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Un monde à portée de main, de Maylis de Kerangal

13 Sep

Lu par… Anne

Réjouies et a fresco

 

 

 

 

Il y a des livres qu’on aimerait pouvoir détester juste parce que, parce qu’on est des têtes de lard et qu’hurler avec la meute germanopratine, aussi velue soit-elle, merci mais non merci. Le nouveau roman de Maylis de Kerangal en fait partie.

Sauf que… Il faut parfois se défaire de sa mauvaise foi naturelle et le reconnaître : le livre est une sacrée réussite qui parvient à ne parler de rien de plus que les autres avec sensualité et érudition.

L’histoire est celle de Paula, post-ado désœuvrée (comme nous tous, hein) qui décide un beau jour de s’inscrire dans une école bruxelloise enseignant l’art confidentiel et minutieux du trompe l’œil. Paula en bave, elle s’accroche, vit en colocation dans un appart pourri, se fait des amis, finit son cursus, décroche un premier contrat, puis un autre et finit par bosser sur Lascaux IV. Comme nous tous, je vous dis.

A marche forcée (et ce stacatto immuable est peut-être l’un des seuls bémols du roman), Maylis (vous permettez que je vous appelle Maylis ?) nous plonge avec délectation dans les matières et les odeurs, les êtres et les formes, les lieux et les histoires. On voyage, on découvre, on respire un peu d’éther.

Page 48 pourtant on espère la chute, le faux-pas, la faute de goût: « ceux de Paula sont beaux et propres, la virole étincelante, la touffe douce […] un petit gris à soies de porc, un épointé, un striper… ». Hélas il ne s’agit pas des fantaisies de Paula en matière d’épilation mais bien de ses pinceaux.

De même frémit-on à l’évocation des attentats de Charlie Hebdo, mais ce sont des dessinateurs qu’on assassine, des faussaires du réel, tout comme Paula et ses amis. Et Maylis retombe sur ses pattes avec la grâce d’un persan à poils longs dans le salon d’une vielle châtelaine.

Sa métaphore de l’imitation comme création est vieille comme l’art mais on y est bien, comme dans une bonne vieille charentaise élimée, et elle fonctionne très bien comme mise en abyme du travail de l’écrivain. On est dans du connu, du confort.

Verdict : Un roman initiatique élégant qui donne envie de se remettre à la peinture par numéros.

5 ans d’études pour apprendre l’art délicat du trompe l’oeil

Un ange noir, de François Beaune

19 Oct

Editions Verticales

Lu par Claire

Rasoir angélique

Ô toi, lecteur au moral de carton sapé par le spleen automnal, engourdi par les premières engelures, et brillamment achevé par les pessimistes prédictions économiques, viens donc enfoncer le clou en te frottant au nouveau roman de François Beaune. Quitte à déprimer, déprimons complètement.

En veux-tu en voilà d’un contenu qui dessert son contenant, ou comment réussir à pondre en 277 pages l’histoire sordide d’un héros insupportable, rédigée d’une plume prometteuse à coups d’observations judicieuses.

American Psycho à la Sofres

Oui, disons-le tout de go, que l’on supporte avec peine le récit d’Alexandre Petit, lyonnais de 37 ans habitant chez maman, sondeur chez Sofres et amateur de Motus, paranoïaque, sociopathe, bienveillant dans un style bien à lui, ses meilleures intentions le conduisant à éliminer ceux qu’ils considèrent comme néfastes à la société, avec une nette prédilection pour les punks à chiens.

François Beaune est fort, très fort. Il dépeint avec précision et finesse le portrait de cet homme en cavale, emporté dans des récits de plus en plus torturés. Au début, on l’aime, ce Petit, puis on doute, puis on ne doute plus : c’est un monstre. François Beaune arrive à endormir notre méfiance, nous endort pour mieux nous tromper, mais finalement réalise un coup de poker légèrement suicidaire : son héros est tellement odieux qu’il en assassine son propre livre.

Naissance d’un pont, de Maylis de Kerangal

13 Oct

Verticales

Lu par Marine

Cela devient une habitude. J’ai commencé enthousiaste, j’ai fini en accéléré. Faisons bien, faisons bref.

Pour : atmosphère intéressante (avec une espèce de ruée, non sur l’or, mais sur le chantier d’un pont, située dans un espace-temps indéterminé), personnages travaillés (qui restent à distance du lecteur mais c’est tant mieux), intrigue construite, écriture foisonnante.

Contre : écriture (trop ?) foisonnante, qui par moment sonne faux, une flemme à renouveler l’histoire dans les derniers chapitres. On a l’impression que le concept tourne un peu en rond. Tout de même, c’est d’une autre trempe que la plupart des hits de la rentrée, assez convenus dans leurs genres.

PS féminin : rien des clichés de la littérature féminine et pourtant, la tournure de l’ensemble a une élégance très féminine (bref, si vous cherchez une histoire de chantier bien virile, passez votre chemin).

Un homme louche, de François Beaune

11 Oct

Verticales

Lu par Philippe

Enthousiasmant au départ, bien écrit, moderne et fin. Il saisit avec justesse l’ennui de l’adolescence. C’est très bon, et assez drôle. On pense à « Polichinelle » de l’année dernière et on se frotte les paluches.

Et puis la deuxième partie (le héros est adulte) fait pschitt et jamais ne s’arrange. Les ellipses deviennent agaçantes, le personnage est verbeux, les idées exposées avec prétention sont banales, loin de la clarté agile et maligne dont on sait l’auteur capable. C’est d’ailleurs ce que l’on a du mal à lui pardonner.

Lu par Bertrand

Ce livre reste une expérience originale. Certes, on a déjà suivi des ados mais celui-ci est complètement barré, cruel et drôle. La première partie du livre qui retranscrit le journal intime de cet adolescent est la plus forte. La deuxième perd en intensité, on s’y ennuie. Le projet reste intéressant, notamment dans l’écriture,  celle d’un jeune homme dérangé.

Vers la douceur, de François Bégaudeau

10 Oct

Verticales

Lu par Philippe

Les cinquante premières pages sont vraiment plaisantes. Il y a un petit côté  « nouvelle chanson française », avec des impressions communes agréablement retranscrites, des bonnes comparaisons, du name dropping de Star Wars… C’est assez bien fait.

Très vite cependant, le livre sombre dans ce que l’on pouvait craindre du personnage médiatique de l’auteur : une bonne conscience de gauche filée, un goût pour le gentil assumé par le titre que cette franchise ne suffit pas à faire passer, et un côté « je prends le vélib’ je vote à gauche et je vais dans un ciné de quartier » qui fatigue.

On en sort perplexe du gâchis des premiers moments appréciés et d’une ambition louable (ne pas faire triompher le cynisme, sortir de l’ombre des illusions déçues et des amours ratés) qui manque son coup.

Quant à l’idée d’enfiler les chapitres dans un ordre non chronologique, il n’aboutit à rien si ce n’est perdre totalement le lecteur entre les noms et les destins pour nous jouer des saynètes indépendantes, où les acteurs importent peu. On lit un recueil de nouvelles. L’unique but de ce désordre ne crée aucun sens et ne met pas grand chose en valeur, ou j’ai raté quelque chose…

Next, comme dit l’excellente émission du même nom.

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