous sommes transportés à travers les fantasmes du narrateur qui court dans un couloir sombre rythmé de portes, dans son survêtement « lisse et soyeux » et ses « baskets légères comme des plumes »… Sa course s’arrête chaque fois qu’il découvre une poignée et entre dans un monde. Ces mondes se répètent et se répondent sans être chaque fois ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait des autres…

Quand plus rien n’empêche la sodomie

Chaque porte est l’occasion de laisser libre court à ses fantasmes, à un enchevêtrement de corps et à une violence de plus en plus primitive. Plus on avance dans la lecture, plus les scènes sont irréalistes, l’orgie des corps et la violence atteignent leur paroxysme sans que le narrateur ne s’en étonne. Il n’y a plus de genre, les hommes deviennent des femmes, les femmes s’arnachent de godemichets, rien n’empêche la sodomie.

« Très vite, la presse des corps me happa, des mains couraient sur mon corps et me malaxaient les fesses, des doigts humides venaient pétrir mon anus, des visages mal rasés pressaient leurs lèvres sur les miennes, des bouches me suçaient puis me mordillaient douloureusement les tétons… »

Un livre WTF

Ce voyage dans l’inconscient et dans le surmoi du voyageur nous conduit à un excès de testostérone, de sexe, reflets d’un « trop virilo » qui se dévoile dans l’écriture. « Une vieille histoire » est un « truc » inclassable et sans aucun doute un très bon trop virilo.

NDJ : Le 5 moustaches ne sont à comprendre que dans le classement « Trop Virilo ».

Photos de la remise

8 Nov

Pose ton accessit sur mon épaul-euh (reprise par les Compagnons de la Virilité)

La littérature s’immisce partout, y compris dans le roman photo, art mineur trop décrié par l’élite parisianiste (que l’on pendra avec les tripes du dernier autofictionneur). Le Prix Virilo se commet donc dans cette tentative louable de vous faire vivre de l’intérieur la remise des prix et la petite fête bien arrosée d’hier.

C’est là : ROMAN PHOTO 2011 de la remise

NB : Nous mettons à disposition des maisons d’édition et librairies qui en font la demande des bandeaux pour doper leurs ventes, que ce soit en Prix Virilo, Trop Virilo, ou accessits. La crise du livre est déjà derrière nous avec ça.

Bonne journée à tous.

Les découvertes, d’Eric Laurrent

21 Oct

Les éditions de minuit

Lu par Philippe

Moustache onaniste

Ce court et agréable livre narre les découvertes sensuelles, littéraires et onanistes d’un jeune homme, de la première affiche du film Emmanuelle, page 33,  jusqu’à la première pénétration, enfin, page 149.

A la recherche des confessions perdues

Entre ces deux nuits de feu, on trouvera du touche-pipi, de l’imparfait du subjonctif, des  pages soutifs La Redoute, des phrases de trois plombes, des playboys, des bonheurs syntaxiques, des corrections de nouvelles érotiques, des quadruples incises, et des subjonctives de subjonctive de subjonctive. Forcément, ça change de Musso ou de VGE.

Le narrateur se remémore donc, en phrases souples et proustiennes, comment il découvrit la sensualité, l’esthétique et la volupté, liant les livres et les corps en un lent et indissociable apprentissage rendu difficile par les lazzi sur sa laideur, d’abord intellectuelle puis uniquement physique. Ce héros, plutôt moche donc, et surtout convaincu de l’être –la laideur n’est jamais qu’une longue expérience de l’invisibilité– est bien sympathique, et il est facile (je me mouille un peu là) de se retrouver dans telle honte, telle peur, tels désirs, si justement décrits.

On ne dirait pas comme ça, mais l'auteur se paluche en vous regardant

Le style d’Eric Laurrent apporte une humoristique distance et évite contre toute attente la cuistrerie, non sans agacer parfois. Tel un vieux con pérorant au coin du feu, un verre de cognac à moitié bu, la logorrhée du narrateur est parfois malvenue, surtout dans les premières pages où il décrit avec longueur des choses évidentes (être au piquet à l’école…). Gageons que cette lourdeur est souhaitée par l’auteur, pour nous obliger à la patience comme une convention de lecture, et apprendre à boire le capiteux breuvage de ses phrases.

Saoulant ? Pas pour autant, dis-je en sortant l’armagnac du buffet. Pour ceux qui aiment le style qui ne se cache pas, Eric Laurrent, sans être totalement parfait, maîtrise avec maestria des phrases magnifiques. Ce style anachronique permet d’être cru tout en restant pudique. C’est réussi et même drôle, l’auteur se permet par exemple trois « notes de bas de pages », d’une phrase chacune et de 9  pages, véritable blague de styliste et coup de brio. On regrettera simplement que cette distance aristocratique empêche l’implication totale du lecteur et ne vise pas à plus de propos littéraire car l’auteur avait largement le talent pour creuser encore plus son sujet.

En un paragraphe, on peut concourir pour le trop virilo

Il n’en demeure pas moins que bigre, voilà un livre à lire, et qui concourt joyeusement pour les deux prix : par son brio et sa justesse pour le prix Virilo, et par un paragraphe d’anthologie (page 72) pour le prix Trop Virilo (extrait qui répond littéralement au critère de « bukkake de mots, poussée de testostérone littéraire » du prix). Pas une découverte, mais une confirmation.

