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Casting sauvage, d’Hubert Haddad

5 Sep

Lu par… Anne

Trois moustaches bogdanoviennes

 

 

 

Au cœur du nouveau roman d’Hubert Haddad, auteur prolifique et lyrique, une idée suffisamment absurde pour être plausible : Damya, danseuse prometteuse fauchée en vol par les attentats de novembre 2015, est recrutée pour déambuler dans les rues de Paris à la recherche de potentiels figurants qu’une maigreur hâve rendrait éligible au rôle de déportés juifs libérés des camps.

C’est moyen. Flegmatiques, nous levons un sourcil circonspect. Ce n’est que le début.

Avant le drame, Damya était littéralement la chose d’un metteur en scène forcément mégalo, forcément épris de lui-même, de sa fonction et de son rôle de pygmalion. Damya n’est pas une personne mais une glaise molle qu’il façonne à sa guise pour coller à sa vision de Galathée.

Un peu facile comme conception de la création et de la danse, le second sourcil rejoint le premier dans une expression d’agacement figée, le troisième jumeau Bogdanov, c’est nous.

Ça devient franchement croquignole quand on apprend que Damya s’est certes retrouvée victime de l’attentat du Carillon mais pas par hasard : elle attendait en fait l’un des assassins qui lui avait donné rendez-vous là après avoir fauté avec elle la veille au soir entre deux voitures. Même les pires salauds ont droit de l’amour d’une Pénélope qui les attend en terrasse, et les djihadistes c’est franchement plus ce que c’était.

Gêne. Rire.

Casting sauvage a donc beaucoup de raisons d’être considéré comme super raté, sans parler de l’écriture précieuse à l’excès, parfois si lyrique qu’on en mal au René Char.

Pourtant… Difficile de faire preuve de toute la cruauté exigée par notre président qui nous exhorte inlassablement à « être méchant parce que c’est drôle, ça fait du like, ça fait du buzz« . L’objet du roman est manifestement un prétexte pour célébrer Paris et sa diversité, et donne lieu à de jolis portraits de citadins cabossés. Une version un peu chic, un peu intello, un peu maline d’Anna Gavalda, avec de beaux morceaux de littérature dedans, abstraction faite des envolées poétiques ad nauseam. Dommage qu’Hub ait péché par excès de zèle. Tel un Rocco Siffredi de la littérature, il a voulu trop en mettre*.

Difficile d’illustrer cette critique sans déraper, on se contentera de la couverture

*Dans le doute un copyright d’honneur est attribué à notre président pour cette blague souvent employée, jamais éculée.

Dans l’épaisseur de la chair, de Jean-Marie Blas de Roblès

18 Oct
Lu par…Gaël

4 moustaches très humides

 

 

Un homme, dont le blaze est Roblès, part pêcher avec le bateau de son père, de très bon matin la veille de noël. A la suite d’une fausse manœuvre, il tombe à l’eau. Menacé d’une mort lente par hypothermie, il revoit défiler, non pas sa vie, mais celle de son père, Manuel. Étrange mélange de kinétoscope et de divan.
Il y a beaucoup de choses sur la pêche en Méditerranée, la vie et les sentiments très intelligemment narrés d’un pied noir espagnol en Algérie, un tableau de la guerre à laquelle ce père a participé comme médecin qui assume que la guerre, c’est juste affreux et pas du tout romantique (le travers inverse étant malheureusement d’autant plus fréquent que les vraies guerres s’éloignent de notre connaissance directe). Une réflexion très intelligente sur ce qu’a été l’Algérie française, volée à un peuple et aimée par deux. Un beau tableau de ce que peut être une figure écrasante de père qui a été mêlé de près à l’Histoire, et qui jusque dans ses défauts recouvre la vie de son fils d’une ombre inatteignable.
C’est très bien, en résumé. D’autant mieux qu’écrit sans ironie ni pseudo détachement, avec une admiration sincère tenue sur 384 pages, ce qui est un exercice rare et difficile.
Un livre à emporter en bateau, donc.

Belle tenue pour guerre moche

Le Garçon, de Marcus Malte

13 Oct

Lu par… Anne

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Quatre moustaches dans le vent

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Le prix Virilo n’est pas le pays des Bisounours, comme on pourrait le croire. Les échanges y sont rugueux, les débats farouches, l’éthylisme fervent. Et les jurés sont sommés de pisser la critique en temps et en heure.

Je commis la naïve imprudence de me lancer dans la lecture du Garçon de Marcus Malte dont j’aime souvent le style et l’audace littéraire. Las, force est de constater que ce roman compte 544 pages et qu’à ce jour, j’en suis à la page 211.

Je vais donc vilement accorder 4 moustaches à ces 211 premières pages, contraignant ainsi l’un de mes confrères à une deuxième lecture, selon les règles immuables de notre beau prix.

Bonne fille, je vais tout de même dûment critiquer ces mêmes 211 premières pages, ce qui dispensera mon ou ma camarade de le faire.

Sans surprise, c’est l’histoire d’un garçon dont on ignore encore le nom à la page 210 (qu’en est-il à la page 211 ? Et à la page 328 ? Mystère, mystère…), mutique et élevé à la sauvageonne par sa mère à une époque indéterminée mais qu’on pressent antérieure au Retour à la Terre et aux élevages caprins du Larzac. Lorsque le roman s’ouvre, le pauvre  pitchoun est en train de porter sa maman sub-claquante sur son dos  pour l’emmener voir la mer (amis lacaniens, à vos stylos, je relève les copies dans 30 minutes). A croire qu’il ne marche pas assez vite, elle trépasse en chemin. Demi-tour, direction la cahute qui leur sert d’abri. Le paysage est aride, la sécheresse sévit, on bouffe des cailloux à tous les repas, la vie d’ermite, c’est pas facile. Marcus Malte a sans doute lu Manon des Sources. Ou au moins vu le film.

