Tag Archives: vanessa schneider

Palmarès 2018

5 Nov

 

Dix ans ! Dix ans que, de blague potache en blague potache, nous achetons des livres, les lisons, et les critiquons. Dix années de travail acharné pour constater, avec une certaine lassitude mais aussi un naïf étonnement, que «la rentrée littéraire, c’est un peu surfait quand même». Le jury reste fidèle à ses principes : être teigneux quand c’est mauvais, porter la moustache et voter «en homme» (on ne sait toujours pas ce que cela veut dire).

Encore une fois cette année, le jury a fait le constat d’un battage médiatique surdimensionné, de l’autosatisfaction germanopratine repue et de ronds de jambe sans fin. Loin d’une autofiction affligeante de mollesse et de compromis, ils étaient quatre en finale :

  • Arcadie, d’Emmanuelle Bayamack-Tam (POL)
  • La Grande idée, d’Anton Beraber (Gallimard)
  • Camarade Papa, de Gauz (Le Nouvel Attila)
  • Le syndrome du varan, de Justine Niogret (Le Seuil)

 

LAURÉAT DU PRIX VIRILO 2018

Le meilleur livre de l’année 2018 est donc :

Camarade Papa

de Gauz (Le Nouvel Attila)

 

qui raconte la bêtise du colonialisme et de ses représentants et, parallèlement, la découverte drôlatique de la Côte d’Ivoire par un enfant qui y a ses origines et qui a été biberonné au marxisme léninisme intégriste des années 1970, dont il n’a retenu que quelques formules superficielles et un bel engagement révolutionnaire. Le livre de Gauz se lit avec l’urgence née d’un récit maîtrisé et intelligent, et la grâce d’un style unique et efficace, au service de son histoire. Comme nous, le Nouvel Attila vient de fêter ses dix ans.

 

LAURÉAT DU PRIX « TROP VIRILO » 2018

La rentrée littéraire manque parfois de talent mais jamais de testostérone. Pour récompenser cette giclure excessive, le Prix Trop Virilo a dû départager en finale Jérémy Fel, dont le héros se masturbe pourtant dans un chien mort, et le gagnant

Jean Mattern, pour

Le bleu du lac (Sabine Wespieser)

 

Dans un récit assez tiède, l’irruption de ce héros à la «bite magnifique» s’impose  avec douceur mais autorité, grâce à son personnage qui éjacule deux fois de suite dans son pantalon à la seule écoute d’un concert de musique classique, puis aborde la pianiste objet de son épandage en lui expliquant qu’il a gâté deux pantalons à cause d’elle, et qu’elle lui doit donc bien un repas. Elle accepte bien sûr cette invitation, ce qui lui vaudra par la suite de faire connaissance de ladite « bite magnifique ».

 

Que de surprises avec Brahms

 

Tout comme le Femina, le Virilo tire sa légitimité de son nom. Mais le Prix Virilo, ce n’est pas seulement le meilleur roman de l’année, c’est aussi un empire marketing, notamment une farandole d’accessits sans lesquels le Prix ne serait rien. Une rentrée littéraire, c’est en effet beaucoup d’ennui qu’il faut tromper.

La fête anniversaire de nos dix ans (ce vendredi, venez) sera l’occasion de révéler l’ensemble de nos accessits. Pour tenir durant cette insoutenable attente, en voici quelques-uns :

– Le Prix Pilon de la forêt qui pleure, cuvée Prix Prilon-Paprec© 2018, revient cette année à Jérémy Fel, pour Helena ;

– l’accessit «Fondation Hulot pour la nature, sauvez un arbre, achetez un PDF» de l’autrice qui a déjà reçu le prix pilon mais le mériterait de nouveau est attribué à Christine Angot pour Un tournant de la vie ;

– Le Prix de l’entregent et de l’entrejambe revient à Adrien Bosc pour Capitaine, ses liens familiaux et amicaux avec « Claude » (Lévi-Strauss, pas François !) et ses liens capitalistiques avec les maisons d’éditions ;

– l’accessit Jean d’Ormesson du titre le plus Jean d’Ormesson revient une dernière fois, comme il se doit, à Jean d’Ormesson pour Et moi, je vis encore, paru à titre posthume ;

– l’accessit «La gloire de mon père, le château de ma mère, les lauriers de mon frère, les secrets de ma cousine et les talents de ma belle-sœur» du récit pas forcément documenté ni intéressant sur un membre de sa famille revient collectivement à Laurent Seksik, Olivia de Lamberterie, Robert Badinter, Vanessa Schneider, Elisabeth de Fontenay, Michaël Ferrier, etc., et à l’ensemble de la rentrée littéraire 2018.

 

Retrouvez tous les autres accessits, du big data sous forme graphique, de l’alcool et de la mauvaise foi à la soirée anniversaire qui se tiendra le vendredi 9 novembre à partir de 19 h au Chai d’Adrien, 39 boulevard du Temple à Paris – RSVP. Le Prix sera remis à 20 heures.