Le Coprophile, de Thomas Hairmont

8 Sep
Editions P.O.L.
Lu par Xavier
Le Coprophile, de Thomas Hairmont (Ed. P.O.L.)

Ce livre, c'est de la très bonne merde

Dirty Sanchez

Ce livre est une vraie merde.

Il faut l’entendre comme un compliment. Faire de la merde le personnage principal d’un roman, personne n’avait encore osé. Thomas Hairmont a l’audace de le faire dans un premier roman.

Un étudiant en mathématiques, Français vivant à New York, promis à un avenir brillant intègre une chaire dans une Université de Californie. Ennui et rejet de la société l’amènent un découvrir un plaisir bien enfoui en lui : celui de son caca. Odeur, toucher… D’abord solitaire, le plaisir devient collectif à mesure que notre merdeux rencontre d’autres coprophiles.

Puisque comme le sexe, l’étrange dérange, mieux vaut prévenir que 70% du livre est composé

Etron, c’est trop

de ceci : « Je sentais le poids et la viscosité de l’étron qui se transvasait de mon abdomen à son œsophage. Les doigts de Sonia tripotaient mes testicules tandis que ses lèvres ventousaient mon anus, affamées, jamais rassasiées. Il n’y avait rien de plus excitant que de lâcher toute ma matière interne, nauséabonde, dans la gorge en feu de Sonia. Je savais qu’elle la déglutirait avec passion (…). Et le lendemain cela serait mon tour de happer goulûment le magma marron craché par son cul, la même matière que j’avais délivrée en elle la veille, mais enrichie d’une deuxième course nocturne dans ses organes digestifs. »

Dirty stach

Les discussions seront nombreuses au sein du jury du Prix Trop Virilo, écrire un torche-cul immonde suffit-il à accéder au titre suprême ? Je lui souhaite, en tout cas, tant « Le Coprophile » est à la merde ce que « Enculée » de Pierre Bisiou (Prix Trop Virilo 2008) est à la sodomie : une apologie, extrêmement bien écrite qui se lit comme on pose un étron après un après-midi de retenue : la répugnance des scènes est enjolivée par la fluidité de la lecture.

Plus d’informations sur l’auteur : visitez la page dédiée sur l’excellent site de son éditeur, P.O.L.

La Princesse et le Président, de Valéry Giscard d’Estaing

29 Oct

XO et Fallois

Lu par Philippe

« Attention talent ! » « A lire avec gourmandise ! »

« On en redemande ! »

Voilà le genre de carton qu’aurait épinglé la librairie Virilo sur le premier de la pile souvent ouvert. Avec fantaisie, VGE nous livre une bluette aux douces fragrances de pissenlit :

Un président et une princesse tombent en amour. Ils vivent leur passion dévorante par delà les turpitudes du pouvoir et les plats trop riches des banquets républicains. Dans une rétro-prospective très « steam-punk » de ce-qui-aurait-pu-être, le président est réélu et impose le quinquennat, mais par amour. Ce qui est déjà assez classe.

D’emblée, le titre détonne. Le poète connait ses classiques et il prend plaisir dès la couverture à nous faire découvrir sa bibliothèque secrète. C’est le souffle court que nous suivons l’Arlequin rieur qui nous relit les meilleurs passages de « La Princesse et le Baroudeur » de Robin Donald. La psychologie amoureuse lorgne elle sans honte du côté de  « La Princesse amoureuse » (Carla Cassidy) et les plus romantiques se rappelleront sans doute de « La Femme d’un président » (Kaye Barbara), qui teinte d’une eau trouble cette belle aquarelle.

A plonger si profond dans l’encrier de la passion multicolore, la plume de notre immortel pêche souvent des images éculées mais touchantes par leur candeur assumée. Et il est rafraichissant de s’apercevoir finalement que le nègre moyen de la collection de charme est grosso modo au même niveau d’art que le postérieur académique qui écrase de son talent le siège de Léopold Sédar Senghor.

Armée de sa petite épée de maître, VGE fait donc l’amour à une morte. Il a tenu son pari, ce qui est déjà assez Virilo, mais ce n’est que le début. Réécrire l’histoire pour son bon plaisir dénote un caractère fort. Saper la sortie des mémoires d’un rival tout en rappelant au président en exercice qu’une princesse, de Clèves ou de Galles, ça s’idolâtre en gourmet, voilà du panache !

Mais n’en doutons pas, le viril est bien dans ce mâle orgueil qui le force à pérorer tout au long d’un livre que oui, Lady Di, il aurait pu se la faire, mec. L’hormone suinte. Mais alors pourquoi le sublime n’est pas arrivé ? Par quel malheur ne lit-on pas une autobiographie ? Au jeu des sept erreurs entre réalité et fiction, nous ne voyons qu’une explication : Sa femme à lui, Anne-Aymone, n’est pas morte pour de vrai. Et lancer ça avec la nonchalance des grands, voilà qui est peut-être bien « trop virilo ». Mais si, regardez : La testostérone laisse de petites traces rondes sur le beau tapis du salon.

Bref, un sérieux concurrent.

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