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Il est longagne, le gandin

 

 

Le Garçon prend ses cliques et ses claques et arrive dans un hameau occupé par de bons gros gueux. Son séjour donne lieu à de cocasses scènes de burlesque paysan. Les bonnes choses ayant une fin, il se fait virer à coup de tatanes à la suite d’un séisme. Marcus Malte a sans doute lu Giono, bravo à lui.

Le Garçon continue son bonhomme de chemin et atterrit entre les pattes d’un Ogre qui n’a de monstrueux que l’apparence car c’est en fait un catcheur itinérant qui gagne sa vie en se maravant en place publique. La période se précise, on est avant l’invention de la télé. Ce géant au grand cœur nommé Brabek est aussi un homme cultivé qui a vu le monde. Au Garçon, il offre des rudiments d’éducation et d’hygiène parce qu’à deux entassés dans une roulotte, ça a vite fait de cocotter sévère. Mais la vie est mal faite, l’Ogre finit par perdre un combat et en conclut logiquement qu’il est grand temps de tirer sa révérence. Il se pend donc à un arbre. Marcus Malte a sans doute lu Sans Famille, ça arrive à des gens très bien.

Interlude. Mettant fin à un suspens insoutenable, l’auteur nous explique que cette année-là, le monde a connu quelques fracas qui permettent de situer l’action en 1910. Marcus Malte a sans doute lu Wikipedia, toi-même tu sais.

Cahin-caha, le Garçon poursuit sa route mais là, patatras, accident de roulotte, il se paye une voiture. En 1910, c’était pas comme maintenant, il y en avait beaucoup moins, c’est vraiment pas d’bol. A croire que dans son malheur, il a quand même une sacrée chance, ce garçon : la voiture appartient à un riche notable du coin. Le brave homme est veuf, passionné par les pommes et par sa fille unique, Emma, qui joue très bien du piano et qui est fantasque juste ce qu’il faut pour pas qu’on s’ennuie, parce que quand même, il faut avouer, on hésitait un peu. Comme elle aussi s’emmerde grave, Emma prend le Garçon sous son aile, elle en fait son « petit frère », c’est plus pratique d’être deux pour peler les pommes. Mais on sent bien qu’à un moment, ils vont se faire des bisous. Marcus Malte a sans doute lu Bouvard et Pécuchet et Emma Bovary (vous l’avez ? J’avoue que c’est subtilement amené…). A ce stade, on peut même en conclure que Marcus Malte a pris un abonnement à la bibliothèque.

FIN DES 211 PREMIERES PAGES !

Le Garçon finira-t-il par connaître amour, paix et bonheur ? Marcus Malte rapportera-t-il à temps le 4e tome de la Recherche à la médiathèque ?  Le roman mérite-t-il ses 4 moustaches ? Remportera-t-il le très convoité Prix Virilo ?

Vous le saurez en lisant la suite de cette critique, disponible très prochainement sur les Internets…

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nerd

Comme Marcus, vérifiez toujours la disponibilité des ouvrages que vous désirez emprunter.

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Vous l’aurez compris, c’était une blague, et le logo est :

Aérolithe pileux

Aérolithe* pileux

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*Cassdédi Mona Ouzouf

Le grand loin, de Pascal Garnier

12 Avr

Zulma

Lu par Marine

Arghh. Double arghh. Pascal Garnier m’oblige à un exercice de sado-masochisme cette année.

Un, Pascal Garnier a sorti un nouveau roman et j’ai été assez maso pour l’acheter. Je m’étais dévouée pour Lune captive dans un œil mort et je pense que je pourrais refaire la même critique pour celui-là. En résumé : plume incisive, bonne dose d’humour noir mais la chute arrive comme un cheveu sur la soupe. J’ajouterai en bonus qu’elle est très très trash, trop peut-être pour la rapidité avec laquelle elle survient. Bref, je suis encore restée perplexe. Et avouons-le, je n’accroche toujours pas complètement.

Deux, Pascal Garnier a eu le mouvais goût de décéder avant que je rende cette critique. Ca m’apprendra à laisser traîner. Critiquer un mort… On va nous traiter de sadiques…

Intérieur Nord, de Marcus Malte

14 Oct

Zulma

Lu par Marine

Très beau recueil de quatre nouvelles pour lequel je vous propose un petit exercice de plagiat résumant les critiques qui m’ont semblées tomber au plus juste (plagiat habile j’espère).

Quatre hommes face à la mort, quatre solitudes plongées dans un monde intérieur hivernal, quatre contes « des joues de pluie et des nuits sans fin » où le lecteur ne peut que s’identifier à ces narrateurs perdus et piégés. Ces nouvelles sont les histoires de ces ornières et de la tentative de chacun pour s’en libérer ou pour les effacer. Et cela nous étreint profondément, qui nous fait demeurer mélancolique une fois le livre refermé. Le style employé, magnifique de pudeur et de simplicité, est enfin totalement en symbiose avec ces quatre fantômes plein d’humanité.

Lune captive dans un oeil mort, de Pascal Garnier

14 Oct

Zulma

Lu par Marine

Petit ratage. Je m’explique. Le style est agréable, précis et simple. Le fond du propos est inspiré, c’est-à-dire faire d’une résidence ultra-sécurisée pour « séniors » le lieu clos d’un roman à l’humour noir qui vire au thriller. La critique sous-jacente résonne en nous et sonne juste. Toutefois l’action est beaucoup trop longue à se mettre en place, le basculement a lieu très tard et la chute finale est fatalement trop brutale, sans avoir laissé le temps aux mécanismes qui l’engendrent d’avoir convenablement imprégné le roman.

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