Vous pouvez suivre l’événement sur notre page Facebook : https://www.facebook.com/leprixvirilo

Du big data sous forme graphique et plein de surprises avec les accessits !

Tu t’appelais Maria Schneider, par Vanessa Schneider

9 Sep

Lu par… Jean-Marc

2 moustaches, « et je suis gentil »

 

 

 

 

Ni biographie ni roman, un peu des deux à la fois, avec les facilités qu’offre chaque genre, ce livre se lit vite, pour peu qu’il ne nous tombe pas des mains. Rappelons que Vanessa Schneider, cousine de Maria, ce qui autorise le « tu » en vigueur à chaque page (dès la première : « Tu avais cinquante-huit ans quand tu nous as quittés »), est journaliste au Monde.

On peut d’ailleurs résumer le livre ainsi : Vanessa Schneider, cousine de Maria, est journaliste au Monde.

Car, hélas, ce n’est pas un livre mais un long article, une « enquête » dont le quotidien du soir est friand, qui nous est donnée. Avec la rigueur journalistique qui est la sienne, Vanessa n’oublie aucune fiche Wikipédia pour contextualiser. Ainsi, puisque Maria Schneider est née en 1952, apprendra-t-on que c’était l’année où « une machine étrange sort des usines IBM, le premier ordinateur » ; en France, « on se chauffe au charbon, on lave son linge à la main », les écoles ne sont pas mixtes, les filles « jouent à la marelle, aux osselets et au yoyo », la pilule n’existe pas et « l’abbé Pierre fonde le mouvement Emmaüs ». Sans doute cette année 1952 est-elle un peu décevante pour la journaliste qui embraye aussitôt sur la suivante : « Staline meurt en 1953, Elisabeth est couronnée reine d’Angleterre quelques mois plus tard »,. Tant qu’on y est, contextualisons les 4 ans de Maria : « Le 4 novembre 1956, les chars soviétiques entrent à Budapest. » Cet étalage de contextualisations ne sert sans doute qu’à amener la phrase qui clôt ce chapitre : « la guerre devient froide. » Morceau de bravoure, qu’on clap clap clap mais, au fait, Maria Schneider ?

Quand la guerre devient froide

 

 

Maria Schneider a été violée durant le tournage du Dernier Tango et ça a bousillé sa vie. Comme sa fiche Wikipédia l’indique, et nombre d’articles, la sodomie simulée a en effet été conçue, conduite et vécue comme un viol. C’en est un. Humiliation que l’actrice trainera toute sa vie. Mais ce n’est pas un scoop. Dommage pour une journaliste !

Vanessa Schneider n’ayant pas d’informations particulières à livrer, elle feuillette donc l’album de famille. Parlant parfois de Maria, aux bras piqués de noir, l’héroïne la ravage, mais aussi de papa, maman, ou de tonton Jean, homosexuel qui « nous jette son exubérance à la figure ». Elle parle des visites de Maria, des films de Maria qu’elle appréhende « dans le désordre, au gré des hasards ou des circonstances », c’est d’un chic, ou de son enfance : « par beau temps, nous jouons sur la dalle. Les parents jettent de temps en temps un coup d’œil par la fenêtre pour s’assurer que tout va bien. »

Quand elle n’a plus rien à dire (c’est tout le temps, en fait), elle commente des coupures de presse. Paris Match, novembre 1978 : « Maria ne semble pas avoir compris que les canons de la mode ont changé. Sur les clichés qui illustrent l’article, elle porte des fringues de fripe, chemises d’hommes pas repassées, blouson en jeans à la propreté douteuse, jupe indienne à fleurs tombant sur des sabots de bois. » Les pages mode de Elle ne sont pas mieux rédigées.

Il y a parfois des moments délicieux, ainsi lorsqu’elle parle de Fiona Gélin : « Je ne l’avais croisée qu’une fois, lors de tes funérailles, je savais qu’elle n’allait pas très bien » – hey, Vanessa, c’est un peu le principe des funérailles, tu vois ?

Dans ce livre qu’elle a « hésité » à écrire, Vanessa Schneider n’a donc rien à dire, sinon qu’elle est la cousine de Maria : « Chaque fois que j’essaye de ne plus penser à toi, tu me rattrapes. J’ai commencé à écrire sur nous, j’arrête et je reprends, comme une marche chaotique sur un sentier escarpé. Impossible de faire demi-tour. » L’enjeu principal est sans plutôt de coller au mouvement #MeToo (« L’heure n’est plus au silence. La parole a supplanté la honte. ») pour doper les ventes

 

La phrase à prononcer dans un dîner en ville : Ses films ? Bah, moi, je les appréhende dans le désordre, au gré des hasards ou des circonstances.

 

Encore un qui n’allait pas très bien (indice : ce n’est pas un mariage)

%d blogueurs aiment cette page :