Lu par… Anne

Trois moustaches bogdanoviennes
Au cœur du nouveau roman d’Hubert Haddad, auteur prolifique et lyrique, une idée suffisamment absurde pour être plausible : Damya, danseuse prometteuse fauchée en vol par les attentats de novembre 2015, est recrutée pour déambuler dans les rues de Paris à la recherche de potentiels figurants qu’une maigreur hâve rendrait éligible au rôle de déportés juifs libérés des camps.
C’est moyen. Flegmatiques, nous levons un sourcil circonspect. Ce n’est que le début.
Avant le drame, Damya était littéralement la chose d’un metteur en scène forcément mégalo, forcément épris de lui-même, de sa fonction et de son rôle de pygmalion. Damya n’est pas une personne mais une glaise molle qu’il façonne à sa guise pour coller à sa vision de Galathée.
Un peu facile comme conception de la création et de la danse, le second sourcil rejoint le premier dans une expression d’agacement figée, le troisième jumeau Bogdanov, c’est nous.
Ça devient franchement croquignole quand on apprend que Damya s’est certes retrouvée victime de l’attentat du Carillon mais pas par hasard : elle attendait en fait l’un des assassins qui lui avait donné rendez-vous là après avoir fauté avec elle la veille au soir entre deux voitures. Même les pires salauds ont droit de l’amour d’une Pénélope qui les attend en terrasse, et les djihadistes c’est franchement plus ce que c’était.
Gêne. Rire.
Casting sauvage a donc beaucoup de raisons d’être considéré comme super raté, sans parler de l’écriture précieuse à l’excès, parfois si lyrique qu’on en mal au René Char.
Pourtant… Difficile de faire preuve de toute la cruauté exigée par notre président qui nous exhorte inlassablement à « être méchant parce que c’est drôle, ça fait du like, ça fait du buzz« . L’objet du roman est manifestement un prétexte pour célébrer Paris et sa diversité, et donne lieu à de jolis portraits de citadins cabossés. Une version un peu chic, un peu intello, un peu maline d’Anna Gavalda, avec de beaux morceaux de littérature dedans, abstraction faite des envolées poétiques ad nauseam. Dommage qu’Hub ait péché par excès de zèle. Tel un Rocco Siffredi de la littérature, il a voulu trop en mettre*.

Difficile d’illustrer cette critique sans déraper, on se contentera de la couverture
*Dans le doute un copyright d’honneur est attribué à notre président pour cette blague souvent employée, jamais éculée.
Les poilus parlent aux poilus